Rendu public le 25 mai 2025, dans un contexte de tension accrue avec l’Algérie, le rapport jette de nouveaux éclairages sur une présence longtemps dénoncée, mais visiblement tue pour ne pas avoir à provoquer de frictions avec notamment l’émirat du Qatar, principal soutien de la Confrérie, soutien du PSG et grand ami de la France. Il vient conforter les mises en garde déjà émises par les services de renseignements en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Belgique, en Suisse et en Autriche.
Ces révélations sur la politique d’entrisme et d’influence menée par le mouvement des Frères musulmans en France sont différemment commentées par les médias arabes les plus influents. Preuve que l’islam politique est toujours source de clivage dans cette partie du monde, y compris en Égypte, berceau de cette confrérie.
L’épouvantail de l’islamophobie
Dans le camp des porte-voix des Frères musulmans, la chaine qatarie Al-Jazeera s’en est vertement pris au gouvernement français, l’accusant de vouloir souffler sur la braise de « l’islamophobie », à travers ce rapport qui met en cause les réseaux liés à la Confrérie. Dans un article diffusé sur son site Internet, ce média ose parler d’« islamophobie d’État », dressée contre les musulmans de France, et d’« une diversion » ou « instrumentalisation politique » de la question à l’approche des élections européennes.
L’auteur de l’article cite des figures politiques de gauche et des représentants de la communauté musulmane française, qui décrivent le rapport comme un « prétexte sécuritaire » masquant des motivations électoralistes. Comme dans la presse algérienne, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est soupçonné d’entretenir la pression sur cette communauté pour se propulser au-devant de la scène.
« Instrument de répression »
Autre média financé par des Qataris, le site d’information Arabi21 abonde dans le même sens. Il estime, dans un article, que le rapport « sert d’instrument de répression et d’intimidation ». « L’objectif, y lit-on encore, n’est pas tant de lutter contre un péril réel que de détourner l’attention des électeurs français sur fond de tensions identitaires. »
Sur un ton plus véhément, Arabic Post, site connu aussi pour être une courroie de transmission des thèses islamistes, titre : « Macron va détruire notre pays ! », reprenant les mots d’un dirigeant associatif musulman en France. Le rapport y est décrit comme « une attaque contre l’islam dans son ensemble, et ne concerne donc pas une organisation bien ciblée ». En l’occurrence, les Frères musulmans.
Basé en Turquie, Arabic Post succédait depuis 2018 à l’édition arabe de Huffing Post, alors drivé par l’ancien directeur général d’Al-Jazeera, Wadah Khanfar, et ayant son siège à Londres.
Enfin, Al-Araby Al-Jadeed, quotidien de grande audience paraissant à Londres, évoque « un climat de chasse aux sorcières contre les musulmans », et souligne l’absence de définition précise de ce qu’est « l’entrisme islamiste » dans le rapport. Le journal conteste la fiabilité des chiffres avancés (mais n’en donne pas d’autres) et alerte sur les risques d’atteinte aux libertés publiques en France (sic).
« Un document accablant »
À l’opposé, des médias réputés engagés contre l’islamisme ont bien accueilli la publication du rapport, à l’heure où les Frères musulmans semblent partout acculés.
Al-Youm 7, quotidien égyptien progouvernemental, écrit le 22 mai que la levée du secret sur le rapport français aurait dû intervenir « depuis longtemps ». Citant des experts en sécurité, le journal accrédite la thèse selon laquelle les Frères musulmans auraient profondément noyauté les milieux associatifs et religieux français, « avec un agenda politique déguisé ».
Sur la même lancée, la chaine Sky News Arabia, basée à Dubaï, met en relief les propos du ministre français de l’Intérieur, appelant à traiter les Frères musulmans comme le terrorisme ou le trafic de drogue. Se disant conforté par les révélations françaises, le média émirati estime qu’il est urgent de prendre des mesures radicales pour « contenir l’influence de la confrérie islamiste ».
Même tempo chez Al-Arabiya, chaîne de télévision à capitaux saoudiens et grand concurrent d’Al-Jazeera. Dans un compte-rendu diffusé le 21 mai, elle soutient que la France « fait face au danger croissant des Frères musulmans ». Le rapport est décrit comme un « document accablant », révélant « à la fois l’étendue des réseaux dirigés par la confrérie et la mollesse de la réponse institutionnelle jusque-là ».
Mussa A.