Le média d’investigation MintPress News a fait paraître il y a quelques semaines une enquête sous la plume d’Alan Macleod, à propos de certaines pratiques d’Apple en matière de recrutement. Alors que les critiques fusent, côté occidental, sur la dangeureuse/horrible/abominable messagerie russe « MAX », il nous a semblé pertinent d’en offrir à nos lecteurs un résumé en français.
En résumé :
- Apple et l’Unité 8200 : le géant californien a recruté des dizaines d’anciens agents du renseignement israélien, spécialisés dans la surveillance de masse et le cyber-espionnage. Plusieurs figures de l’Unité 8200, comme Nir Shkedi, Noa Goor ou Eli Yazovitsky, occupent aujourd’hui des postes clés chez Apple.
- Une unité sulfureuse : connue pour le chantage, le logiciel espion Pegasus et la collecte massive de données personnelles, l’Unité 8200 est accusée de violations des droits humains.
- Tim Cook et Israël : le PDG d’Apple a affiché à plusieurs reprises son soutien à Tel-Aviv, tout en sanctionnant des employés pro-palestiniens.
- Un phénomène global : Google, Facebook, Microsoft, Amazon ou TikTok ont eux aussi intégré d’anciens espions israéliens, influençant à la fois la tech et les médias.
- Apple se drape régulièrement dans les vertus de la confidentialité et des droits de l’homme, sans oublier la lutte contre le réchauffement climatique, la promotion des LGBT et les migrants. Mais derrière ce vernis moralisateur pour gogo se dissimule une réalité autrement plus troublante : l’entreprise de Cupertino a discrètement recruté des dizaines de vétérans de l’Unité 8200, le service de renseignement militaire israélien tristement réputé pour ses pratiques de surveillance de masse, de chantage et pour ses assassinats ciblés.
Apple s’est récemment posé en champion de la confidentialité et des droits de l’homme. Mais derrière ce discours de façade s’esquisse une autre réalité : l’entreprise de Cupertino recrute depuis plusieurs années un nombre significatif d’anciens membres de l’Unité 8200, service de renseignement militaire israélien spécialisé dans la collecte et l’analyse de données à grande échelle.
Des embauches au plus haut niveau
Selon MintPress News, plusieurs dizaines d’anciens officiers de l’Unité 8200 ont rejoint les rangs d’Apple, souvent à des postes d’ingénierie stratégique. Ces arrivées se sont accélérées au moment même où le PDG Tim Cook exprimait publiquement son soutien à Israël, suscitant en interne des tensions avec des employés qui dénonçaient une gestion partiale de la liberté d’expression au sein du groupe.
Apple, rappelons-le, dispose de trois centres de recherche en Israël et emploie dans le pays environ 2 000 personnes. La société a également mis en place une politique de contrepartie des dons de ses salariés vers des organisations comme Friends of the IDF ou le Jewish National Fund, toutes deux liées à la politique de sécurité et de colonisation israélienne.
Portraits de recrues
Parmi ces nouveaux venus figure Nir Shkedi, commandant au sein de l’Unité 8200 de 2008 à 2015. À la tête d’une équipe d’environ 120 agents, il a supervisé le développement d’outils d’intelligence artificielle capables de traiter rapidement de vastes ensembles de données pour identifier des cibles. Depuis 2022, il travaille comme ingénieur en conception physique dans la Silicon Valley.
Noa Goor, quant à elle, a dirigé plusieurs projets de cybersécurité de 2015 à 2020, qu’elle décrit comme « stratégiques pour l’armée israélienne ». Depuis 2022, elle occupe un poste d’ingénieure en conception de puces chez Apple.

Le rôle singulier de l’Unité 8200
Souvent comparée à une école d’ingénieurs de haut niveau, l’Unité 8200 constitue la principale pépinière du secteur technologique israélien. Ses missions vont de la cybersurveillance à l’interception massive de communications. De nombreux anciens membres ont fondé ou rejoint des sociétés à l’origine d’outils aujourd’hui répandus dans l’industrie de la sécurité numérique, tel le logiciel Pegasus, utilisé par plusieurs États pour surveiller personnalités politiques, journalistes et activistes.
L’unité est également connue pour avoir constitué des bases de données très détaillées sur la population palestinienne, incluant des informations personnelles et médicales, utilisées à des fins de contrôle et de pression.
Voir aussi : Libération : Dov Alfon, ancien des services de renseignements israéliens, nouveau rédacteur en chef
Une orientation qui dépasse Apple
Apple n’est pas une exception. Des enquêtes similaires montrent que Google, Facebook, Microsoft, Amazon ou encore TikTok ont aussi recruté d’anciens membres de l’Unité 8200. Certains ont même rejoint les conseils de modération de grandes plateformes sociales, chargés de décider de ce qui peut ou non circuler à l’échelle mondiale.
Dans les médias, des figures comme Barak Ravid, correspondant d’Axios à Washington, ou Tal Heinrich, désormais porte-parole de Benjamin Netanyahou après un passage par CNN, sont également issus de cette filière.
Une question ouverte
Faut-il voir dans cette dynamique un simple transfert de compétences technologiques ou bien une proximité culturelle et politique durable entre la Silicon Valley et l’appareil sécuritaire israélien ? La question reste posée.
Quoi qu’il en soit, ce phénomène met en lumière un fait peu discuté : une part croissante de l’architecture numérique mondiale est conçue, administrée ou influencée par des experts formés dans l’une des unités de renseignement les plus structurées du Proche-Orient.
Yves Lejeune
Source originale de l’article (en anglais) : mintpressnews.com



















