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La Guerre des GAFAM se poursuit : 200 médias français portent plainte contre Meta pour « pratiques illégales »

19 mai 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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La Guerre des GAFAM se poursuit : 200 médias français portent plainte contre Meta pour « pratiques illégales »

Temps de lecture : 4 minutes

Près de 200 médias français, de TF1 au Figaro, pour­suiv­ent Meta pour « pra­tiques illé­gales » liées à la col­lecte illicite de don­nées per­son­nelles. Ils accusent la firme de Mark Zucker­berg d’avoir cap­té des revenus pub­lic­i­taires en violant le RGPD, cau­sant un préju­dice économique massif.

Depuis le 22 avril 2025, une coali­tion inédite de 200 médias français, inclu­ant des géants comme TF1, France Télévi­sions, Le Figaro, Les Echos-Le Parisien, Pris­ma, et des titres régionaux tels que Ouest-France ou La Voix du Nord, a porté plainte con­tre Meta au tri­bunal des activ­ités économiques de Paris. Ces médias met­tent en cause des « pra­tiques com­mer­ciales déloyales » fondées sur une col­lecte mas­sive et illicite de don­nées per­son­nelles, en vio­la­tion du Règle­ment général sur la pro­tec­tion des don­nées (RGPD), entré en vigueur en mai 2018.

Selon les plaig­nants, Meta aurait prof­ité de la péri­ode où les médias met­taient en place des mécan­ismes de con­sen­te­ment pour leurs util­isa­teurs pour con­tin­uer à recueil­lir des don­nées sans autori­sa­tion, ali­men­tant ain­si une pub­lic­ité ultra­ciblée. Cette stratégie aurait per­mis à Meta de capter une part dis­pro­por­tion­née des investisse­ments pub­lic­i­taires, au détri­ment des édi­teurs respectueux des règles européennes.

Des centaines de millions d’euros en jeu

Les avo­cats des médias esti­ment que cette pra­tique a engen­dré un préju­dice économique mas­sif. Marc Feuil­lée, directeur général du groupe Le Figaro, résume l’enjeu :

« En respec­tant la loi, nous avons été pénal­isés. La con­cur­rence doit se faire sur les mérites, pas sur le con­tourne­ment des règles. »

Les plaig­nants dénon­cent ain­si un avan­tage con­cur­ren­tiel « obtenu illé­gale­ment » par Meta, qui aurait siphon­né des dizaines, voire des cen­taines de mil­lions d’euros de revenus publicitaires.

Cette action col­lec­tive n’est pas isolée. En décem­bre 2023, l’Association des médias d’information espag­nole, représen­tant plus de 80 entre­pris­es, a engagé une procé­dure sim­i­laire con­tre Meta, récla­mant 550 mil­lions d’euros pour des vio­la­tions du RGPD entre 2018 et 2023. Cette plainte, qui s’appuie sur une déci­sion de l’autorité irlandaise de pro­tec­tion des don­nées (DPC) de décem­bre 2022, sera jugée en octo­bre 2025. La DPC avait déjà sanc­tion­né Meta à plusieurs repris­es : 405 mil­lions d’euros en 2022 pour des man­que­ments dans le traite­ment des don­nées de mineurs, et 265 mil­lions d’euros la même année pour une pro­tec­tion insuff­isante des don­nées utilisateurs.

En novem­bre 2024, la Com­mis­sion européenne avait, elle, infligé une amende de 798 mil­lions d’euros à Meta coupable d’avoir enfreint les règles de la con­cur­rence.

Plus récem­ment, en avril 2025, Meta a écopé d’une amende de 200 mil­lions d’euros dans le cadre du Dig­i­tal Mar­kets Act (DMA), ren­forçant l’image d’une plate­forme régulière­ment dans le viseur des régu­la­teurs européens.

Des tensions récurrentes entre Meta et les médias

Les rela­tions entre Meta et les médias, en France comme à l’international, sont mar­quées par des con­flits récur­rents. En France, la ques­tion des droits voisins – la rémunéra­tion des édi­teurs pour l’utilisation d’extraits de leurs con­tenus – a déjà don­né lieu à des batailles judi­ci­aires. En 2021, l’Autorité de la con­cur­rence française avait infligé une amende de 500 mil­lions d’euros à Google pour non-respect des droits voisins, pous­sant Meta à négoci­er des accords avec cer­tains édi­teurs français. Cepen­dant, ces accords n’ont pas apaisé toutes les ten­sions. En novem­bre 2024, des médias comme Le Monde, Le Figaro et l’AFP ont pour­suivi X, pro­priété d’Elon Musk, pour des motifs sim­i­laires, tan­dis qu’une cinquan­taine d’autres ont attaqué Microsoft pour l’usage de leurs con­tenus sur Bing et LinkedIn.

À l’échelle mon­di­ale, Meta a égale­ment été cri­tiqué pour ses pra­tiques. En Aus­tralie, la loi de 2021 oblig­eant les plate­formes à rémunér­er les médias a con­duit à un bras de fer, Meta menaçant de blo­quer les con­tenus d’actualité avant de con­clure des accords. Aux États-Unis, les édi­teurs reprochent régulière­ment à Meta de monop­o­lis­er les revenus pub­lic­i­taires grâce à des pra­tiques opaques.

Un tournant pour les médias français

Cette plainte française mar­que une mobil­i­sa­tion sans précé­dent, réu­nis­sant presse écrite, audio­vi­suel pub­lic et privé et de sen­si­bil­ités divers­es. Si cer­tains groupes, comme Le Monde ou M6, n’ont pas rejoint l’action, ils se réser­vent le droit d’agir ultérieure­ment, comme dans le cadre de la récente sanc­tion con­tre Apple (150 mil­lions d’euros pour abus de posi­tion dom­i­nante).

Ce com­bat illus­tre un enjeu cru­cial : rétablir une con­cur­rence équitable dans un marché pub­lic­i­taire dom­iné par les géants tech­nologiques. L’issue de cette plainte pour­rait redéfinir les rap­ports de force entre médias tra­di­tion­nels et plate­formes numériques, en France et au-delà.

L’enjeu dépasse par ailleurs les seuls gains financiers et rejoint des intérêts stratégiques notam­ment en matière d’influence.

Voir aus­si : Procès Meta : Insta­gram et What­sApp, un déman­tèle­ment his­torique en jeu ?

Rodolphe Cha­la­mel

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