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Planète : recherche racistes (blancs) désespérément…

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30 décembre 2016

Temps de lecture : 15 minutes
Accueil | Dossiers | Planète : recherche racistes (blancs) désespérément…

Planète : recherche racistes (blancs) désespérément…

Temps de lecture : 15 minutes

[Red­if­fu­sion — arti­cle pub­lié ini­tiale­ment le 21/10/2016]

Avec sa série de trois documentaires « Pourquoi nous détestent-ils ? » diffusés le 26 en septembre, le 3 et le 10 octobre 2016, la chaîne Planète tente de restaurer la grille de lecture « Touche pas mon pote », à l’heure où certains enfants de ces « potes » de naguère tirent sur les bobos et sur les Juifs à la kalachnikov. L’OJIM a décrypté pour vous l’acrobatie. Cocasse.

Pourquoi nous détes­tent-ils ?” | PLANÈTE + from Motion Palace on Vimeo.

Les Noirs

« Je m’appelle Lucien Jean-Bap­tiste. Je suis né à la Mar­tinique sous de Gaulle. À trois ans, j’ai quit­té mon île pour débar­quer sur le con­ti­nent, le 25 décem­bre 1967. Aujourd’hui, je suis comé­di­en et je réalise des films. (…) J’ai presque eu un César, la classe, quoi ! (…) J’ai une femme blonde, picarde, et trois beaux enfants. Bref, j’ai la belle vie. » Voilà com­ment com­mence le doc­u­men­taire con­sacré au racisme anti-noir : un con­stat d’intégration, de suc­cès pro­fes­sion­nel et famil­ial et de métis­sage accom­pli. Para­dox­al. En dépit de ces faits con­crets, véri­fi­ables, revendiqués, Lucien Jean-Bap­tiste va tout de même soulever le prob­lème du racisme anti-noir en France, à tra­vers son fils. Celui-ci a‑t-il été tabassé à l’école par des reje­tons de skin­heads ? S’est-il fait cracher dessus parce qu’il goû­tait en plein ramadan ? Non. Sim­ple­ment, un matin, il a déclaré à son père : « À part papa, j’aime pas les Noirs ! » Bref, il a exprimé une émo­tion néga­tive vis-à-vis d’une par­tie de ses orig­ines. Les per­sé­cu­tions réelles sont tout de même assez loin. Que nous dit ce cri du cœur du fils de Lucien ? Que Lucien, qui a la belle vie comme il l’annonçait en préam­bule, n’a pas mis sa progéni­ture dans une école de ban­lieue, mais sans aucun doute dans un chic étab­lisse­ment parisien, où la pop­u­la­tion blanche est très majori­taire, et il est prob­a­ble que son fils, mu par l’instinct de mimétisme social absolu qui car­ac­térise les enfants, rejette intu­itive­ment chez lui ce qui le dis­tingue de la majorité de ses cama­rades. Il est fort pos­si­ble que ce serait l’autre part de ses orig­ines que l’enfant rejet­terait dans le con­texte d’une école de Seine Saint-Denis à très forte majorité noire.

Pays de l’égalité ?

Mais Lucien Jean-Bap­tiste, plutôt que cette analyse de bon sens, préfère rejoin­dre l’idéologie et faire de l’anecdote le symp­tôme d’un pré­ten­du racisme anti-noir pour se lancer dans « une quête pour com­pren­dre pourquoi en France, le pays de l’égalité, nous les Noirs, sommes tou­jours vic­times de préjugés. » D’autant que Planète lui a pro­posé de réalis­er un doc­u­men­taire sur le sujet et qu’une telle propo­si­tion ne se refuse pas, le sujet fût-il motivé par un biais aus­si arti­fi­ciel. Notons égale­ment, dans cette phrase, une faute de raison­nement très fréquente : la France serait « le pays de l’égalité », prémisse selon laque­lle la moin­dre mar­que iné­gal­i­taire serait un ter­ri­ble scan­dale. Si l’on suiv­ait une telle manière de penser, tout Améri­cain pau­vre serait en mesure d’engager un procès con­tre l’État fédéral parce que la qual­i­fi­ca­tion des Etats-Unis comme « land of plen­ty », « terre d’abondance », se serait révélée, en pra­tique, illu­soire. L’égalité, en France, cor­re­spond à un cer­tain idéal poli­tique de jus­tice. Le par­cours per­son­nel de Lucien Jean-Bap­tiste, que le film va com­plaisam­ment retrac­er, ne fait que démon­tr­er que la France approche de cet idéal davan­tage, sans doute, que la plu­part des pays du monde. Fils d’une mère céli­bataire pau­vre arrivée de Mar­tinique avec ses six enfants il y a cinquante ans, Lucien aura pu faire car­rière dans le théâtre au lieu de finir vig­ile, inté­gr­er les cours Flo­rent et men­er une bril­lante car­rière, tout en étant noir dans un pays de majorité blanche. Son exem­ple ne fait que soulign­er la remar­quable réal­i­sa­tion de l’idéal d’égalité en France, et pourtant…

Le test des poupées

Le doc­u­men­taire se développe selon les deux pôles oblig­a­toires du dis­cours médi­a­tique con­tem­po­rain : de l’intime et des experts. Soit Lucien nous par­le de son fils, de sa vie, de sa mère, de son prof de théâtre, avec en option « noir et blanc + vio­lons + voix off ». Soit il con­sulte des experts qui sont en réal­ité les idéo­logues les plus forcenés d’un mul­ti­cul­tur­al­isme essen­tielle­ment anti-Blanc : Pas­cal Blan­chard et François Dur­paire, voire le foot­balleur en retraite, naïf et oppor­tuniste, Lil­ian Thu­ram. Ce dernier, pour répon­dre à Lucien au sujet de son fils, insin­ue qu’un dis­cours colo­nial per­sis­tant l’imprègne, le pous­sant à pro­jeter sur le Noir une image néga­tive. Il men­tionne le « test des poupées ». Ce test débile réal­isé par des sci­en­tifiques améri­cains, mon­tre que l’idée de bon­té est sys­té­ma­tique­ment asso­ciée à la poupée blanche et celle de méchanceté à la noire, lorsqu’on inter­roge des enfants, ceux-ci fussent-ils eux-mêmes noirs ! Alors ? Intéri­or­i­sa­tion sournoise du dis­cours dom­i­nant à con­no­ta­tion raciste ? Gilles Boetsch, inter­viewé peu après, explique que de tout temps et dans toute cul­ture, le noir est asso­cié à la nuit et au Mal et le blanc au jour et au Bien. Autrement dit, mais Lucien n’en tire pas la con­clu­sion qui pour­tant s’impose, la couleur de peau noire, dans un univers mul­ti­eth­nique, souf­fre d’un préjugé négatif qu’il serait certes néces­saire de cor­riger, mais qui dépend moins d’une con­struc­tion raciste que d’un per­ma­nent sym­bol­ique anthro­pologique auquel n’échappent pas les Noirs eux-mêmes.

Lesquen ou le monstre amical

Dans le reg­istre « blessures intimes », Lucien nous racon­te donc la pre­mière vex­a­tion raciste qui lui apprit, à l’âge de six ans, qu’il n’était pas tout à fait comme ses cama­rades. L’un d’entre eux le trai­ta en effet de « bam­boula ». Il est prob­a­ble que s’il avait été en sur­poids, il aurait été traité de « sale gros », que roux, il n’aurait pas échap­pé au « rouquin ». La cru­auté enfan­tine n’est pas une inven­tion du Ku Klux Klan, et il est tout de même dif­fi­cile de con­sid­ér­er cette anec­dote comme révéla­trice de quoi que ce soit. Les autres réc­its de préjugés subits sont soit totale­ment dérisoires (une femme de ménage lui reprochant d’accrocher du linge à sa fenêtre en sem­blant sous-enten­dre que de telles pra­tiques sont africaines et déplacées en France – mon Dieu, quelle humil­i­a­tion…), soit rel­a­tives aux exi­gences des cast­ings qui sont, en effet, fatale­ment et con­sub­stantielle­ment dis­crim­i­nantes quant à l’aspect physique ! Pour trou­ver un sem­blant de vrai raciste anti-noir, Lucien est obligé d’aller vis­iter, sans l’informer de sa couleur de peau, Hen­ry de Lesquen, can­di­dat à l’élection prési­den­tielle ver­sion comique troupi­er et patron de Radio Cour­toisie qui emploie l’adjectif « nègre » à tout bout de champ et prône la « réémi­gra­tion » mais aus­si la destruc­tion de la Tour Eif­fel ! Ce dernier ressem­ble davan­tage à un aris­to­crate ver­sail­lais hal­lu­ciné et com­plète­ment déphasé qu’à un racial­iste san­guinaire, l’accueille d’ailleurs avec beau­coup d’aménité et l’assure, en fin d’entretien, qu’il souhaite le garder dans les fron­tières s’il était élu ! Con­clu­sion : même en allant tra­quer le per­son­nage offi­cielle­ment le plus agité du bocal sur la ques­tion, notre réal­isa­teur noir ne parvient pas à se faire cla­quer la porte au nez par un Blanc au pré­texte de sa race, en France. Le chas­seur de mon­stres revient bre­douille, le seul qu’il a pu filmer n’ayant su que lui taper affectueuse­ment sur l’épaule en l’assurant de sa bienveillance.

Victimisation volontaire

Enfin, dans le flo­rilège d’absurdités qui émail­lent ce film, on enten­dra l’inénarrable Pas­cal Blan­chard nous expli­quer que les Noirs béné­fi­ciant de préjugés racistes les ren­dant néan­moins sym­pa­thiques, ce ne sont pas eux qu’on tue, aujourd’hui, en France, mais les Arabes ! Sur quelle sta­tis­tique appuie-t-il une accu­sa­tion si ter­ri­ble ? Nous n’en saurons rien et con­tin­uerons de penser que depuis deux ans, vis­i­ble­ment, il sem­blerait que ce soit plutôt les Arabes qui tuent et qui tuent essen­tielle­ment des Blancs jugés sac­rilèges selon la charia. On ver­ra Alain Mabanck­ou faire une con­férence au Col­lège de France, Chris­tiane Taubi­ra, garde des sceaux, et Rama Yade, anci­enne secré­taire d’état, Har­ry Rosel­mack présen­ter le 20h, et Rokhaya Dial­lo, en dépit de tout ça, se plain­dre de la sous-représen­ta­tion des Noirs dans les médias. On ver­ra un pas­teur améri­cain com­mé­mor­er l’abolition de l’esclavage à Paris comme si les sit­u­a­tions française et améri­caine avaient jamais été com­pa­ra­bles, et des Noirs français se fan­tas­mer Noirs améri­cains pour pou­voir s’imaginer lut­ter héroïque­ment con­tre des injus­tices que les Blancs, en France, ne leur auront pas fait subir. Il ne sera jamais men­tion­né que la spé­ci­ficité de la civil­i­sa­tion occi­den­tale aura été d’avoir juste­ment aboli l’esclavage, lequel paraî­trait naturel à tout le monde si n’avait existé la coloni­sa­tion européenne, mais Lucien, heureux de se décou­vrir vic­time et, on l’imagine, créanci­er éter­nel du pays qui lui aura pour­tant offert l’occasion d’une si belle exis­tence, décou­vri­ra avec fas­ci­na­tion le Code noir qu’il offrira alors partout autour de lui pour mieux cul­pa­bilis­er son envi­ron­nement blanc en extrayant du passé une pièce accusatoire sans rap­port avec sa réal­ité vécue. Con­clu­sion ubuesque qui, à revers, pour­rait se man­i­fester de la sorte : un Blanc riche et respec­té ayant réus­si sa car­rière au Séné­gal dis­tribue autour de lui d’anciens textes d’aventuriers sur l’horreur des mœurs can­ni­bales sup­posées des pop­u­la­tions qui l’entourent et l’ont pour­tant accueil­li et fêté sur leur ter­ri­toire historique.

Les Juifs

« En fait, ça a com­mencé comme ça : un matin, mon fils me dit : “Papa, est-ce que je peux te deman­der un truc ? Pourquoi est-ce qu’ils nous détes­tent ?” Je lui ai répon­du : “Mais com­ment ça ? Per­son­ne ne nous déteste ? Qu’est-ce que tu racon­tes ?” — “Bah, si, tous ceux qui détes­tent les Juifs !” — “Mais les gens ne détes­tent pas spé­ciale­ment les Juifs, pourquoi tu dis ça ?”. Il m’a répon­du : “Mais si Mer­ah, Coulibaly, ils veu­lent tous nous tuer ! Tu es sûr que tu ne veux pas qu’on s’en aille ? Viens, on va vivre à Lon­dres !” (…) Et si il avait rai­son ? Si je por­tais des œil­lères depuis trop longtemps ? Et si finale­ment, pour les autres, j’étais d’abord et avant tout un Juif bien avant que d’être français. Comme si j’étais une sorte de néo-Juif-Alle­mand de l’Entre-deux-guerres qui, jusqu’au bout, refuse de voir le sort qui lui est réservé, et qui a besoin que son fils de douze ans lui ouvre les yeux ? » C’est ain­si que débute le doc­u­men­taire con­sacré à l’antisémitisme, réal­isé par Alexan­dre Amiel. Cette fois-ci, le rap­port père-fils est davan­tage sig­nifi­ant que pour Lucien Jean-Bap­tiste parce qu’en effet, la ques­tion de l’antisémitisme implique une rup­ture généra­tionnelle. Entre la généra­tion d’Alexandre Amiel, post-Sec­onde Guerre Mon­di­ale, et la relé­ga­tion de l’antisémitisme à une marge de très rares spéci­mens nos­tal­giques des vain­cus de 44 et celle de son fils, où les Mer­ah et Coulibaly man­i­fes­tent la résur­gence d’un anti­sémitisme féroce en prove­nance du monde arabo-musul­man et de l’immigration qui lui est rel­a­tive, une rup­ture s’est pro­duite qui mérite en effet analyse, mise à jour et réflexion.

L’antisémitisme des déséquilibrés

Mais la mise à jour est dif­fi­cile. En effet, si les témoignages que le réal­isa­teur récolte sont très clairs et con­cor­dent tous sur le même con­stat, lui n’ose abor­der la prob­lé­ma­tique de front tant elle lui brûle les doigts et con­tred­it tout le dis­posi­tif de la série. Olivi­er, le frère du réal­isa­teur, a per­du un ami d’enfance, Sébastien, DJ promet­teur assas­s­iné en 2003 par un voisin au nom d’Allah. C’est de ce fait divers qu’Éric Zem­mour s’était inspiré pour écrire Petit Frère, (Denoël, 2008), mais de cela, for­cé­ment, il n’est pas fait men­tion. À l’époque, la dimen­sion anti­sémite du crime est volon­taire­ment occultée. Même si l’assassin est ren­tré chez lui en affir­mant : « J’ai tué un Juif, j’irai au Par­adis. », Le Parisien ne men­tion­nera jamais cet aspect des choses et le meurtre sera présen­té comme le fait d’un schiz­o­phrène — d’un « déséquili­bré » avant l’heure en somme… Les agres­sions anti­sémites se sont mul­ti­pliées par dix depuis 1999 explique de son côté Shmuel Trig­ano, prési­dent de l’Observatoire du monde juif. Mais il règne à ce sujet un « black out total » depuis le début des années 2000. Daniel Vail­lant, min­istre de l’intérieur sous le gou­verne­ment Jospin avouera des années plus tard que le silence sur ces événe­ments était un choix de gou­verne­ment « pour éviter de jeter de l’huile sur le feu » parce que la qua­si total­ité des agres­sions étaient le fait de milieux musul­mans. Même con­stat à Mar­seille ou lors des reportages sur les émeutes de Sar­celles en 2014 où un jeune Maghrébin explique que les Juifs français doivent pay­er pour les souf­frances des Pales­tiniens ; même con­stat autour du thé en famille, où la men­ace évo­quée de manière implicite est bien la men­ace islamique et non un retour des chemis­es brunes, mais pour­tant la men­ace en ques­tion n’est jamais claire­ment nommée…

Les Chances pour Bourbon

Mal­gré ces témoignages dépourvus de la moin­dre ambiguïté, Alexan­dre Amiel va ren­con­tr­er Jérôme Bour­bon, le rédac­teur en chef de Rivarol, nos­tal­gique de Vichy assumé, curiosité mar­ginale et grotesque du paysage poli­tique français – et non pas un imam inté­griste, et sans doute, d’ailleurs, parce qu’il n’atteindrait même pas la porte de la mosquée -, comme si l’antisémitisme actuel devait envers et con­tre tout être encore rat­taché à une spé­cieuse ten­ta­tion fas­ciste des Français de souche. D’autant que si les tweets de Bour­bon ont trou­vé un nou­v­el écho ces derniers temps, c’est grâce, l’avoue-t-il lui-même, à un nou­veau pub­lic de jeunes arabo-musul­mans. Comme quoi, l’immigration peut aus­si être une chance pour Rivarol ! Le phénomène Dieudon­né est ensuite sur­volé sans que ne soit jamais étudié sa spé­ci­ficité, le fait, par exem­ple, que son sup­posé anti­sémitisme trou­ve son orig­ine non dans un dis­cours d’extrême-droite mais bien à par­tir d’une vul­gate antiraciste et de la con­cur­rence vic­ti­maire et qu’il dis­pose d’un impact immense mais essen­tielle­ment en ban­lieue islamisée. Bref, tous ces para­dox­es, ces improb­a­bles retourne­ments, ces frac­tures et rap­proche­ments inédits, sont éludés afin de ten­ter par tous les moyens de revenir aux cas­es obsolètes d’un mal d’origine essen­tielle­ment européen. Insi­dieuse­ment, le dis­cours stip­ule d’ailleurs que le dan­ger serait moins le renou­veau d’un islam guer­ri­er et anti­sémite, que les défail­lances d’une République qui ne rem­pli­rait pas son rôle de pro­tec­tion des Juifs (certes, mais il faudrait pour cela l’autoriser à sévir con­tre les Arabo-musul­mans, ô para­dox­es des idéolo­gies périmées…)

Les Arabes

« Pour être hon­nête, dans ma vie, je n’ai pas spé­ciale­ment été vic­time de racisme, je ne me suis pas con­stru­ite à coups de dis­crim­i­na­tions. Mais si je cherche au fond de ma mémoire, petite, il y a quand même eu un épisode qui m’a bien mar­quée », explique Amelle Chah­bi. Encore une fois, c’est com­pliqué, pour l’immigré français d’origine extra-européenne de dénich­er les stig­mates qu’on le presse d’exhiber pour servir la vul­gate… À ce moment, l’humoriste racon­te donc, dans l’épisode con­sacré aux Arabes, com­ment elle avait remar­quée que la phar­ma­ci­enne de son quarti­er, d’ordinaire très polie avec ses clients, ne fai­sait pas le même effort pour s’adresser à son père. « J’ai réal­isé ce jour-là que cette dif­férence de traite­ment, cette famil­iar­ité décom­plexée avait peut-être un lien avec nos orig­ines. » De là, le titre du doc­u­men­taire s’affiche en faisant reten­tir sa ques­tion ter­ri­ble : « Pourquoi nous détes­tent-ils ? » D’après ce qui vient d’être rap­porté, pour­tant, Amelle n’a pas le sou­venir d’avoir été détestée, sim­ple­ment celui, fort ancien, d’avoir vu son père rel­a­tive­ment dédaigné. Mais les réal­ités n’ont de sens que pour nour­rir un pré­sup­posé idéologique qu’il est de plus en plus dif­fi­cile de valid­er, si bien que notre comé­di­enne devra quant à elle aller chercher un gros skin­head bas de pla­fond et authen­tique pour ten­ter de se faire haïr en rai­son de sa race, la ver­tu symp­to­ma­tique ou sta­tis­tique de ce dernier demeu­rant tout de même fort dis­cutable, et le skin finis­sant même par tomber sous le charme cer­tain de la pétu­lante Maghrébine au terme d’une scène totale­ment surréaliste.

Une entreprise désespérée de reformatage

Nous n’étudierons pas en détail cet autre volet, mais nous aime­ri­ons tout de même met­tre au regard de ces dif­fi­ciles quêtes de man­i­fes­ta­tions ouvertes et bru­tales du racisme blanc, l’aisance avec laque­lle l’étudiante belge Sofie Peeters, en 2012, en tant que femme blanche seule se prom­enant dans les quartiers immi­grés de Brux­elles, par­ve­nait à récolter des insultes sex­istes et racistes tous les trois mètres, même si la dimen­sion raciste du prob­lème avait été occultée. Nul besoin, ici, d’aller tra­quer le Jérôme Bour­bon arabe pour par­venir à se faire cracher au vis­age. Pour­tant, dans la série de doc­u­men­taires de Planète, le racisme anti-blanc, qui est en réal­ité le seul qui tue, avec l’antisémitisme arabo-musul­man, aujourd’hui en France, n’a pas été évo­qué, le trip­tyque omet­tant même cette pos­si­bil­ité. Minée par ses con­tra­dic­tions internes et les faits-même qu’elle rap­porte, cette entre­prise de refor­matage idéologique a donc ten­té de ren­dre respon­s­able la majorité blanche des ten­sions intereth­niques dont elle est, sur son pro­pre ter­ri­toire his­torique, l’une des prin­ci­pales vic­times. Et cette leçon inique au peu­ple autochtone, qui la divul­guait ? Des acteurs, humoristes, réal­isa­teurs à suc­cès, en somme des dom­i­nants incar­nant en eux-mêmes la remar­quable ouver­ture du pays et la faib­lesse de ses préjugés racistes. La seule chose dont ces films auront témoigné, c’est de l’égarement ahuri d’idéologues déphasés ne com­prenant rien à ce qu’ils rap­por­tent, et aug­men­tant le son des vio­lons pour par­venir en dépit du réel à main­tenir une mytholo­gie antiraciste qui avait cet avan­tage de les val­oris­er morale­ment tan­dis qu’ils gravis­saient les éch­e­lons de la réus­site sociale.

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