Le 18 novembre 2025, le tribunal judiciaire de Lyon examinera une affaire opposant Jean-Michel Aulas, charismatique ancien président de l’Olympique lyonnais, et son fils Alexandre au média d’extrême-gauche Rue89 Lyon.
Un match à ne pas manquer pour Jean-Michel Aulas, l’ancien propriétaire et président du club de football de l’Olympique Lyonnais (OL) a rendez-vous en novembre au tribunal judiciaire de Lyon dans un procès l’opposant au média de gauche Rue89. Une confrontation d’apparence banale qui pourrait avoir des conséquences importantes puisque l’emblématique président de l’OL lorgne depuis plusieurs mois sur la mairie de Lyon, conspuant la gestion de la ville par l’écologiste Grégory Doucet.
Rue89 accusé de diffamation
Ce procès, qualifié de « procès-bâillon » par Rue89, découle d’une plainte pour diffamation déposée par la famille Aulas à la suite d’une enquête publiée en octobre 2023, intitulée « Les Aulas s’envolent en jet privé vers les paradis fiscaux ». Cette affaire met en lumière les tensions entre liberté de la presse et intérêts financiers.
L’enquête de Rue89 Lyon, basée sur les documents OpenLux (une enquête publiée en 2021 menée par le journal Le Monde en collaboration avec seize autres journaux et consacrée aux caractéristiques de paradis fiscal du Luxembourg) révélait l’implication des Aulas dans la société Embassair, un terminal de luxe pour jets privés à Miami. Le média décrivait un montage financier complexe impliquant des paradis fiscaux comme le Delaware, les Îles Vierges britanniques et le Luxembourg. Selon Rue89 Lyon, la famille Aulas, via leur holding Holnest, aurait investi au moins 1,1 million d’euros dans Embassair jusqu’en 2019, détenant 33,22 % des actions de catégorie A. Les termes utilisés, tels que « paradis fiscaux » ou « montage offshore », sont jugés diffamatoires par les Aulas, qui estiment que l’article insinue une évasion fiscale, accusation qu’ils réfutent.
Rue89 joue la carte de la victimisation
Jean-Michel Aulas, représenté par le cabinet Delsol, a engagé une procédure avec constitution de partie civile, visant non seulement le directeur de publication, Pierre Lemerle, mais aussi les journalistes Moran Kerinec et Raphaël da Silva. Contactés avant la publication, les Aulas n’avaient pas répondu aux sollicitations du média, mais ont réagi le lendemain par un communiqué annonçant des poursuites judiciaires. Pour Rue89Lyon, cette plainte vise à « fatiguer un média indépendant » aux ressources limitées, avec des recettes annuelles d’environ 188 000 euros. Une condamnation pourrait menacer l’existence même du média, qui a lancé une campagne de dons pour réunir 30 000 euros avant avril 2025.
L’avocat de Rue89Lyon, Thomas Fourrey, défend la légitimité de l’enquête, soulignant que les informations publiées, reprises par d’autres médias, reposent sur des faits vérifiables. Il dénonce une tentative d’intimidation visant à fragiliser un « contre-pouvoir local », d’autant plus que Jean-Michel Aulas, figure publique influente qui a un temps lorgné sur le secteur médiatique local, est en pleine préparation électorale.
Les liens entre Rue89 Lyon et le groupe Le Monde ?
L’indépendance de Rue89 Lyon serait peut-être à relativiser, la maison mère Rue89 ayant été intégrée à l’Obs, lui-même appartenant au groupe Le Monde et les liens entre L’Obs et la version lyonnaise manquent de clarté. Rue89 a été créé par Pierre Haski en 2007 lorsque celui-ci quitte Libération. Le titre a été racheté en 2011 par Claude Perdriel alors patron du Nouvel Obs et est rapidement intégré comme une simple rubrique de l’hebdomadaire. En 2014 Le Nouvel Obs est racheté par le trio Bergé-Niel-Pigasse et devient une filiale du groupe Le Monde. Il changera plusieurs fois de titre entre L’Obs et Nouvel Obs au gré des relances d’un hebdo qui voit ses ventes s’effondrer. La marque Rue89 s’estompe jusqu’à devenir un très court porte-folio. La version lyonnaise a pris la forme d’une SCOP (société coopérative) mais utilise la même marque et le même graphisme que Rue89.
Véritable caisse de résonance de l’extrême gauche lyonnaise, Rue89 Lyon pourrait ainsi perdre des plumes dans la bataille. La procédure pourrait marquer le coup d’envoi de la campagne municipale à Lyon et le début d’une bataille électorale dans laquelle les médias auront une place plus centrale au confluent du Rhône et de la Saône.
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Rodolphe Chalamel