La justice allemande a annulé l’interdiction du magazine Compact, une décision retentissante pour la liberté d’expression. Retour sur une affaire qui a secoué le paysage médiatique et politique germanique, révélant les tensions entre pouvoir et voix dissidentes.
Interdiction invalidée
Le 24 juin 2025, la Cour administrative fédérale de Leipzig a invalidé l’interdiction du magazine Compact, prononcée en juillet 2024 par le ministre de l’Intérieur de l’époque, la social-démocrate Nancy Faeser réputée proche de l’extrême gauche radicale. Cette décision, qualifiée de « claque » par le magazine sur X, marque une victoire significative pour la liberté de la presse en Allemagne. Accusé de propager un discours nationaliste et anti-démocratique, Compact a su démontrer que ses publications, bien que parfois provocatrices relevaient de la liberté d’expression protégée par la Constitution allemande.
Un média soutenu par l’AfD
Le tribunal a jugé que, malgré certains contenus controversés, l’ensemble des publications ne justifiait pas une interdiction totale, soulignant que la Loi fondamentale garantit la liberté d’opinion, même pour les voix critiques.
L’interdiction, décidée le 16 juillet 2024, s’accompagnait de perquisitions spectaculaires dans quatre Länder, visant les locaux du magazine et les domiciles de ses dirigeants, dont Jürgen Elsässer, son fondateur. Les autorités reprochaient à Compact d’attiser la haine contre les migrants et de promouvoir des idées contraires à l’ordre démocratique.
Dérives autoritaires du gouvernement
Cette mesure, rarissime en Allemagne, a été perçue comme une tentative de museler un média influent à l’approche d’élections régionales où le parti Alternative für Deutschland (AfD), soutenu par Compact, gagnait du terrain. Les saisies, incluant argent, véhicules et même du matériel de bureau, ont amplifié les critiques contre une dérive autoritaire du gouvernement Scholz.
Alice Weidel, la patronne de l’AFD, dont le parti peine toujours à se faire une place dans les médias, a salué la victoire judiciaire du journal déclarant sur X : « La presse que le peuple construit pour lui-même ne sera jamais réduite au silence ».
Compact contre-attaque
Compact, fondé en 2010, revendique un tirage de 40 000 exemplaires et une forte présence en ligne, avec 515 000 abonnés sur sa chaîne YouTube « Compact TV ». Sa ligne éditoriale nationaliste, critique de l’immigration, de l’Union Européenne et de l’establishment politique, lui a valu une audience croissane, mais aussi une surveillance accrue. Classé en 2021 comme « extrémiste » par le très susceptible Office fédéral de la protection de la constitution, le magazine a su mobiliser un soutien populaire. Des manifestations à Berlin et des campagnes sur X, comme #FreeCompact, ont dénoncé une censure politique.
Victoire partielle ?
Cette victoire judiciaire ne met pas fin au débat. Si Compact célèbre un triomphe pour la liberté d’expression, certains médias, comme l’hebdomadaire de centre gauche Stern historiquement connu pour des affaires de fausses informations, ou la chaîne télévisée n‑tv, déplorent un précédent qui pourrait renforcer l’AfD. En tentant d’interdire Compact, le gouvernement a non seulement échoué, mais a offert au magazine une visibilité accrue alors que le paysage médiatique nationaliste en Allemagne demeure assez pauvre avec peu de titres si ce n’est Compact comme journal mensuel et l’hebdomadaire Junge Freiheit, journal proche des idées de la Nouvelle droite.
Samantha Luce
