L’Union européenne alloue 5,5 millions d’euros à Radio Free Europe/Radio Liberty, menacée par le gel des fonds américains sous l’administration Trump. Ce soutien d’urgence vise à préserver son « journalisme indépendant » (sic) dans des régions sensibles.
Kaja Kallas et le « journalisme indépendant » subventionné
L’Union européenne (UE) a annoncé, le 20 mai 2025, un financement d’urgence de 5,5 millions d’euros (6,2 millions de dollars) pour soutenir Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), après la suspension de ses subventions par l’administration de Donald Trump. Cette décision, révélée par la cheffe de la diplomatie européenne l’estonienne Kaja Kallas lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles, vise à offrir un « filet de sécurité » pour ce « média pro-démocratique, pilier du journalisme indépendant depuis 75 ans ». Nous citons : « À une époque où les contenus non filtrés se multiplient, le journalisme indépendant est plus important que jamais », a‑t-elle déclaré, soulignant l’importance de RFE/RL dans des pays où la presse libre est menacée.
Réactiver la guerre froide médiatique
Fondée en 1950 pour contrer la propagande soviétique, RFE/RL diffuse aujourd’hui dans 27 langues à travers 23 pays, de l’Europe de l’Est à l’Asie centrale et au Moyen-Orient, touchant environ 47 millions d’auditeurs par semaine. Basée à Prague, avec un siège administratif à Washington, elle emploie plus de 1 700 personnes et couvre des zones stratégiquement sensibles pour les élites d’Europe occidentale comme la Russie, l’Ukraine, l’Iran ou la Biélorussie. Ses programmes, comme Crimea Realities et Donbas Realities, sont essentiels pour informer, avec une vision atlantiste, sur les territoires occupés par la Russie, qui a classé RFE/RL comme « organisation indésirable » en 2024.
Bataille judiciaire et crise financière
En mars 2025, Donald Trump a ordonné la suppression des subventions fédérales à RFE/RL, ainsi qu’à d’autres médias comme Voice of America, dans le cadre d’une vaste réduction des dépenses publiques.
Cette décision, critiquée comme un coup porté à la liberté de la presse, a poussé RFE/RL à engager une bataille judiciaire. Un juge fédéral a temporairement ordonné le versement de 12 millions de dollars pour avril, mais une cour d’appel a levé cette injonction, plongeant la radio dans une crise financière. Des journalistes ont été mis en congé, des contrats de freelances annulés et des programmes réduits, menaçant la survie du média d’ici juin sans nouveaux fonds.
L’Europe, roue de secours de l’atlantisme
L’aide européenne ne couvre qu’environ 5 % du budget annuel de RFE/RL, précédemment financé à hauteur de 140 millions de dollars par le Congrès américain. La vice-présidente de la Commission européenne Kaja Kallas a précisé que ce soutien se concentrera sur les pays voisins de l’UE, comme ceux du Caucase et de l’Asie centrale, sans pouvoir compenser totalement le déficit mondial. La République tchèque, hôte de RFE/RL, mène l’effort européen pour mobiliser des fonds, soutenue par des pays comme la Suède, qui a promis 20 millions de couronnes (2,07 millions de dollars).
Cette intervention reflète l’attachement de l’UE à la mission de RFE/RL, qualifiée de « phare de la démocratie » par Kallas, digne représentante de l’Etat profond maintenant en exil. Cependant, des incertitudes persistent. Stephen Capus, président de RFE/RL, a salué l’aide européenne tout en avertissant que la survie du média reste précaire tant que les fonds américains sont bloqués. L’UE explore des solutions à long terme, mais remplacer intégralement le financement américain s’annonce complexe.
Ce bras de fer illustre les tensions médiatiques en cours dans un contexte géopolitique changeant et alors que le modèle de médias sous perfusion d’argent public a été largement écorné par les politiques de réduction des coûts initiées par Elon Musk aux Etats-Unis. Aujourd’hui, l’avenir de RFE/RL semble dépendre essentiellement des procédures judiciaires aux États-Unis et de l’engagement financier de l’Europe et de ses très généreux contribuables.
Rodolphe Chalamel
