En France, pour la première fois, le smartphone dépasse le téléviseur comme équipement dominant dans les foyers, marquant un basculement vers la mobilité. Des données récentes révèlent une fragmentation accrue des médias, où le mobile capte une part croissante du temps d’écran, reléguant la TV à un rôle complémentaire.
Les habitudes médiatiques françaises s’inscrivent dans une mutation globale, où le smartphone émerge comme l’écran incontournable. Reléguant la télévision à un rôle secondaire, cette évolution reflète une consommation nomade, personnalisée et souvent générationnelle. Des enquêtes soulignent cette inversion, avec une fragmentation croissante des usages.
Le triomphe du smartphone en France : un équipement omniprésent
En France, la cinquième édition du Référentiel des usages numériques, publiée par l’Arcep et l’Arcom, consacre le smartphone comme roi des foyers. Au second semestre 2024, 93 % des ménages étaient équipés d’au moins un mobile (+4 points en un an), contre 89 % pour les téléviseurs (-0,6 point). Cette première historique en fait l’appareil n°1 pour les vidéos, intégrant chaînes gratuites en direct, services VOD comme Netflix et contenus réseaux sociaux. 80 % des 12 ans et plus l’utilisent quotidiennement (+4 points), pour naviguer sur internet (89 %), échanger via apps (85 %) ou téléphoner (78 %). L’ordinateur suit à 55 %, stable post-Covid mais en baisse.
4h23’ par jour sur écran personnel !
Les Français passent en moyenne 4h23 par jour sur écrans personnels (61 % en direct, 39 % à la demande). Chez les 15–25 ans, les plateformes comme TikTok et Instagram devancent la radio traditionnelle, avec 72 % d’adeptes des vidéos courtes et 71 % des stories éphémères. 9,4 millions d’utilisateurs quotidiens de VOD (+500 000 en un an) confirment cette polyvalence. Les enceintes connectées (14 % d’usage quotidien) surpassent même le téléphone fixe (13 %), soulignant l’essor des assistants vocaux (33 % des foyers équipés, +6 points en deux ans).
Élargissement à l’international : fragmentation et mue des médias
Au-delà des frontières françaises, cette tendance s’observe dans d’autres pays européens, où le smartphone gagne du terrain en captant une part majoritaire du temps média. Chez les jeunes adultes, l’écart est marqué : près de la moitié de leur temps d’écran se déroule sur mobile, contre un quart pour la TV.
Cette fragmentation, en hausse de 60 % en une décennie, disperse l’attention : aucun canal ne domine plus, forçant à des stratégies multicanaux pour atteindre 90 % de reach (le nombre de personnes ayant reçu des impressions d’une publication). La télévision linéaire recule légèrement, mais ses versions à la demande (broadcast ou par abonnement) prennent le relais, représentant 39 % du temps vidéo. Les réseaux sociaux, avec des plateformes comme Facebook et YouTube, dépassent la TV commerciale en audience hebdomadaire.
Le digital truste désormais 63 % du temps média commercial, contre 42 % il y a dix ans. Même les seniors accélèrent leur adoption : les plus de 55 ans multiplient les usages en ligne pour l’info et le streaming audio, un public au fort pouvoir d’achat souvent sous-estimé par les annonceurs. Ainsi, les médias ne s’éteignent pas, mais se transforment, migrent vers des formats hybrides et nomades.
Révolution mondiale du rapport à l’image et à l’information
Cette révolution transfrontalière interroge l’équilibre des usages. En France, 42 % des répondants jugent leur temps d’écran excessif (19 % “beaucoup trop”), surtout chez les jeunes (37 % des 18–24 ans) et les “heavy users » (utilisateurs intensifs) de réseaux (67 % pour >5h/jour). Les foyers comptent 9,6 écrans en moyenne (-0,7 vs 2023), avec moins d’inutilisés (1,8). Positivement, 27 % gardent leur smartphone plus de 3 ans (+11 points en 4 ans), signe de sobriété. L’IA générative touche 33 % des Français (+13 points), 77 % chez les 18–24 ans, boostée par la 5G (24,3 millions de SIM).
Selon la septième édition de Making Sense (The Commercial Media Landscape, qui s’appuie sur les données IPA TouchPoints 2025), ces dynamiques se confirment au Royaume-Uni, avec une mue des médias plutôt qu’une extinction.
Une technologie qui consomme de l’énergie
Cette dématérialisation manifeste de l’image et des médias n’est cependant pas sans conséquences écologiques car s’il n’est plus question de raser des forêts pour imprimer des journaux, l’usage des nouvelles technologies est énergivore.
En France, les box TV consomment 3,5 TWh/an (5 fois plus que les réseaux fixes), et les usages audiovisuels émettent 5,6 Mt CO₂ (équivalent 4 millions de voitures).
Globalement, le smartphone ne supprime pas la TV, mais redessine un écosystème interconnecté, mobile et personnalisé… mais pas franchement écolo !
Rodolphe Chalamel


















