Le 25 novembre 2025 s’ouvraient les auditions de la commission d’enquête visant à évaluer la neutralité et le financement de l’audiovisuel public. Les commissaires de cette enquête recevaient en premier lieu les membres de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
Un équilibre revendiqué
C’est avec une semonce que le président de la commission d’enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public, Jérémie Patrier-Leitus (Horizons), a ouvert les travaux de ce travail parlementaire issu du groupe UDR : et dont le rapporteur est le député YDR Charles Alloncle (9ᵉ circonscription de l’Hérault). Pour le député Horizons, la commission ne devra pas donner lieu à un spectacle public et devra faire preuve d’un certain équilibre dans les propos. Un rappel sans doute destiné à éviter une nouvelle commission d’enquête sulfureuse à l’image de celle menée par le groupe LFI à l’encontre des médias détenus par Vincent Bolloré.
ARCOM : missions et bilan
Dans son propos liminaire, le président Martin Ajdari a détaillé les missions de l’ARCOM et certains de ses résultats : il a ainsi indiqué qu’en plus des questions de règles éditoriales (pour lesquelles l’ARCOM a traité 646 dossiers pour 31 éditeurs privés contre 202 dossiers issus de chaînes et de stations publiques), l’ARCOM se chargeait d’évaluer la question du pluralisme qui demeurait un sujet « épineux » à « affiner ». Il a également rappelé que France Télévisions et l’audiovisuel public représentaient la moitié du volume national d’informations diffusées. Le président a également souligné que ce service public faisait face à une remise en cause notamment due à son financement, soulignant que si son coût pouvait sembler élevé (9,3 milliards d’euros pour France Télévisions, Radio France et ses corollaires), celui-ci avait diminué et demeurait moins conséquent que ses homologues étrangers. Il ajoutera ensuite que la situation financière de France Télévisions était en grande partie due à l’abandon de la plateforme SALTO (du fait du désistement de TF1), qui avait généré beaucoup de dépenses.
Voir aussi : Martin Ajdari, portrait
Un rapporteur incisif
Charles Alloncle, rapporteur UDR de la commission d’enquête, s’est montré incisif dès ses premières questions aux représentants de l’ARCOM. Le député a ainsi interrogé le président sur ses déclarations auprès de la Haute Autorité pour la transparence et la vie publique (HATVP) comme à l’occasion de sa présentation face au commissaire, reprochant tour à tour à Martin Ajdari de n’avoir pas déclaré ses fonctions en cabinet ministériel (auprès de M. Fabius, Mmes Filippetti et Pellerin) ainsi que sa relation personnelle passée avec la directrice générale des médias et des industries culturelles siégeant au conseil d’administration de France Télévisions. Le président de l’ARCOM a argué la prescription, soulignant qu’il n’avait guère eu de fonctions en cabinet ministériel depuis près de onze ans et que cette activité ne revêtait pas nécessairement de dimension politique, ce qui lui permettait d’être « exonéré » de tout « soupçon de conflit d’intérêt » ; quant à sa relation personnelle, il a indiqué s’être séparé de cette personne et s’est donc dédouané de tout conflit d’intérêt. Le rapporteur a également fait indiquer qu’Alban de Nervaux, directeur général de l’ARCOM, avait également exercé un même parcours dans des cabinets politiques. L’objectif du rapporteur était de s’assurer de l’impartialité des personnes auditionnées.
La neutralité de l’ARCOM en question
Plusieurs questions de Charles Alloncle quant à la neutralité de l’instance ont été posées aux membres : le député UDR a ainsi interrogé le président sur la décision de nommer Foued Berahou comme membre de l’ARCOM, alors que celui-ci avait appelé à une manifestation antifasciste dans l’archipel des Glénan contre « l’empire Bolloré ». Le président a indiqué s’en être aperçu a posteriori sur un réseau social mais ne pas connaître le fond de l’affaire.
Par ailleurs, M. Alloncle a indiqué que le président avait bien souligné dans son intervention liminaire qu’il y avait eu « deux fois plus d’interventions sur les chaînes privées que publiques ». Il est également revenu sur « l’affaire » Thomas Legrand-Patrick Cohen et a demandé pourquoi les sanctions de l’ARCOM sur ce sujet tardaient à parvenir. « Oui, on a reçu de nombreuses saisines de sénateurs qui nous ont écrit collectivement, moins des citoyens », a expliqué le président de l’ARCOM. La séquence ne s’étant pas déroulée sur les antennes publiques, Martin Ajari estime qu’il n’a pas réellement de compétence en la matière et que les journalistes concernés ayant déjà reçu des sanctions (suspension d’antenne), il n’aura sans doute pas de rôle supplémentaire à jouer.
Enfin, M. Alloncle s’est interrogé sur la soutenabilité financière de France Télévisions et sur la décision du collège de l’ARCOM de renouveler le mandat de Delphine Ernotte dans ces conditions ; le président a alors souligné qu’il n’avait pas eu connaissance du rapport de la Cour des comptes relatif au mauvais état financier de France Télévisions avant cette nomination. Le député rapporteur a également dénoncé l’absence de mise en place d’une comptabilité analytique pour connaître les coûts des programmes de l’audiovisuel public.
Voir aussi : Quand le président de l’ARCOM reconnaît le manque d’impartialité du service public
Les auditions se sont déroulées dans un climat parfois hostile ; le député Iordanoff a ainsi reproché à Charles Alloncle son « ton inquisiteur » et s’est interrogé sur le détournement potentiel de la commission d’enquête à des fins politiques… Ce à quoi le président de la commission a répondu qu’il ne revenait pas aux commissaires de juger de la pertinence de ce genre de commissions, dues de droit aux groupes qui en faisaient la demande en vertu de leur droit annuel de tirage.
Antonin Firminy















