Dans la foulée de l’arrivée de Claire Léost à la direction de CMA Média (Rodolphe Saadé) – qui détient les deux journaux –, des changements ont été communiqués aux journalistes, provoquant crispations et tensions entre la rédaction et la direction.
La Tribune dans les mains de Rodolphe Saadé
Journal centré sur l’« actualité économique et financière » d’après sa propre description, La Tribune appartient depuis 2023 à CMA Média, le groupe de presse de l’armateur CMA CGM de Rodolphe Saadé – dont l’infographie OJIM détaille les branches tentaculaires. Le milliardaire, ambitieux de « devenir le roi de Marseille », avait acquis et développé le média, comme l’avait en ce temps relaté l’OJIM. Si la tendance était dans un premier temps tournée vers un agrandissement de La Tribune, il semblerait que la politique actuelle de la holding média soit à présent aux économies, aux coupes budgétaires et à la réorientation.
Claire Léost à la manœuvre
Pour le média communiste L’Humanité, l’origine de ce plan stratégique est simple : « l’arrivée, cet été, de Claire Léost à la tête de CMA Média ». Cette dernière, venue du groupe Lagardère, s’est vu attribuer la lourde tâche de définir et mettre en œuvre la stratégie du groupe d’après les communiqués transcrits par Le Monde. Un membre de la rédaction de La Tribune estime dans L’Humanité que Claire Léost a été recrutée « avec la mission de faire des économies à tous les niveaux ». Chez son ancien employeur Prisma Media, « elle a viré des centaines de personnes et a servi de marchepied à Bolloré », argue le journaliste. A priori, les économies se dégagent bien des décisions, mais ce constat – engagé et nuancable – sur le bilan chez Prisma Media n’est pas le programme à court terme de CMA Média.
10 millions de pertes en 2025
Libération relaie également des prises de position fortes : la méthode, « c’est l’économie à tout va, le journalisme low-cost. Faire plus avec moins”, s’émeut [un] élu de la [Société des journalistes]. D’après ce dernier, La Tribune et La Tribune dimanche prévoient de perdre respectivement 2 millions et 7,5 millions d’euros pour l’année en cours ».
Aucun licenciement n’est prévu pour l’instant pour La Tribune. D’après La Lettre, les principales mesures économiques consistent en « le non-remplacement de 10 % des effectifs de la rédaction de La Tribune et une réduction de 30 % des piges pour les deux rédactions ». Ces mesures s’inscrivent dans un contexte de pertes considérables où « l’an passé, La Tribune a enregistré 11,8 millions d’euros de pertes pour un chiffre d’affaires de 18,4 millions d’euros », partage le journal d’information stratégique. La situation est critique sur tous les points : « Le pureplayer a du mal à concurrencer les médias généralistes et ses concurrents sur le segment économique, à commencer par Les Échos. Selon l’ACPM, les visites mensuelles sur le site ont baissé de 27 % entre juillet 2024 et juillet 2025. Il peine [à] s’extraire du bas du classement des 100 sites d’informations les plus consultés. » surenchérit Le Figaro.
Voir aussi : Saadé injecte 7M€ dans La Tribune
Rapprochement avec BFM
Côté changement de ligne, il s’agirait de changer de publications en vue de modifier radicalement le modèle économique. Le concept est « de faire radicalement évoluer le modèle économique du titre au profit d’un “positionnement éditorial […] vers le BtoB”, basé sur la vente d’abonnements aux organisations plutôt qu’aux particuliers », selon La Lettre.
Les évolutions prévoient également un rapprochement avec BFM Business, autre média du groupe, comme en informe Le Figaro : « Avant la rentrée, CMA Media avait annoncé la création d’un pôle économique réunissant La Tribune (ainsi que La Tribune Dimanche) et BFM Business, la chaîne économique de BFMTV. Cette entité, qui rassemblera d’ici quelques mois une centaine de journalistes, sera coordonnée par Arnaud de Courcelles, directeur général de BFM Business ».
Opposés à ces différentes décisions, les journalistes de La Tribune et La Tribune Dimanche se sont exprimés à haute voix. La motion de défiance a remporté une large approbation parmi les journalistes. Comme le rapportent Les Échos, « pendant ce scrutin […] 88% des journalistes ont voté en faveur de la motion de défiance, 1% ont voté contre et 11 % se sont abstenus. Le taux de participation était de 85 % parmi les journalistes des deux titres. » La motion est destinée à plusieurs personnalités précises, tel que le rapporte The Media Leader : en plus de la nouvelle directrice de CMA Média, la réclamation vise « le directeur du pôle presse Jean-Christophe Tortora, la directrice générale de La Tribune et future directrice générale de La Tribune Dimanche Tatiana de Francqueville, et le directeur général de BFM Business et futur directeur général du pôle économique Arnaud de Courcelles ». D’autres rebondissements sont probables.
Voir aussi : Rodolphe Saadé, infographie
Julien Crespel


















