Lancée en 2023, African Initiative se présente comme une agence de presse russo-africaine, mais sert essentiellement de relais de propagande russe en Afrique de l’Ouest. En exploitant réseaux sociaux et « soft power », elle renforce l’influence russe face au déclin français.
Depuis le sommet Russie-Afrique de Sotchi en 2019, la Russie intensifie sa présence en Afrique, notamment dans l’Alliance des États du Sahel (AES) regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Une implantation russe ciblée en Afrique de l’Ouest
Ces pays, dirigés par des juntes militaires, ont rompu avec la France, critiquant son passé colonial et ses interventions militaires qualifiées d’inefficaces contre le djihadisme.
La Russie comble ce vide via des accords militaires, comme le déploiement de l’Africa Corps, successeur du groupe Wagner, et des initiatives médiatiques. Au Burkina Faso, par exemple, African Initiative soutient des associations locales pour promouvoir une image positive de Moscou.
African Initiative : un média de l’après Wagner
Créée en septembre 2023, un mois après la mort d’Evgueni Prigojine, African Initiative se revendique comme un « pont d’information » entre la Russie et l’Afrique. Basée à Moscou, elle est dirigée par Artyom Kureev, soupçonné d’appartenir au FSB, et Viktor Lukovenko, ex-membre de Wagner. Son contenu, diffusé en plusieurs langues sur Telegram (70 000 abonnés), Facebook, TikTok et le site afrinz.ru, mêle articles pro-russes et narratifs anti-occidentaux, dénonçant le « néocolonialisme » français et américain.
L’agence utilise des techniques avancées, comme le réseau « AI-Freak », qui génère des contenus par IA pour inonder les plateformes africaines. Elle organise aussi des événements culturels, comme des tournois de sambo ou des conférences, pour s’ancrer localement. Malgré une audience limitée (35 000 visites mensuelles sur afrinz.ru), son impact s’inscrit dans une stratégie de long terme et participe d’une stratégie d’influence plus large mêlant canaux Telegram comme Intel Slava et comptes X.
Pas de VPN pour African initiative
Là où Russia Today aura une démarche plus journalistique, African Initiative jouera à fond la carte de la propagande. Contrairement à RFI ou France 24 et même dans un autre style la revue Jeune Afrique, qui adoptent un positionnement médiatique classique et qui ont été évincés de certains pays du Sahel, les sphères d’informations russes dont African Initiative exploitent habilement les réseaux sociaux pour toucher les jeunes générations quitte à proposer des contenus parfois simplistes et caricaturaux plus adaptés aux formats des réseaux sociaux. Le niveau des articles est parfois très médiocre et décrit une lune de miel russo-africaine qui semble exister surtout dans les états-majors des juntes alliés à Moscou.
La Russie a ainsi su multiplier ses canaux d’influence. En plus d’un canal médiatique plus conventionnel comme RT, elle dispose de Sputnik, plus offensif et enfin d’African initiative qui verse dans l’influence directe. Etonnement, alors que les site de RT et Sputnik sont bloqués en France et fréquentés grâce à des VPN, African Initiative n’a pas fait l’objet d’une telle mesure.
Gros sel russe et le recul de la France
La Russie capitalise sur le ressentiment anti-français en Afrique francophone pour étendre son influence. En s’appuyant sur des relais médiatiques comme African Initiative et des figures locales, Moscou promeut un discours anti-occidental qui trouve écho dans des pays en quête de souveraineté mais aussi dans les diaspora africaines en France. Ce « soft power », pas toujours très léger, s’accompagne d’une présence militaire accrue, en dépit des échecs militaires de l’Africa Corps, contrastant avec le déclin de l’influence française. La France, critiquée pour sa « Françafrique » peine à contrer cette offensive informationnelle. La faute en partie à son passé colonial, à sa culture de la repentance et à son incapacité à se mettre au niveau de son interlocuteur.
African Initiative illustre la stratégie bicéphale de la Russie en Afrique : une combinaison de projection militaire et d’influence médiatique. Face à un narratif anti-occidental séduisant, la France doit repenser sa diplomatie et sa communication pour regagner du terrain, et probablement accepter de rentrer dans l’arène de l’influence.
Pour envisager un tel revirement il faudra probablement attendre de savoir l’identité du successeur d’Emmanuel Macron.
Rodolphe Chalamel