La vague de reconnaissances d’un État palestinien par plusieurs pays occidentaux, menés par la France, a été fortement saluée par les milieux politiques et médiatiques dans le monde arabe. Mais personne ne se fait d’illusion sur un dénouement imminent du conflit après ces décisions « historiques ». Plusieurs chroniqueurs et commentateurs de presse estiment que la priorité était de « mettre fin à la guerre » qui a fait des milliers de victimes.
« Une victoire diplomatique »
Fait saillant, les médias inféodés aux régimes peu enthousiastes pour la cause palestinienne ou catalogués comme « proaméricains » ont été les premiers à applaudir les annonces faites par les capitales occidentales et à saluer « une victoire diplomatique ». L’occasion sans doute pour eux de se faire bonne conscience auprès d’une opinion locale, largement déçue par le silence – complice ou forcé – de ces régimes face aux événements tragiques qui secouent la bande de Gaza depuis plus de deux ans.
C’est le cas de Charq Al-Awsat, quotidien à capitaux saoudiens paraissant à Londres, qui reprend en titre la réaction, à chaud, du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas :
« La décision de la France, une victoire pour le droit palestinien. »
Sur la même lignée, le quotidien progouvernemental égyptien Al-Ahram met en exergue une déclaration du président Abdelfattah Sissi dans laquelle celui-ci réitère la position officielle de son pays en faveur d’une solution à deux États. Dans un éditorial, le plus ancien journal cairote salue l’engagement « courageux » du président français – et des autres dirigeants occidentaux –, mais sans faire dans l’excès. La presse égyptienne a appris, ces derniers temps, à traiter la question palestinienne avec un certain détachement.
« Arrêter d’abord la guerre ! »
Les médias émiratis, pourtant réputés anti-Hamas et ouvertement pro-normalisation, ont accueilli la nouvelle avec un enthousiasme qui frise parfois l’excès de zèle. C’est ce que les lecteurs peuvent ressentir en parcourant, par exemple, le site Emarat Al-Youm. Proche de la famille régnante à Abu Dhabi, ce média se veut iconoclaste en osant ce titre : « La France reconnaît l’État palestinien. Priorité : arrêter la guerre de Gaza. »
Plus agressive, la presse évoluant dans l’orbite qatarie, dont une partie parait en Turquie, rappelle, à l’occasion, « la part de responsabilité » des puissances occidentales, y compris celles ayant annoncé leur reconnaissance d’un État palestinien, dans le conflit actuel. Dans son compte-rendu du 22 septembre, le quotidien Al-Arabi Al-Jadeed parle d’un « moment historique » qu’il faudrait saisir pour exiger un cessez-le-feu permanent à Gaza, et rappelle « tous les droits » des Palestiniens, dont celui du retour – inadmissible pour les Israéliens.
Même tempo chez Al-Jazeera qui, par la voix de son correspondant à Paris, s’interroge :
« Reconnaissance d’un État palestinien par la France : geste sincère ou tentative de se racheter une crédibilité ? »
Le journal libanais Annahar met l’accent sur la « symbolique » et la « portée limitée immédiate » de la décision. Dans un article d’analyse, ce grand quotidien proche de la droite chrétienne libanaise pointe « l’absence trêve durable et de mécanismes de mise en œuvre ».
Le plan Trump a‑t-il enterré l’initiative de Macron ?
La presse palestinienne (Ramallah) a loué l’engagement de la France pour faire avancer la cause palestinienne, mais tout en se gardant d’être euphorique. Exemple d’un compte-rendu de l’intervention d’Emmanuel Macron à New York : le site d’information Al-Quds (modéré) qui titre, sur un ton sceptique :
« Macron réussira-t-il à sauver la solution à deux États ou rejoindra-t-il ceux qui ont échoué depuis 80 ans ? »
Une semaine après l’annonce de la reconnaissance d’un État palestinien souverain, les médias arabes se retrouvent comme déroutés par l’annonce, en grande pompe, d’un plan de paix suggéré par Donald Trump, lequel ne prévoit pour l’instant l’instauration d’un État palestinien. Les dirigeants des pays de la région ont unanimement salué le plan américain, décrit comme « la dernière chance » de paix au Proche-Orient. Les médias arabes en font leurs choux gras depuis quelques jours, au point d’oublier l’initiative de Macron.
Mussa A.














