L’allocation pour frais d’emploi des journalistes (7 650 €) est de nouveau ciblée. Un amendement en commission des finances du projet de loi de finances 2026 a proposé d’en réserver le bénéfice aux revenus inférieurs à 3,5 SMIC (≈ 75 676 € brut/an). Retour sur un avantage souvent évoqué, son mécanisme, ses plafonds actuels, son coût budgétaire ainsi que sur les critiques qu’il suscite.
La mesure concerne les salariés relevant du champ « journaliste et assimilés » : aujourd’hui, 7 650 € sont exonérés au titre de frais d’emploi, en plus de l’abattement de 10 % commun, sous conditions de revenus (plafond fixé en 2019). Le gouvernement évalue le coût annuel autour de 50 millions d’euros.
Ce que prévoit le droit en vigueur pour les journalistes
Le dispositif figure à l’article 81 du Code général des impôts : 7 650 € sont réputés couvrir des frais professionnels difficiles à justifier sans porter atteinte au secret des sources. Il s’applique aux rémunérations issues de l’activité journalistique effective, n’est pas cumulable avec les « frais réels » (sauf frais non couverts) et reste réservé aux revenus bruts annuels ≤ 93 510 € depuis la loi de finances de 2019. Concrètement, le montant net imposable est diminué de 7 650 € avant application du barème. Exemple simple : un salaire brut annuel de 45 000 € ouvre droit à la déduction intégrale si l’activité est régulière et dans le périmètre défini par l’administration.
Ce que changerait l’amendement « 3,5 SMIC »
Un amendement porté en commission des finances par La France insoumise a abaissé, à la fin du mois d’octobre 2025, le plafond d’éligibilité à 3,5 SMIC, soit 75 676 € brut/an. L’objectif affiché : concentrer l’exonération sur les rémunérations « modestes ou modérées » et réduire le coût d’un dispositif jugé « trop peu ciblé ». Il convient de rappeler que si ces chiffres peuvent paraître élevés, près de la moitié de la profession exerce en région parisienne et est donc confrontée à un coût de la vie élevé.
Si ce seuil entrait en vigueur, un journaliste au-delà perdrait l’exonération de 7 650 €, ce qui augmenterait mécaniquement son revenu imposable. Alors que la mouture du texte de la commission a été rejetée en commission, le sort définitif d’un tel amendement, discuté en séance, dépendra des votes des parlementaires et d’une éventuelle position du gouvernement en plénière.
Questions, pétition et cadrage budgétaire
Le sénateur Joshua Hochart (RN) avait déjà interrogé officiellement Bercy le 30 janvier 2025 sur l’utilité actuelle du dispositif, l’équité entre les professions et les économies potentielles en cas de suppression du dispositif.
La réponse du ministère évoquait alors la spécificité des frais et le secret des sources. Le coût total de la niche est alors estimé « de l’ordre de 50 M€ ».
Souvent décriés pour leur manque d’objectivité ou pour ne pas refléter la diversité d’opinion en France, notamment les idées de droite, les journalistes voient régulièrement leur avantage fiscal être mis sur le devant de la scène. Une pétition officielle sur le site de l’Assemblée réclame même la fin pure et simple de la niche, mais faute d’une communication importante, celle-ci n’a pas décollé. Il faut dire que peu de médias sont tentés de relayer ce type d’initiatives !
Rodolphe Chalamel
Comprendre comment fonctionne la niche fiscale en pratique :
- Éligibilité : exercice régulier d’une activité journalistique (salariée) dans le périmètre fiscal défini.
- Calcul : déduire 7 650 € une seule fois de l’ensemble des rémunérations journalistiques de l’année ; ne pas cumuler avec « frais réels » complets.
- Plafond actuel : 93 510 € brut/an ; projet : 3,5 SMIC.
- Arbitrage : si vos frais réels documentés dépassent nettement 7 650 € (et l’abattement de 10 %), l’option « frais réels » peut devenir plus avantageuse, mais sans l’allocation.
Le rabot envisagé ne supprime pas l’allocation mais resserre l’accès. La balle est désormais dans le camp de l’Assemblée en séance, puis du Sénat. Dans une période de chasse à l’économie, la profession pourrait voir un de ses avantages être rogné, d’autant que l’opinion ne ménage pas les journalistes et la presse. Reste à voir comment réagiront les élus dont le vote pourrait être scruté de près… par les journalistes !


















