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EXCLUSIF Meurtre de Thomas à Crépol : « On me tombe dessus pour avoir eu le courage de dire les mots », dénonce Marie-Hélène Thoraval

8 mai 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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EXCLUSIF Meurtre de Thomas à Crépol : « On me tombe dessus pour avoir eu le courage de dire les mots », dénonce Marie-Hélène Thoraval

Temps de lecture : 8 minutes

Plus d’un an après le meurtre de Thomas à Crépol, la pub­li­ca­tion d’un livre-enquête vient de relancer la con­tro­verse autour de la mort du jeune homme, tué lors d’un bal de vil­lage en novem­bre 2023. Truf­fé de con­tre-vérités et d’omissions, le livre a choqué jusqu’à l’Association des vic­times du bal de Crépol qui dénonce aujourd’hui un trav­es­tisse­ment de la réal­ité. L’Observatoire du jour­nal­isme, qui con­sacre un long dossier pour rétablir les faits sur le drame de Crépol, vous pro­pose de décou­vrir dans son inté­gral­ité l’interview accordée par Marie-Hélène Tho­raval, maire de Romans-sur-Isère.

Que pensez-vous du traite­ment médi­a­tique du drame de Crépol ?

La médi­ati­sa­tion qui s’est opérée après ce drame a été d’ampleur, prob­a­ble­ment cor­rélée au niveau de vio­lence observée ce soir-là. En revanche, là où la presse a immé­di­ate­ment évo­qué un « fait divers », j’ai tenu à rap­pel­er, après les obsèques de Thomas, qu’il s’agit d’un fait de société. Aujourd’hui, l’actualité me donne mal­heureuse­ment raison.

Quant au « livre-enquête », j’insiste sur les guillemets, réal­isé par Jean-Michel Décugis, Marc Lep­lon­geon et Pauline Gué­na, il ne cor­re­spond en rien à la réal­ité de l’échange que j’ai eu avec Jean-Michel Décugis. Je l’ai reçu car il m’avait été recom­mandé par un préfet que je con­nais­sais. Je l’ai donc reçu en toute con­fi­ance alors même que, vous pensez bien, je n’ai pas tou­jours répon­du favor­able­ment aux deman­des des jour­nal­istes. Je suis maire avant tout, je ne suis pas là pour faire de la communication.

Quand j’ai décou­vert ensuite les bonnes feuilles du livre et ce qui a été retenu de notre échange, je peux vous assur­er que c’était la stupé­fac­tion pour moi. Entre la per­son­ne que j’ai ren­con­trée le 19 décem­bre 2023 et celle qui s’est exprimée dans le cadre de la pro­mo­tion de cet ouvrage, il y a un vide abyssal. Quand je l’ai reçu, j’ai pour­tant répon­du avec hon­nêteté à l’intégralité de ces ques­tions. À chaque fois que j’ai avancé une idée, je l’ai tou­jours jus­ti­fiée. Mais les auteurs n’ont pas jugé néces­saire de repren­dre les expli­ca­tions que j’ai don­nées. Le livre trav­es­ti totale­ment mes propos.

Avez-vous souhaité ou eu un con­tact avec les auteurs du livre après sa paru­tion pour vous expliquer ?

Aucun. Et je n’y tiens absol­u­ment pas. Le mal est fait.

Com­ment inter­prétez-vous ce besoin impérieux des jour­nal­istes de min­imiser le drame ?

Je vous dirais d’abord que c’est dra­ma­tique de vouloir trav­e­s­tir la réal­ité de la vio­lence qui s’est opérée ce soir-là. C’est vouloir min­imiser et surtout banalis­er une vio­lence qui devient in fine une vio­lence ordi­naire. C’est une manière de ne pas accepter la réal­ité et, surtout, de ne pas vouloir con­stater que nous avons une prob­lé­ma­tique en ter­mes d’immigration, de com­porte­ments, de poli­tique d’intégration et d’assimilation. En faisant cela, les jour­nal­istes refusent d’admettre que des quartiers autre­fois pop­u­laires sont devenus des quartiers communautaires.

Quand, par exem­ple, j’explique à Jean-Michel Décu­jis que le quarti­er de la Mon­naie est un point noir pour nous, c’est parce qu’une majorité de la pop­u­la­tion de ce quarti­er aspire à vivre pais­i­ble­ment. Mais aujourd’hui, les poli­tiques menées par nos gou­ver­nants ne nous per­me­t­tent pas d’avoir une réponse aux sit­u­a­tions que l’on ren­con­tre dans ces quartiers. Ces quartiers sont devenus des zones de non-droits et de nar­co-traf­ic. Et, je le main­tiens, cer­tains de ces quartiers sont aujourd’hui sous l’emprise d’une forme d’islamisme radical.

De la même manière, ce que je trou­ve par­ti­c­ulière­ment scan­daleux dans leur pro­pos, c’est de banalis­er le fait d’être muni d’un couteau « pour couper du shit ». Com­ment peut-on écrire des trucs pareils ? Quand vous avez un couteau, avec une lame de 25 cen­timètres, je suis navrée mais on ne peut pas dire que vous êtes équipé d’un couteau. Vous êtes armé d’un couteau. Si vous n’êtes pas capa­ble de le con­stater et de pou­voir regarder cela avec toute l’objectivité néces­saire, c’est que vous trav­es­tis­sez la réalité.

C’est un manque total de con­sid­éra­tion pour leurs lecteurs et une « banal­i­sa­tion » blessante pour ceux qui ont vécu le drame. Et encore, le mot est faible.

Selon les jour­nal­istes, le drame de Crépol est avant tout symp­to­ma­tique d’un con­flit entre urbains et ruraux…

On ne saurait oppos­er les urbains et les ruraux, cela n’a rien à voir. Ils n’ont rien com­pris à notre ter­ri­toire et ne l’ont pas ressen­ti. Nous vivons ensem­ble. Les jeunes qui habitent en milieu rur­al sont au lycée dans nos villes. L’opposition qui est faite est une car­i­ca­ture par­ti­c­ulière­ment blessante et humiliante. De quel droit se per­me­t­tent-ils d’humilier et de bless­er les gens de cette manière ?

Dans leur ouvrage, les trois auteurs vous accusent d’avoir « mis de l’huile sur le feu » pour avoir qual­i­fié le meurtre de Thomas de « fait de société et non de fait divers » et, surtout, pour avoir, la pre­mière, demandé que le mobile raciste anti-Blanc soit con­sid­éré par la jus­tice. Que leur répondez-vous ?

C’est pré­cisé­ment une chose que je souhaite vrai­ment rajouter : pourquoi je dénonce cela ? Parce que, dans ces quartiers, vit une majorité de per­son­nes qui aspirent à vivre pais­i­ble­ment. En ce qui con­cerne mon ter­ri­toire, la majorité des per­son­nes qui tra­vail­lent tous les jours vivent, par exem­ple, dans l’angoisse de retrou­ver leur voiture le lende­main matin quand d’autres sont oblig­ées d’organiser leur journée pour faire leurs cours­es aux heures où elles seront sûres de ne pas être ennuyées. Est-ce que cela est normal ?

Avez-vous le sen­ti­ment que l’auteur du livre savait déjà ce qu’il allait écrire avant même de vous rencontrer ?

Ah oui. Je pense qu’ils n’avaient même pas besoin de venir me voir. Je me demande même s’ils ont passé plus de 24 heures sur place pour écrire des choses pareilles.

Les jour­nal­istes ont-ils pris con­tact avec des mem­bres de la famille de Thomas ou de l’Association des vic­times du bal de Crépol au moment de leur enquête ?

Je ne sais pas. En revanche, je ne vous dis pas dans quel état ils étaient après la sor­tie du livre. Lisez d’ailleurs ce qu’ils ont écrit sur les réseaux soci­aux. Les jour­nal­istes ne les ont pas traités de gueux mais ils n’en étaient pas loin. Ils ont par­lé de gens « taiseux » et « austères » sans même les con­naître. La descrip­tion qui en est faite ne reflète en rien la men­tal­ité qui est celle des gens de notre ter­ri­toire. Les jour­nal­istes les ont cat­a­logués comme cela les intéressez ! C’est dra­ma­tique. Je rap­pelle tout de même qu’il y a eu un mort, des blessés et des vic­times qui sont trau­ma­tisées à vie.

Les par­ents de Thomas, comme les mem­bres de l’association des vic­times, ont égale­ment été choqués par la révéla­tion d’éléments de l’enquête. Je rap­pelle là aus­si que l’enquête est tou­jours en cours. Où est le secret de l’instruction ? C’est tout de même grave.

Le mar­di 28 novem­bre 2023, au micro de BFMTV, vous avez demandé que « le car­ac­tère raciste » soit retenu dans le meurtre de Thomas. La presse vous a dès lors accusé de relancer une thèse raciste qui n’avait aucun fonde­ment. Pourquoi avoir demandé cela à la justice ?

J’ai tou­jours dit que je n’étais pas là pour défendre ce point-là en mon nom pro­pre mais que j’exprimais le souhait des familles de con­sid­ér­er le motif de « racisme anti-Blanc ». Voilà ce que j’ai dit. Les familles l’ont d’ailleurs aus­si exprimé auprès d’Olivier Véran lorsqu’il s’est ren­du sur le terrain.

J’ai en revanche, c’est vrai, été la pre­mière à martel­er que le meurtre de Thomas était un fait de société. On me tombe dessus pour avoir eu le courage de dire les mots. En libérant la parole à ce sujet, j’ai, je crois, per­mis de lever cer­tains tabous. J’en veux pour preuve les récentes déc­la­ra­tions du min­istre de l’Intérieur ou de Fabi­en Rous­sel qui ont récem­ment recon­nu l’existence du racisme anti-Blanc.

Si on ne veut pas voir la réal­ité telle qu’elle est, jamais les bonnes poli­tiques ne pour­ront être mis­es en place.

Depuis vos déc­la­ra­tions, cer­tains médias d’extrême-gauche tels que Street­Press ou encore Blast vous accusent d’être « d’extrême droite » et d’exacerber les ten­sions au rythme de « fakes news ». Que leur répondez-vous ?

Moi je suis maire avant tout. À par­tir du moment où vous décrivez une réal­ité qui dérange, que l’on a pas envie de voir, on vous met une éti­quette poli­tique sur le front pour essay­er de vous faire taire, min­imiser vos pro­pos ou d’en extraire toute la substance.

Vous savez, ils peu­vent tou­jours con­tin­uer, cela ne chang­era rien pour moi. Je n’ai pas besoin d’étiquette poli­tique pour décrire ce qu’il se passe et ce qu’est la réal­ité du quo­ti­di­en. Et je ne par­le pas seule­ment de mon ter­ri­toire. On me reproche en réal­ité d’avoir eu le courage de dire ce qu’il se passe. Mais dans les faits, les vrais gens, ceux qui vivent dans nos ter­ri­toires, me remer­cient. Je dois aujourd’hui être à plus de 5000 mails et cour­ri­ers reçus pour m’encourager et me remerci­er !  Et dans ces cour­ri­ers, voilà ce que les gens m’écrivent : « Enfin, vous au moins, vous dites ce qu’est notre quotidien ».

Pro­pos recueil­lis par Lorelei Bancharel

Cet entre­tien fait par­tie de notre dossier Crépol, la con­tre-enquête réservé à nos dona­teurs. Tout dona­teur reçoit ce dossier numérique. L’Observatoire du jour­nal­isme (OJIM) a besoin de 15.000 euros pour son bud­get jusqu’à l’automne. Tous les dons don­nent droit à un reçu fis­cal de 66%. Tous les dons à par­tir de 100€ reçoivent dédi­cacé le livre choc de François Bous­quet sur le racisme antiblanc qui vient de paraître. Vous voulez être infor­més sur ceux qui vous infor­ment ? Aidez-nous.

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