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Label des médias : Macron rouvre la boîte de Pandore de la « vérité officielle »

4 décembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Label des médias : Macron rouvre la boîte de Pandore de la « vérité officielle »

Temps de lecture : 4 minutes

Label des médias : Macron rouvre la boîte de Pandore de la « vérité officielle »

En relançant l’idée d’un « label » pour dis­tinguer les médias « dignes de con­fi­ance » et en annonçant un nou­veau référé con­tre les « infox atten­ta­toires à la dig­nité », Emmanuel Macron pré­tend défendre la démoc­ra­tie mais per­son­ne n’est dupe d’un pos­si­ble fil­tre poli­tique déguisé alors qu’une par­tie de la presse et les réseaux soci­aux échap­pent désor­mais au pouvoir.

Au fil de ses échanges avec les lecteurs de la presse régionale, Emmanuel Macron a détail­lé une nou­velle offen­sive con­tre la dés­in­for­ma­tion avec la créa­tion d’un label pour les sites d’information et les réseaux soci­aux ain­si que la mise en place d’une procé­dure de référé accéléré con­tre cer­taines « infox ». Offi­cielle­ment, il s’agit de pro­téger le débat pub­lic ; en pra­tique, le risque d’un tri entre « bons » et « mau­vais » médias est évi­dent, dans un paysage déjà très encadré et dans un con­texte de guerre ouverte entre les médias publics et les médias du groupe Bol­loré.

Un label pour les médias : entre « dignité » et soupçon de ministère de la Vérité

À Arras, devant des lecteurs de La Voix du Nord, le chef de l’État a dit vouloir « tout faire pour que soit mis en place un label » pro­fes­sion­nel pour les réseaux soci­aux et sites d’information, afin de sig­naler ceux qui seraient « dignes de con­fi­ance » et mieux lut­ter con­tre la dés­in­for­ma­tion. Il pro­pose de dis­tinguer les plate­formes com­mer­ciales des médias « d’information » et ren­voie l’attribution du label à des « pro­fes­sion­nels », en citant explicite­ment comme référence la Jour­nal­ism Trust Ini­tia­tive (JTI) portée par Reporters sans fron­tières (RSF). Rap­pelons que cette asso­ci­a­tion vient de voir l’Arcom con­tester ses accu­sa­tions d’atteinte au plu­ral­isme de la chaîne CNews.

Offi­cielle­ment, pas de « min­istère de la Vérité ». Mais dans un con­texte où l’exécutif con­voque des con­seils de défense « infor­ma­tion­nelle », l’idée d’un label adossé à une norme qua­si-ISO élaborée avec RSF ouvre de fac­to la voie à un classe­ment implicite : d’un côté les médias cer­ti­fiés, de l’autre ceux que les pou­voirs publics, les grandes plate­formes ou les annon­ceurs pour­ront écarter au motif qu’ils ne seraient pas « conformes ».

Décodex, JTI : des expériences de labellisation loin d’être neutres

Ce pro­jet ne sur­git pas dans le vide. Le précé­dent du « Décodex » du Monde a mon­tré à quel point la ten­ta­tion de label­lis­er la « fia­bil­ité » des sites d’information peut dériv­er vers un sys­tème de nota­tion idéologique. Le quo­ti­di­en du soir a d’ailleurs dû aban­don­ner son fameux « label vert », recon­nais­sant que son code couleur avait été perçu comme une forme d’« agence de nota­tion » des autres médias.

La JTI, soutenue par RSF, va plus loin encore : véri­ta­ble norme inter­na­tionale, elle per­met à des acteurs publics ou privés (États, plate­formes, annon­ceurs, dona­teurs) de con­di­tion­ner index­a­tion algo­rith­mique, revenus pub­lic­i­taires ou sub­ven­tions au respect de critères procé­du­raux et organ­i­sa­tion­nels, défi­nis à l’avance et con­trôlés par audit. À ce stade, dif­fi­cile de voir la dif­férence entre RSF et le groupe de pres­sion d’extrême gauche Sleep­ing Giants.

Dans un tel cadre, la label­li­sa­tion devient un instru­ment de sélec­tion économique et régle­men­taire, poten­tielle­ment red­outable pour les médias indépen­dants ou dissidents.

Un référé « infox attentatoires à la dignité » : protection des victimes ou nouveau délit d’opinion ?

Dans le même mou­ve­ment, Emmanuel Macron a annon­cé vouloir créer une nou­velle procé­dure de référé pour faire retir­er en 48 heures les con­tenus qual­i­fiés de « fauss­es infor­ma­tions atten­ta­toires à la dig­nité », en par­ti­c­uli­er les deep­fakes et mon­tages à car­ac­tère sex­uel ou diffamatoire.

Le prési­dent s’appuie ici sur des cas de cyber­har­cèle­ment bien réels, et sur sa pro­pre expéri­ence, ain­si que celle de son épouse, face aux rumeurs et images mon­tées en ligne, relatés lors d’un échange avec des lecteurs du groupe EBRA dans les Vosges.

La pro­tec­tion des vic­times est un objec­tif légitime. Mais la notion d’« infox atten­ta­toire à la dig­nité » est juridique­ment floue et, mal encadrée, pour­rait s’étendre bien au-delà des mon­tages pornographiques ou du cyber­har­cèle­ment pour vis­er des con­tenus pure­ment poli­tiques : enquêtes gênantes, car­i­ca­tures, révéla­tions embarrassantes.

Dans un paysage médi­a­tique boulever­sé par l’avènement des réseaux soci­aux et l’apparition de médias allant à con­tre-sens de la doxa, le pro­jet de label prési­den­tiel ressem­ble moins à une défense abstraite de la vérité qu’à une ten­ta­tive sup­plé­men­taire de struc­tur­er l’espace médi­a­tique qui échappe de plus en plus à une élite poli­tique qui se sent menacée.

Rodolphe Cha­la­mel

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