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Rapport sur les Frères musulmans : comment une partie de la classe médiatique défend l’entrisme islamique

28 mai 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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Rapport sur les Frères musulmans : comment une partie de la classe médiatique défend l’entrisme islamique

Temps de lecture : 5 minutes

Le rap­port sur les Frères musul­mans com­mandé par le min­istère de l’Intérieur fait couler beau­coup d’encre. Sou­vent, l’encre coule pour défendre les musul­mans, que cer­tains jour­naux esti­ment pris pour cible dans leur ensem­ble, en util­isant dif­férents moyens pour con­tredire le rapport.

« Amis musulmans, faites-vous de l’entrisme ? »

Face au rap­port sur l’entrisme des Frères musul­mans dans la société française, il existe plusieurs types de réac­tions. Cer­tains médias et arti­cles rela­tent les mesures pro­posées par Bruno Retail­leau en réac­tion à ce rap­port et les navettes entre l’Elysée et le min­istère de l’Intérieur. D’autres don­nent la parole à ceux qui s’opposent au rap­port. Ain­si, L’Express dif­fuse les pro­pos de Manuel Bom­pard, coor­di­na­teur nation­al de la France insoumise (LFI). Ce dernier a voulu réa­gir sur RTL, lors du Grand jury, au rap­port et aux réac­tions qui l’entourent. Il a notam­ment fustigé Gabriel Attal, ancien Pre­mier min­istre et actuel chef du par­ti Renais­sance, qui souhaite inter­dire aux filles de moins de 15 ans de porter le voile islamique.

Pour Manuel Bom­pard, qui aime à se dire fémin­iste, il s’agit là d’une mesure « pathé­tique et pitoy­able », parce qu’elle imposerait aux policiers de véri­fi­er les cartes d’identité des jeunes filles dont l’âge serait dou­teux. De leur côté, Lyon Cap­i­tale et Lyon Mag don­nent la parole au Con­seil des mosquées du Rhône (CMR), qui con­tient une trentaine de mosquées.

Le CMR s’inquiète ain­si de « la sus­pi­cion per­sis­tante qui entoure les musul­mans dans notre pays » et affirme que « les mosquées affil­iées au Con­seil des Mosquées du Rhône restent fer­me­ment attachées à un islam enrac­iné dans ses valeurs spir­ituelles, respectueux du cadre répub­li­cain et pleine­ment investi dans la vie collective. »

Les Frères musulmans, faux ennemi selon les médias

D’autres médias font un choix dif­férent. Au lieu de défendre par inter­venants inter­posés les musul­mans qui se sen­ti­raient men­acés par le rap­port, ils pointent d’autres ennemis.

Ain­si en est-il de La Croix, qui pub­lie la tri­bune de Malik Bezouh, physi­cien et essay­iste spé­cial­iste de la ques­tion de l’islam en France. Selon lui, « le véri­ta­ble enne­mi, c’est le wah­habisme ». Medi­a­part se place dans cette ligne d’action en min­imisant la men­ace représen­tée par les Frères musul­mans. Selon ce jour­nal, le rap­port est « loin d’être aus­si alarmiste que ce qu’a ten­té de faire croire Bruno Retail­leau » car les chiffres mon­trent « un repli de l’influence » des Frères musulmans ».

Cette thèse est partagée par The Con­ver­sa­tion, qui inter­viewe Franck Fré­gosi, « spé­cial­iste de l’islam français ». Selon lui, les Frères musul­mans ont de moins en moins d’influence. Le rap­port mélangerait mythes et réal­ité de ter­rain et passe du général au par­ti­c­uli­er sans réelle logique. Le Monde, lui, cite « plusieurs experts » selon lesquels « la dif­fu­sion de l’islam rad­i­cal en France se fait par d’autres biais que celui de cette con­frérie jugée déclinante. »

Léna Situations, symbole de l’islamophobie ou de l’entrisme ?

Libéra­tion se place égale­ment dans cette logique, en défen­dant Léna Mah­fouf, alias Léna Sit­u­a­tions, influ­enceuse. Elle por­tait, pour son arrivée au fes­ti­val de Cannes, une robe blanche longue et ample et un voile cou­vrant par­tielle­ment ses cheveux attachés. Déb­o­rah Abis­ror-De-Liem, secré­taire générale du groupe Ensem­ble pour la République, l’a en con­séquence asso­ciée à l’entrisme des Frères musul­mans. Léna Mah­fouf a ironique­ment répliqué avoir « appris » qu’elle avait rejoint cette mou­vance. Libéra­tion sou­tient l’influenceuse et pré­cise que la robe « est signée The Row, mar­que de luxe améri­caine créée par les sœurs Olsen et con­nue pour ses créa­tions min­i­mal­istes. » Léna Mah­fouf étant « régulière­ment au cœur de vio­lentes vagues de cyber­har­cèle­ment, de com­men­taires misog­y­nes et de remar­ques haineuses. Pour ses coupes de cheveux par­fois, ses tenues sou­vent », la polémique se déplac­era rapi­de­ment sur le har­cèle­ment subi. D’autant que cer­tains élus de gauche point­eront le droit des femmes à s’habiller comme elles veu­lent, un refrain par ailleurs assez con­nu dans le cadre de la défense du voile. Léna Mah­fouf clô­tur­era cette séquence par un mot pour les femmes musul­manes « qui vivent ces juge­ments au quotidien ».

Les médias de droite au secours du rapport

A l’inverse, cer­tains médias de droite mon­trent en quoi les faits observés sur le ter­rain ou dénon­cés par des élus rejoignent les con­clu­sions du rap­port. Le Jour­nal du Dimanche fait ain­si remar­quer que « Trois jours après la pub­li­ca­tion du rap­port sur les Frères musul­mans, dres­sant le por­trait d’une France de plus en plus gan­grenée par la mou­vance qui pour­suit son offen­sive idéologique à tra­vers des lieux de culte, des écoles ou sur les réseaux soci­aux, une femme poli­tique est mis en cause pour avoir dénon­cé cette sit­u­a­tion. » Il s’agit d’Isabelle Sur­ply, selon qui la mosquée Mili Gorus, à Saint-Cha­mond, accueil­lait des « islamistes ayant des dis­cours dan­gereux ». Europe 1 abonde égale­ment dans le sens du rap­port en don­nant des exem­ples de « prédi­ca­teurs 2.0 », ces musul­mans rig­oristes qui dif­fusent une vision tra­di­tion­nal­iste de l’islam sur cer­tains réseaux, comme Tik-tok. Ils peu­vent par exem­ple inciter à porter l’abaya ou alert­er sur le car­ac­tère « haram », autrement dit impur, de la musique.

Les Frères musul­mans, mou­vance en perte de vitesse ou tou­jours agis­sante et sans cesse plus forte ? Il reste dif­fi­cile de le dire, car le pro­pre de l’influence et d’agir à vis­age cou­vert. Il est prob­a­ble qu’aucun musul­man – frériste ou non — ne dira jamais « oui, je demande des menus de sub­sti­tu­tion à la can­tine de mes enfants pour habituer la France aux lois islamiques et plus tard les lui impos­er. » C’est tout l’intérêt d’un rap­port min­istériel, cen­sé dis­pos­er d’importants moyens de ren­seigne­ment. En tout cas, dans l’étude du rap­port, les dif­férents poli­tiques feraient bien de ne pas oubli­er, qu’en bonne théolo­gie,  la plus grande vic­toire du dia­ble, c’est de faire croire qu’il n’existe pas.

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