Avec la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison avec exécution provisoire pour association de malfaiteurs, les médias semblent gênés aux entournures. Les tribunes et articles au vitriol cèdent la place à des articles plus mesurés. La peine est forte, le personnage important, et le public plus divisé qu’à l’habitude.
Nicolas Sarkozy, un personnage moins clivant que d’habitude
Face à la condamnation de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison avec effet immédiat, les différents titres de presse français semblent quelque peu interloqués. Peut-être est-ce le caractère inédit, unique, de cette condamnation, qui envoie pour la première fois un président de la République derrière les barreaux. Quoi qu’il en soit, la plupart des articles relatant la décision ne présentent Nicolas Sarkozy, ni comme la victime de juges partiaux, ni comme un criminel qui, enfin, est puni. Il s’agit d’un ancien président de la République, qui a ses fidèles inconditionnels, notamment dans Les Républicains, ses opposants acharnés, à droite comme à gauche, mais surtout de nombreux Français qui, les années passées, ont à peu près oublié son bilan. Ils savent seulement qu’il a occupé l’Élysée, et qu’à ce titre, il a droit à un minimum d’estime. Mettre en prison un chef d’État n’a rien d’habituel, il n’y a que deux précédents en France : Louis XVI et Philippe Pétain.
Du côté politique, silence radio
Les médias ne peuvent même pas compter sur les personnalités politiques diverses pour tenir le crachoir dans l’un ou l’autre camp. Emmanuel Macron et son entourage, qui gardent, selon Le Figaro « un silence gêné ». Dès lors, les médias sont bien ennuyés pour savoir comment se positionner… Et ne le font donc pas. Ils ne suivront ni la gauche, qui se « fait bruyamment connaître sa satisfaction », ni la droite, qui, où un sénateur se trouve « encore estomaqué » et « balbutie ». Le Figaro se fait même grinçant à l’égard de certaines personnalités de droite, comme Henri Guaino ou Stéphane Le Rudulier, qui demandent à Emmanuel Macron d’accorder une grâce présidentielle. « Tant pis si la grâce présidentielle, prévue par l’article 17 de la Constitution, ne peut s’appliquer qu’en cas de condamnation définitive et exécutoire, autrement dit après que toutes les voies de recours ont été épuisées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », précise l’article.
Défendre Nicolas Sarkozy : ceux qui s’y risquent
Certains journalistes se risquent néanmoins à une défense de Nicolas Sarkozy. Arthur Chevalier, chroniqueur au Point, est de cela. Selon lui, Nicolas Sarkozy « avait su remodeler l’incarnation du pouvoir ultime. » Il est « le dernier président élu de la droite républicaine » et donc « un modèle par nature. Pas un idéal, mais la démonstration d’une réussite dont on étudie la formule pour la reproduire ».
Le service public vole au secours des juges
En parallèle, alors que certains magistrats reçoivent des menaces parfois graves pour avoir participé à la condamnation de Nicolas Sarkozy, Franceinfo tente de réhabiliter le jugement qui connaît certaines failles. Le service public consacre ainsi un article au document produit par Médiapart en 2012, qui a initié l’ensemble de l’affaire du financement libyen. Les défenseurs de Nicolas Sarkozy martèle que ce document est un faux, et Franceinfo déclare « ce n’est pas ce que dit le jugement ».
« Contrairement à ce qu’affirment certains soutiens de Nicolas Sarkozy depuis sa condamnation jeudi 25 septembre, le tribunal n’a pas reconnu que ce document était un faux. Dans son jugement, il est écrit qu’au regard des enquêtes déjà menées, il “apparaît probablement que cette note est un faux’. Une nuance importante : la justice évoque une probabilité, pas une certitude. »
Franceinfo semble penser avoir cloué le bec des défenseurs de Nicolas Sarkozy, ce qui paraît franchement exagéré.
Présomption d’innocence ?
Quoi qu’il ne soit pas ici question de défendre un président donc le bilan n’a pas grand-chose de glorieux, condamner un homme sur la base d’un document « probablement faux » semble en curieux désaccord avec la présomption d’innocence. Le document faisant état de preuve étant probablement un faux, il ne saurait prouver la culpabilité. Franceinfo ajoute que Nicolas Sarkozy, malgré trois tentatives, n’a pas pu gagner un procès contre Médiapart qu’il accusait d’avoir produit un faux. Cela peut prouver que le document est vrai.
Cela peut aussi prouver qu’il s’agit d’un faux particulièrement bien réalisé, ou que l’enquête n’a pas fait de zèle. Franceinfo décrit par la suite l’enquête menée sur ce document, pour conclure que le document n’était pas un faux, et que « la justice a été claire là-dessus (sic) et a totalement blanchi le site d’investigation (sic) en ligne, un gros mensonge, le nez de Pinocchio de la radio a dû s’allonger. » L’article est cependant obligé de reconnaître que « ce document était trop fragile pour constituer une preuve ». Ici France I
À gauche, crucifixion des « flagorneurs » de Nicolas Sarkozy
Enfin, les médias les plus conformistes du spectre médiatique, tels le Huffington Post, se penchent sur la défense la plus visible de Nicolas Sarkozy. Il s’agit du choix surprenant de Christian Estrosi, maire de Nice, de nommer le futur parvis de l’hôtel des polices municipales et nationales en l’honneur de Nicolas Sarkozy, qu’il estime autant qu’un « frère ». Pour le Huffington Post, il s’agit d’une « flagornerie ultime », qui note que « on peut être (sévèrement) puni par la justice mais avoir quand même droit à des cadeaux. » Quel que soit par ailleurs la qualité du bilan de Nicolas Sarkozy, y compris en matière de sécurité intérieure, on pourrait signaler que certaines communes possèdent des stades Lénine ou des boulevards de l’Union soviétique, et que les médias de gauche n’y voient pas offense.
Adélaïde Motte


















