Les groupes Rossel et IPM unissent leurs forces pour créer un géant de la presse francophone en Belgique.
Annoncée le 23 juin 2025, cette fusion était rendu nécessaire par un marché de la presse réduit. Ensemble les deux groupes visent à répondre aux défis du numérique et à mutualiser une partie des moyens dans un secteur en crise.
Protocole d’accord
Le 23 juin 2025, les groupes de presse belges Rossel et IPM ont signé un protocole de fusion, officialisant l’absorption des activités de presse écrite d’IPM par Rossel, avec l’entrée de la famille Le Hodey à 10 % dans le capital de ce dernier. Soumise à l’approbation de l’Autorité belge de la concurrence, cette opération regroupe des titres emblématiques comme Le Soir (Rossel), La Libre Belgique, La DH/Les Sports et L’Avenir (IPM). Face à un marché francophone belge restreint – moins de 4 millions de lecteurs potentiels – et à la chute des ventes papier (-3 % en 2024 selon le CIM), cette fusion est présentée comme un rempart contre des difficultés économiques analogues à celles vécues en France et s’apparente à véritable mariage de raison.
La presse francophone sous pression
La presse belge francophone traverse une crise structurelle. La fin de la concession Bpost pour la distribution des journaux en 2024 a amputé le secteur de 100 millions d’euros, tandis que les GAFAM captent 70 % des revenus publicitaires numériques. Malgré une audience digitale représentant 70 % des lecteurs, les revenus du papier dominent encore (70 %). Cette transition numérique inachevée, couplée à l’émergence de l’intelligence artificielle – comme les AI Overviews de Google – menace la viabilité des médias. Rossel, avec un chiffre d’affaires de 646 millions d’euros, et IPM, plus fragile avec 168 millions, mutualisent leurs ressources pour investir dans des plateformes numériques et viser 400 000 abonnés digitaux, contre 150 000 aujourd’hui.
Une ambition transfrontalière
Rossel, déjà implanté en France via des titres régionaux comme La Voix du Nord, Paris-Normandie et L’Union, ambitionne de créer un grand média francophone. Des discussions avec le groupe EBRA (Le Dauphiné libéré, Le Progrès) pour des partenariats industriels témoignent de cette volonté d’expansion. La fusion Rossel-IPM vise à renforcer l’attractivité publicitaire et à développer une plateforme commune, sorte de « Netflix de la presse », pour concurrencer les géants numériques. Cette stratégie transfrontalière pourrait redéfinir le paysage médiatique francophone.
Les défis du pluralisme et de l’emploi
Organisé en trois pôles – Le Soir, IPM Presse (La Libre, La DH), et un pôle régional à Namur (Sud Info, L’Avenir) –, le nouveau groupe promet de préserver l’indépendance éditoriale via des chartes spécifiques. Cependant, l’Association des journalistes professionnels (AJP) et les syndicats craignent une uniformisation des contenus et des suppressions de postes, notamment dans les services administratifs et rédactionnels. Comme en France avec le regroupement des titres de la presse régionale, il y aura nécessairement une volonté de mutualiser une partie de l’activité.
Une presse politiquement correcte
Avec 94 % de l’audience francophone belge, le risque de quasi-monopole inquiète néanmoins dans un paysage médiatique déjà très homogène. La Libre réputée centriste et Le Soir de centre gauche ne diffèrent pas grandement et s’accordent dans leur soutien à l’Union européenne et une critique souvent acerbe (et jalouse ?) de leurs voisins français. Sans compter un véritable cordon sanitaire isolant toute pensée un peu critique.
Même si Rossel argue que la concurrence réelle vient des Gafam et des médias en ligne internationaux. Cette fusion, si elle renforce la presse belge, ne garantit pas une information diversifiée, les journalistes belges francophones étant de manière quasi unanime encore plus à gauche que leurs homologues français.
Rodolphe Chalamel
Voir aussi : Rossel, infographie