Le 6 août 2025, le ministère de la Culture a publié sur son site, sans tambour ni trompette, son pourtant très attendu tableau des titres de presse aidés. Quels sont les journaux qui ont le plus bénéficié d’aides publiques l’an passé ? Quels enseignements retirer de cette édition 2024 ? On fait le point.
175 M€ d’aides directes
Dans une France désormais ballottée par la vague inlassable des mesures d’économies, la liste était très attendue. Le 6 août 2025, le ministère de la Culture a discrètement publié, dans un souci de « transparence », son dernier tableau des titres de presse ayant bénéficié – directement ou indirectement – d’aides de l’État.
À l’instar de nombreux autres secteurs, celui de la presse n’a pas été épargné l’an passé par quelques coupes budgétaires ici et là. Au total, le ministère de la Culture a ainsi attribué, en 2024, à 527 publications pour un total d’aides directes de 175,2 M€, contre 204,7 M€ en 2023, année record. Mais à y regarder de plus près, nombreux sont les médias – essentiellement de gauche – à ne pas avoir pâti de ce vent d’austérité qui a soufflé sur le budget 2024.
Voici les enseignements à retenir du dernier tableau des aides à la presse.
Bernard Arnault retrouve sa place de leader
Il est le quatuor star depuis des années. Une fois encore, Le Monde, Aujourd’hui en France, La Croix et Le Figaro arrivent en tête des titres de presse ayant reçu le plus d’aides de l’État en 2024. Dans le détail, comptez 12,2 millions d’euros pour Aujourd’hui en France, 9,9 pour Le Figaro, 8,8 pour La Croix et 7,8 pour Le Monde.
Certes, les sommes sont déjà bien rondelettes. Mais pour les patrons de presse, c’est du côté des groupes de presse que l’affaire se joue. Dans l’écosystème médiatique, l’année 2024 aura ainsi été celle d’un petit chambardement : après s’être fait damer le pion en 2023 par le groupe Le Monde, le groupe Les Échos-Le Parisien, détenu par Bernard Arnault, a repris cette année sa place de leader des entreprises de presse les plus subventionnées.
En 2024, le groupe détenu par l’homme le plus riche de France (sa fortune est estimée à plus de 160 milliards d’euros en 2025) a en effet bénéficié de la plus grosse enveloppe versée par le ministère de la Culture au titre des aides à la presse : 15,96 millions d’euros.
Arrivent ensuite le groupe Le Monde (15,85 millions d’euros), le groupe Ouest-France (11,52) et le groupe Bayard (10,18). Le groupe Figaro passe cette année en dessous de la barre des 10 millions d’euros avec 9,89 millions, dont 5,36 millions d’euros d’aides à la distribution.
L’Humanité, journal le plus aidé
« Champion du monde » des subventions publiques en 2023, le journal communiste L’Humanité se révèle, une fois encore, le journal le plus aidé par l’État en 2024. Sur le papier, le journal n’a reçu cette année « que » 5,7 millions d’euros – ce qui le hisse tout de même à la 7ᵉ place des titres de presse ayant reçu le plus d’aides de l’État.
Voir aussi : Thomas Lemahieu : le croisé rouge de L’Humanité contre Pierre-Édouard Stérin
Mais, à y regarder de plus près, L’Humanité est en réalité le premier titre bénéficiaire de l’aide au pluralisme en 2024, avec 3,1 millions d’euros. En clair : le titre, (trop) peu lu, est celui qui a reçu le plus d’aide par exemplaire. Une aide censée garantir, selon le ministère de la Culture, « la diversité des médias, essentielle à un paysage médiatique libre et indépendant ».
Le journal fondé par Jean Jaurès a ainsi perçu 0,567 euros par exemplaire. À titre de comparaison, le JDD, le Figaro ou encore Ouest-France ont reçu respectivement une aide de 0,198 euros, 0,088 euros et 0,034 euros par exemplaire.
Libération à bout de souffle
Journal à bout de souffle depuis des années – il a été sauvé plusieurs fois de la faillite par de grandes fortunes depuis 1994 –, Libération est un des rares titres de presse à avoir vu ses subventions augmenter en 2024.
🔴Depuis 1994, le journal subventionné Libération a été sauvé plusieurs fois de la faillite par de grandes fortunes, successivement :
➡️Jérôme Seydoux en 1994
➡️Édouard de Rotschild en 2005
➡️Bruno Ledoux en 2012
➡️Patrick Drahi en 2016
➡️Daniel Křetínský en 2022, 2023, 2024 pic.twitter.com/IRgI8NvgbB— Observatoire du journalisme (Ojim) (@ojim_france) August 13, 2025
Comptez pas moins de 317 000 euros de plus d’aides versées par l’État, en comparaison à 2023. Au total, le journal a ainsi perçu plus de 6,6 millions d’euros en 2024, lui permettant de passer devant Ouest-France et d’intégrer par la même le top 5 des journaux les plus aidés.
Une enveloppe confortable donc, mais qui à elle seule n’aurait pas suffi à sauver le journal. Le milliardaire tchèque Daniel Křetínský aura en effet de nouveau mis la main au portefeuille pour renflouer le journal à hauteur de 15 millions d’euros. Son objectif : garantir « le financement du titre jusqu’à son retour à l’équilibre » en 2026.
Notons que Libération n’est pas le seul journal à avoir vu ses aides augmenter en 2024. Charlie Hebdo (+350 767 €), Nord Éclair (+623 837 €), Centre Presse Vienne (+297 317 €), Brief.me (+268 127 €) et Capital.fr (+85 959 €) font partie des rares chanceux (sur 527 publications) à avoir bénéficié d’une rallonge en 2024.
Des journaux d’extrême gauche vraiment indépendants ?
C’est un des enseignements (largement) passés sous silence à la suite de la publication discrète du tableau des titres de presse ayant bénéficié d’aides de l’État. Alors que tous se revendiquent sans ambages « indépendants », usant d’ailleurs de cet argument jusqu’à la corde lors de leurs appels aux dons, nombreux sont les médias d’extrême gauche, pourtant farouchement opposés aux institutions, à avoir en réalité bénéficié d’aides en 2024.
Là encore, les sommes apparaissent particulièrement confortables : 349 425 euros pour Arrêt sur images, 234 872 euros pour Politis, 67 904 euros pour StreetPress, 316 464 euros pour Blast, 10 571 euros pour le Bondy Blog ou encore 20 180 euros pour Basta !. Montant total pour ces médias d’extrême gauche : près d’un million d’euros.
La presse régionale en bonne place
Enfin, du tableau d’aides à la presse 2024, retenons également la « bonne place » accordée à la presse régionale. Comme le soulève La Lettre, le groupe Sipa Ouest-France, détenteur d’une centaine de titres – dont 95 journaux pour sa filiale Groupe Actu –, se glisse à la troisième marche du podium avec 11,52 millions d’euros d’aides de l’État en 2024.
Son journal phare, Ouest-France, a ainsi bénéficié de 7,25 millions d’euros. « Dans le palmarès de la PQR, le géant de l’ouest de la France est talonné par Ebra (Le Dauphiné libéré, Dernières Nouvelles d’Alsace, L’Est républicain…) ».
Le groupe détenu par le Crédit Mutuel a quant à lui perçu 9,17 millions d’euros, devant le Groupe Sud-Ouest (7,28 millions d’euros).
Lorelei Bancharel


















