Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Décret sur les aides à la presse : les syndicats de journalistes veulent préserver leurs privilèges

13 juin 2025

Temps de lecture : 3 minutes
Accueil | Veille médias | Décret sur les aides à la presse : les syndicats de journalistes veulent préserver leurs privilèges

Décret sur les aides à la presse : les syndicats de journalistes veulent préserver leurs privilèges

Temps de lecture : 3 minutes

Un décret pub­lié le 2 juin 2025 sus­cite l’opposition des syn­di­cats de jour­nal­istes, qui craig­nent qu’il per­me­tte à des pub­li­ca­tions sans jour­nal­istes pro­fes­sion­nels de béné­fici­er d’aides publiques. Le min­istère de la Cul­ture défend une approche équili­brée pour soutenir la presse spécialisée.

Levée de boucliers

La pub­li­ca­tion d’un décret mod­i­fi­ant les con­di­tions d’attribution des aides à la presse a provo­qué une lev­ée de boucliers de la part des syn­di­cats SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Jour­nal­istes, SGJ-FO et de plusieurs asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles. Ce texte, qui révise un décret de 2021 jamais appliqué, est au cœur d’un débat sur la déf­i­ni­tion du jour­nal­isme et l’éligibilité aux aides publiques, telles que le taux de TVA réduit à 2,1 %, les tar­ifs postaux préféren­tiels ou l’accès au Fonds stratégique pour le développe­ment de la presse. Cette con­tro­verse fait écho à la crise de Sci­ence & Vie en 2020, où une rédac­tion vidée de ses jour­nal­istes après un rachat par Reworld Media avait con­duit à une réflex­ion sur les critères d’attribution de ces aides.

Un décret controversé

Le décret de 2021 (n°2021–1746) dis­po­sait qu’une pub­li­ca­tion devait s’appuyer sur une « équipe rédac­tion­nelle com­posée de jour­nal­istes pro­fes­sion­nels » pour béné­fici­er des aides, dans le but de garan­tir un traite­ment jour­nal­is­tique rigoureux (recherche, col­lecte, véri­fi­ca­tion et mise en forme de l’information). Cepen­dant, ce texte n’a jamais été appliqué, faute de con­sen­sus sur ses modal­ités, selon la Direc­tion générale des médias et des indus­tries cul­turelles (DGMIC). Le nou­veau décret, atten­du le 2 juin 2025, pro­pose une refor­mu­la­tion : « Le car­ac­tère jour­nal­is­tique du traite­ment de l’information est appré­cié au regard de la com­po­si­tion de l’équipe rédac­tion­nelle, de la taille de l’entreprise éditrice, de l’objet de la pub­li­ca­tion et de sa péri­od­ic­ité. » Il pré­cise que ce car­ac­tère est « réputé établi » si le con­tenu est pro­duit par des jour­nal­istes pro­fes­sion­nels ou par des agences de presse agréées.

Ce change­ment élar­git les critères d’éligibilité, per­me­t­tant à des pub­li­ca­tions rédigées par des experts non-jour­nal­istes, comme dans la presse médi­cale ou juridique, de pré­ten­dre aux aides. Env­i­ron 90 pub­li­ca­tions imprimées et 50 titres en ligne, dont Caviar Mag­a­zine ou 2CV Xpert, auraient déjà béné­fi­cié de déro­ga­tions depuis 2021, selon les syndicats.

Les syndicats jaloux de leurs privilèges

Les syn­di­cats dénon­cent une for­mu­la­tion « alam­biquée » qui pour­rait per­me­t­tre à des édi­teurs de con­tourn­er la loi Cres­sard, imposant une rémunéra­tion salar­i­ale pour les jour­nal­istes, en recourant à des rédac­teurs payés en droits d’auteur. Ils craig­nent que ce texte n’ouvre la voie à une pré­cari­sa­tion accrue de la pro­fes­sion et à une déval­ori­sa­tion du jour­nal­isme. Ils deman­dent l’abandon du décret et une représen­ta­tion syn­di­cale à la Com­mis­sion par­i­taire des pub­li­ca­tions et agences de presse (CPPAP).

De son côté, le min­istère de la Cul­ture argue que le décret vise à pro­téger des pub­li­ca­tions spé­cial­isées con­tribuant au débat démoc­ra­tique, tout en préser­vant l’esprit ini­tial du texte de 2021. Cather­ine Chagniot, de la Fédéra­tion nationale de la presse d’information spé­cial­isée, sou­tient que ces revues, sou­vent rédigées par des experts, ne devraient pas être pénalisées.

Face à une pro­fes­sion en pleine muta­tion et encore large­ment dépen­dante des aides publiques comme peut en témoign­er notre info­gra­phie des aides à la presse en 2023, l’enjeu est de préserv­er le mod­èle priv­ilé­giant le statut des jour­nal­istes con­tre la presse spécialisée.

Rodolphe Cha­la­mel

Mots-clefs :

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés