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Kosovo : les médias entre censure et précarité

18 septembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Kosovo : les médias entre censure et précarité

Temps de lecture : 4 minutes

Kosovo : les médias entre censure et précarité

Alors que le prési­dent Emmanuel Macron ne cesse de rap­pel­er la « voca­tion européenne » du Koso­vo, après avoir ouvert, en 2021, la porte à son adhé­sion à l’Union européenne, il est intéres­sant de se pencher sur la sit­u­a­tion des médias dans ce pays, arraché à la Ser­bie, à la ges­tion et aux mœurs poli­tiques régulière­ment pointées du doigt, notam­ment par des ONG de défense des droits de l’homme et des libertés.

Une autocratie liberticide bientôt dans l’UE ?

Le 16 févri­er 2025, à l’oc­ca­sion de la Journée de l’indépen­dance du Koso­vo, Emmanuel Macron a adressé une let­tre au gou­verne­ment koso­var félic­i­tant le pays, réaf­fir­mant « l’en­gage­ment fort de la France envers l’indépen­dance du Koso­vo » et insis­tant sur la « per­spec­tive européenne » de ce dernier.

Pour­tant, en 2025, la sit­u­a­tion de la presse et de la lib­erté des médias au Koso­vo s’est con­sid­érable­ment détéri­orée. En effet, le Koso­vo a chuté de 24 places dans le classe­ment mon­di­al de la lib­erté de la presse établi par Reporters sans fron­tières (RSF), se posi­tion­nant désor­mais au 99ᵉ rang sur 180 pays. Une sit­u­a­tion jugée euphémis­tique­ment « dif­fi­cile » par l’association.

Cette régres­sion est attribuée à plusieurs fac­teurs, le prin­ci­pal étant la volon­té du gou­verne­ment d’Albin Kur­ti de con­trôler les médias et de musel­er les jour­nal­istes, accusés de « rouler pour l’opposition » et de « pactis­er avec l’ennemi » (com­pren­dre : la Ser­bie). Ces attaques, relayées par des groupes poli­tiques et religieux, s’accompagnent générale­ment de cam­pagnes de diffama­tion et d’insultes sur les réseaux soci­aux, visant par­ti­c­ulière­ment les médias indépen­dants et les jour­nal­istes d’investigation.

D’autre part, le gou­verne­ment a placé un proche du par­ti au pou­voir à la tête de la radiotélévi­sion publique RTK et a entamé une réforme con­tro­ver­sée de la « Com­mis­sion indépen­dante des médias » (IMC), le régu­la­teur des médias, restreignant encore davan­tage son indépendance.

Les agres­sions physiques, men­aces et intim­i­da­tions con­tre les jour­nal­istes sont égale­ment fréquentes et les enquêtes sur ces attaques, lorsqu’elles sont engagées par la police et le par­quet, aboutis­sent rarement à des con­damna­tions, ren­forçant un délétère cli­mat d’impunité.

Voir aus­si : David Petraeus – ex-chef de la CIA, nou­veau mag­nat des médias en Europe de l’Est. L’enquête complète

Précarité des médias indépendants et discrimination antiserbe

Les médias indépen­dants peinent à attein­dre une sta­bil­ité finan­cière, ce qui com­pro­met leur indépen­dance édi­to­ri­ale et peut men­er à des ten­ta­tives de désta­bil­i­sa­tion via des opéra­tions de « cor­rup­tion » ou à des ges­tions finan­cières par­ti­c­ulière­ment opaques. Cette pré­car­ité récur­rente est aujourd’hui exac­er­bée par le récent arrêt de l’aide améri­caine. La baisse des revenus pub­lic­i­taires favorise égale­ment l’au­to­cen­sure face aux annon­ceurs et aux pres­sions politiques.

Par ailleurs, les médias en langue serbe, représen­tant la minorité con­sti­tu­tion­nelle (env­i­ron 100 000 per­son­nes, soit 5–6% de la pop­u­la­tion), font face à des dis­crim­i­na­tions dans l’accès à l’information publique, en plus des pres­sions, par­fois même physiques, exer­cées par les divers­es forces poli­tiques. Ain­si, par exem­ple, les com­mu­niqués gou­verne­men­taux, déci­sions judi­ci­aires et actes des ser­vices admin­is­trat­ifs sont très majori­taire­ment rédigés en albanais, sans béné­fici­er de tra­duc­tions con­traire­ment à ce qui est prévu par la loi.

Rece­vant moins de sub­ven­tions publiques que les albanophones, cer­tains médias ser­bo­phones, comme Radio Puls, sont oblig­és de faire appel à des finance­ments serbes, ce qui les expose à des accu­sa­tions de « par­tial­ité » et à des restric­tions ou des inter­dic­tions de diffusion.

RSF souligne que les médias indépen­dants ser­bo­phones ne sur­vivraient pas sans aides internationales.

Un environnement global dégradé pour la liberté de la presse

Si la sit­u­a­tion des médias au Koso­vo sem­ble par­ti­c­ulière­ment préoc­cu­pante, il faut not­er qu’elle s’inscrit, hélas, dans un phénomène général de dégra­da­tion de la lib­erté de la presse dans le monde.

En effet, selon un rap­port du groupe de réflex­ion Inter­na­tion­al IDEA cité par le Figaro, la lib­erté de la presse s’est con­sid­érable­ment dégradée depuis cinq ans dans le monde et a touché son point le plus bas en 50 ans. Ain­si, la lib­erté des médias se serait dégradée dans 43 pays répar­tis sur tous les con­ti­nents, dont 15 en Afrique et 15 en Europe.

« Nous n’avons jamais observé une détéri­o­ra­tion aus­si grave d’un indi­ca­teur clé de la san­té démoc­ra­tique », pré­cise Kevin Casas-Zamo­ra, secré­taire général d’Inter­na­tion­al IDEA.

Une ten­dance inquié­tante dont on peine à dis­cern­er les pos­si­bles per­spec­tives d’amélioration dans un con­texte de rad­i­cal­i­sa­tion des cli­vages poli­tiques, de mul­ti­pli­ca­tion des ten­ta­tives de cen­sure au nom de la « lutte con­tre la dés­in­for­ma­tion » et de con­cen­tra­tion oli­garchique des médias.

Xavier Eman

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