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African Initiative : un outil d’influence russe en Afrique

27 juin 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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African Initiative : un outil d’influence russe en Afrique

Temps de lecture : 4 minutes

Lancée en 2023, African Ini­tia­tive se présente comme une agence de presse rus­so-africaine, mais sert essen­tielle­ment de relais de pro­pa­gande russe en Afrique de l’Ouest. En exploitant réseaux soci­aux et « soft pow­er », elle ren­force l’influence russe face au déclin français.

Depuis le som­met Russie-Afrique de Sotchi en 2019, la Russie inten­si­fie sa présence en Afrique, notam­ment dans l’Alliance des États du Sahel (AES) regroupant le Mali, le Niger et le Burk­i­na Faso.

Une implantation russe ciblée en Afrique de l’Ouest

Ces pays, dirigés par des juntes mil­i­taires, ont rompu avec la France, cri­ti­quant son passé colo­nial et ses inter­ven­tions mil­i­taires qual­i­fiées d’inefficaces con­tre le djihadisme.

La Russie comble ce vide via des accords mil­i­taires, comme le déploiement de l’Africa Corps, suc­cesseur du groupe Wag­n­er, et des ini­tia­tives médi­a­tiques. Au Burk­i­na Faso, par exem­ple, African Ini­tia­tive sou­tient des asso­ci­a­tions locales pour pro­mou­voir une image pos­i­tive de Moscou.

African Initiative : un média de l’après Wagner

Créée en sep­tem­bre 2023, un mois après la mort d’Evgueni Prigo­jine, African Ini­tia­tive se revendique comme un « pont d’information » entre la Russie et l’Afrique. Basée à Moscou, elle est dirigée par Arty­om Kureev, soupçon­né d’appartenir au FSB, et Vik­tor Lukovenko, ex-mem­bre de Wag­n­er. Son con­tenu, dif­fusé en plusieurs langues sur Telegram (70 000 abon­nés), Face­book, Tik­Tok et le site afrinz.ru, mêle arti­cles pro-russ­es et nar­rat­ifs anti-occi­den­taux, dénonçant le « néo­colo­nial­isme » français et américain.

L’agence utilise des tech­niques avancées, comme le réseau « AI-Freak », qui génère des con­tenus par IA pour inon­der les plate­formes africaines. Elle organ­ise aus­si des événe­ments cul­turels, comme des tournois de sam­bo ou des con­férences, pour s’ancrer locale­ment. Mal­gré une audi­ence lim­itée (35 000 vis­ites men­su­elles sur afrinz.ru), son impact s’inscrit dans une stratégie de long terme et par­ticipe d’une stratégie d’influence plus large mêlant canaux Telegram comme Intel Sla­va et comptes X.

Pas de VPN pour African initiative

Là où Rus­sia Today aura une démarche plus jour­nal­is­tique, African Ini­tia­tive jouera à fond la carte de la pro­pa­gande. Con­traire­ment à RFI ou France 24 et même dans un autre style la revue Jeune Afrique, qui adoptent un posi­tion­nement médi­a­tique clas­sique et qui ont été évincés de cer­tains pays du Sahel, les sphères d’informations russ­es dont African Ini­tia­tive exploitent habile­ment les réseaux soci­aux pour touch­er les jeunes généra­tions quitte à pro­pos­er des con­tenus par­fois sim­plistes et car­i­cat­u­raux plus adap­tés aux for­mats des réseaux soci­aux. Le niveau des arti­cles est par­fois très médiocre et décrit une lune de miel rus­so-africaine qui sem­ble exis­ter surtout dans les états-majors des juntes alliés à Moscou.

La Russie a ain­si su mul­ti­pli­er ses canaux d’influence. En plus d’un canal médi­a­tique plus con­ven­tion­nel comme RT, elle dis­pose de Sput­nik, plus offen­sif et enfin d’African ini­tia­tive qui verse dans l’influence directe. Eton­nement, alors que les site de RT et Sput­nik sont blo­qués en France et fréquen­tés grâce à des VPN, African Ini­tia­tive n’a pas fait l’objet d’une telle mesure.

Gros sel russe et le recul de la France

La Russie cap­i­talise sur le ressen­ti­ment anti-français en Afrique fran­coph­o­ne pour éten­dre son influ­ence. En s’appuyant sur des relais médi­a­tiques comme African Ini­tia­tive et des fig­ures locales, Moscou promeut un dis­cours anti-occi­den­tal qui trou­ve écho dans des pays en quête de sou­veraineté mais aus­si dans les dias­po­ra africaines en France. Ce « soft pow­er », pas tou­jours très léger, s’accompagne d’une présence mil­i­taire accrue, en dépit des échecs mil­i­taires de l’Africa Corps, con­trastant avec le déclin de l’influence française. La France, cri­tiquée pour sa « Françafrique » peine à con­tr­er cette offen­sive infor­ma­tion­nelle. La faute en par­tie à son passé colo­nial, à sa cul­ture de la repen­tance et à son inca­pac­ité à se met­tre au niveau de son interlocuteur.

African Ini­tia­tive illus­tre la stratégie bicéphale de la Russie en Afrique : une com­bi­nai­son de pro­jec­tion mil­i­taire et d’influence médi­a­tique. Face à un nar­ratif anti-occi­den­tal séduisant, la France doit repenser sa diplo­matie et sa com­mu­ni­ca­tion pour regag­n­er du ter­rain, et prob­a­ble­ment accepter de ren­tr­er dans l’arène de l’influence.

Pour envis­ager un tel revire­ment il fau­dra prob­a­ble­ment atten­dre de savoir l’identité du suc­cesseur d’Emmanuel Macron.

Rodolphe Cha­la­mel

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