L’Agence France-Presse, confrontée à une chute de ses revenus et à la crise mondiale des médias, annonce un programme d’économies de 12 à 14 millions d’euros pour 2025–2026. Une décision qui suscite l’inquiétude des syndicats.
Tempête financière
L’Agence France-Presse (AFP), l’une des trois grandes agences de presse mondiales aux côtés de Reuters et Associated Press, traverse une tempête financière. Le 13 juin 2025, son PDG, Fabrice Fries, a dévoilé un plan d’économies ambitieux de 12 à 14 millions d’euros sur 2025 et 2026, visant à contrer une « dégradation durable » de ses perspectives économiques. Cette annonce, faite via un message vidéo interne, reflète les défis majeurs auxquels l’AFP est confrontée dans un secteur médiatique bouleversé par les mutations numériques et l’essor de l’intelligence artificielle.
Des prévisions maussades pour l’AFP
Dès 2025, l’agence prévoit de dégager 2 millions d’euros d’économies à court terme, avant une réduction drastique de 10 à 12 millions en 2026. Pour y parvenir, Fabrice Fries insiste sur la nécessité d’adapter l’organisation, les structures et les modes de fonctionnement, tout en préservant les investissements stratégiques. Après sept années de croissance, les revenus commerciaux de l’AFP devraient chuter de 8 millions d’euros en 2025 par rapport aux prévisions budgétaires. Plusieurs facteurs expliquent ce recul : un climat économique mondial marqué par la peur d’une récession, la perte de contrats sous la pression de gouvernements pas en phase avec la ligne éditoriale très marquée de l’agence, et une sous-estimation de la capacité à monétiser les contenus face aux géants de la tech.
Fin des contrats américains
Parmi les coups durs, Fabrice Fries a pointé l’arrêt du programme de fact-checking de Meta aux États-Unis, auquel l’AFP participait, ainsi que la rupture brutale du contrat avec Voice of America, ciblée par l’administration Trump. Plus largement, la crise des médias traditionnels, clients historiques de l’AFP, et les avancées rapides de l’IA fragilisent le modèle économique de l’agence. En 2024, l’AFP a affiché un chiffre d’affaires de 326,4 millions d’euros, dont 118,9 millions issus de subventions publiques pour ses missions d’intérêt général, et un maigre résultat net de 200 000 euros.
Peur sur l’emploi pour les syndicats
Face à ces annonces, l’intersyndicale (CGT, SNJ, SUD, FO, CFE-CGC) dénonce une « situation très anxiogène » et promet de se mobiliser pour défendre l’emploi et la qualité du journalisme. Les syndicats, qui redoutent un « rabougrissement mortifère » de l’agence, prévoient de sensibiliser les parlementaires et l’opinion publique. Des premières pistes d’économies seront discutées lors d’un conseil d’administration, suivies d’un comité social et économique le 11 juillet 2025. Avec 2 600 collaborateurs de 100 nationalités et une production en six langues, l’AFP reste un pilier de l’information mondiale, mais son statut particulier – ni entreprise publique, ni à actionnaires – la rend vulnérable dans ce contexte. Le personnel de l’agence est aussi fortement syndiqué à l’extrême-gauche (voir infra).
Voir aussi : Vote syndical à l’AFP, gauche et extrême gauche dominent
Ce plan d’austérité, bien que nécessaire selon la direction, soulève des questions sur l’avenir de l’AFP. Parviendra-t-elle à préserver son rôle de référence tout en s’adaptant aux bouleversements du secteur ? Les prochains mois seront décisifs pour cette institution qui, à 80 ans, et devra se réinventer si elle veut perdurer.
Rodolphe Chalamel