Il ne fait pas bon diriger un média papier alors que la presse écrite est – pour la plupart des titres – soit en crise soit en profonde transformation. Prises entre deux feux, la réduction des recettes et les mues de la numérisation, les rédactions se rebellent contre les directions elles-mêmes sous pression des actionnaires.
Numériser ou périr
Si le quotidien sportif papier diffuse en moyenne 230 000 exemplaires par jour, l’ambition est de passer de 260 000 abonnés numériques à 500 000, ce qui impliquera automatiquement une chute des ventes papier. Pour cela la rédaction est entièrement réorganisée. « L’Équipe devient « un média numérique avec une édition print ». Une révolution pour la rédaction qui sera mobilisée sur trois éditions numériques par jour, les meilleurs articles étant publiés sur le papier le lendemain matin. Le tout avec une réaffectation des journalistes et sans plan de licenciement. Si Heinz réussit son pari en 2026, le quotidien rejoindra la longue série des médias (le NYT, Le Figaro, Le Monde) dont les revenus numériques dépassent ceux du papier.
Mathias Gurtler sur la sellette
L’Équipe a connu trois plans sociaux depuis 2012. Début 2025, le directeur de la rédaction Lionel Dangoumau et son adjoint Jean-Philippe Leclaire sont licenciés à l’américaine, confiscation de leur badge et désactivation immédiate de leur accès intranet. Arrive à la direction des rédactions Mathias Gurtler, débauché de Gala où il avait travaillé avec Rudolf Heinz.
Mathias Gurtler, malgré son nom germanique, est bien français. Né en 1977 à Montreuil, il est passé entre autres par VSD, TPS Star et surtout Gala qu’il a dirigé de 2009 à 2024 où il a rejoint L’Équipe. Un profil plutôt télévision et people correspondant bien au projet de Rudolf Heinz.
Révolte de la rédaction
Mais un profil très différent de la majorité des journalistes (350 au total) du quotidien, quasi tous venus du sport ou autour du sport. La greffe ne prend pas et la SDJ fait adopter mi-novembre 2025 une motion de défiance votée à plus de 90% par 250 votants, critiquant la multiplication des brèves trop faciles (alias « putes à clic ») et des rubriques people éloignées de l’ADN du journal. Rudolf Heinz doit prendre une décision difficile, maintenir Mathias Gurtrler, c’est se mettre la rédaction à dos ; s’en séparer, c’est affaiblir le plan de transformation. Entretemps une direction collégiale de trois personnes a été mise en place.
Voir aussi : L’Équipe : avis de gros temps pour le groupe Amaury
Claude Lenormand

















