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Quand les attentats islamistes deviennent des faits divers

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20 août 2022

Temps de lecture : 5 minutes
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Quand les attentats islamistes deviennent des faits divers

Temps de lecture : 5 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale. Pre­mière dif­fu­sion le 30 mai 2022

Le 10 mai 2022, un homme était poignardé devant un collège à Marseille. Quelques jours plus tard, le 27 mai, il décédait de ses blessures. En dépit de sa revendication islamiste, cette agression a été classée dans la catégorie « Faits divers » par plusieurs médias. Le terrorisme islamiste serait-il banalisé à ce point qu’il faudrait en ranger les manifestations à côté des accidents de la circulation et des chiens écrasés ?

Rubrique « faits divers »

Le 27 mai, l’annonce du décès du père de famille agressé au couteau le 10 mai devant un col­lège de Mar­seille est, dans de nom­breux médias, tout en retenue.

Dans la rubrique « Faits divers », le jour­nal Le Point nous donne le 27 mai l’information suiv­ante : « Mar­seille : décès du par­ent agressé au couteau devant l’école de ses enfants ». La lec­ture de l’article nous apprend que « la piste ter­ror­iste avait été écartée (…). Des témoins ont rap­porté que le sus­pect a dit avoir agi au nom de Dieu, qu’il était très agité et avait tenu des pro­pos déli­rants, appelant à Dieu et au dia­ble ». L’article apporte d’autres pré­ci­sions sur l’agression : la vic­time est un médecin mil­i­taire. Par ailleurs , « des sources poli­cières locales s’é­ton­nent alors que l’acte ter­ror­iste n’ait pas été retenu, au regard du pro­fil de l’a­gresseur de nation­al­ité française ».

Même classe­ment dans la rubrique « Faits divers » par la radio d’État France Info dont le titre de l’article infor­mant du décès de la per­son­ne agressée est à peine différent :

« Mar­seille : le par­ent d’élève agressé au couteau devant un col­lège est mort ». On apprend que « l’assaillant présen­tait “un état de san­té psy­chi­a­trique problématique ».

Rapi­de­ment, le min­istre des armées pub­lie sur Twit­ter un com­mu­niqué de presse dans lequel il exprime ses con­doléances à la famille du défunt et annonce qu’une infor­ma­tion judi­ci­aire est en cours qui « per­me­t­tra de faire toute la lumière sur ce drame ».

Le lecteur qui ne s’informe que dans les médias de grand chemin en con­clut que nous sommes en présence d’une nou­velle agres­sion par un indi­vidu aux moti­va­tions religieuses, qui a plus sa place dans un hôpi­tal psy­chi­a­trique que dans les rues de la cité.

Une version non édulcorée des faits

Le site Actu17 a don­né le 10 mai une ver­sion sen­si­ble­ment dif­férente des faits. L’information est dès le titre beau­coup plus pré­cise : « Un père de famille poignardé à la gorge devant un col­lège catholique, l’a­gresseur inter­pel­lé ». On apprend en pour­suiv­ant la lec­ture de l’article que « la vic­time aurait reçu plusieurs coups de couteau et a été touchée au niveau de la gorge selon nos infor­ma­tions ». Mais surtout, « cet homme qui serait âgé de 23 ans aurait crié avoir agi “au nom d’Al­lah” d’après une source proche de l’af­faire ».

Sur Twit­ter, Loulou fait un résumé de ce qu’il faut désor­mais appel­er un meurtre :

« Un père de trois enfants poignardé devant ses enfants par un islamiste nom­mé Mohamed au cri “d’Al­lah Akbar” est mort. ».

L’internaute aurait pu pré­cis­er que cette agres­sion a été per­pétrée devant un col­lège catholique, ce qui n’est pas un détail anodin au regard de la reven­di­ca­tion islamiste du geste par son auteur.

La banalisation de l’islamisme meurtrier

Alors que France Info et Le Point se sont dans le titre de leurs arti­cles focal­isés sur l’arme util­isée pour présen­ter les cir­con­stances de l’attentat, Actu17 est beau­coup plus pro­lixe tant sur le « mode opéra­toire » par­ti­c­ulière­ment abject de l’agresseur que sur sa moti­va­tion islamiste.

Le site Fdes­ouche fait à ce sujet le con­stat que de nom­breux titres de presse ont rem­placé la reven­di­ca­tion du geste par son auteur au nom d’« Allah » par « Dieu », ce qui revient à occul­ter la moti­va­tion islamiste de l’assaillant.

Out­re la défor­ma­tion des faits, c’est aus­si leur mino­ra­tion dans la hiérar­chie de l’information qu’il faut soulign­er. Comme un récent arti­cle du site Polémia le soulig­nait récem­ment, nom­breux exem­ples à l’appui, les man­i­fes­ta­tions plus ou moins vio­lentes de l’islamisme sem­blent depuis quelques temps avoir déserté les grands titres des jour­naux d’information. La liste des agres­sions au cri de « Allah Akbar » qui fig­ure dans l’article ne cesse pour­tant de s’allonger.

Que ces agres­sions relèvent de la psy­chi­a­tre ou/et de moti­va­tions religieuses sincères, elles présen­tent la car­ac­téris­tique com­mune d’invoquer l’islam. Leur mul­ti­pli­ca­tion devrait amen­er à dépass­er le sin­guli­er pour les appréhen­der comme un phénomène col­lec­tif, à les analyser comme tels et à ten­ter d’éviter leur répétition.

Or, force est de con­stater qu’il n’en est rien. Les médias de grand chemin ont placé la guerre en Ukraine au cen­tre de l’actualité médi­a­tique et relégué au sec­ond plan les autres sujets. La haine de cer­tains indi­vidus pour la société française est un sujet tabou, comme si en par­ler suff­i­sait à aigu­is­er les con­flits entre « communautés ».

Cha­cun peut con­stater que des sujets aus­si impor­tants que l’incarcération effec­tive des délin­quants, la déchéance de nation­al­ité de ceux qui affichent une haine envers la France et l’effectivité de l’expulsion des étrangers – a for­tiori délin­quants — en sit­u­a­tion irrégulière ne sont pas ou peu abor­dés lors de la cam­pagne en vue des élec­tions lég­isla­tives. Désor­mais, les agres­sions com­mis­es au nom de l’islam ne sont plus que des « faits divers ». Cir­culez, il n’y a rien à voir.

Isabelle Sur­ply com­mente sur Twit­ter :

« Qual­i­fi­er un #atten­tat au couteau devant une école pri­maire de « fait divers » est une honte. Les enfants d’Alban n’ont plus de père. Mohamed, lui, est tou­jours vivant et tou­jours con­nu des ser­vices de police. Rien n’a changé. »