Alors que le président Emmanuel Macron ne cesse de rappeler la « vocation européenne » du Kosovo, après avoir ouvert, en 2021, la porte à son adhésion à l’Union européenne, il est intéressant de se pencher sur la situation des médias dans ce pays, arraché à la Serbie, à la gestion et aux mœurs politiques régulièrement pointées du doigt, notamment par des ONG de défense des droits de l’homme et des libertés.
Une autocratie liberticide bientôt dans l’UE ?
Le 16 février 2025, à l’occasion de la Journée de l’indépendance du Kosovo, Emmanuel Macron a adressé une lettre au gouvernement kosovar félicitant le pays, réaffirmant « l’engagement fort de la France envers l’indépendance du Kosovo » et insistant sur la « perspective européenne » de ce dernier.
Pourtant, en 2025, la situation de la presse et de la liberté des médias au Kosovo s’est considérablement détériorée. En effet, le Kosovo a chuté de 24 places dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), se positionnant désormais au 99ᵉ rang sur 180 pays. Une situation jugée euphémistiquement « difficile » par l’association.
Cette régression est attribuée à plusieurs facteurs, le principal étant la volonté du gouvernement d’Albin Kurti de contrôler les médias et de museler les journalistes, accusés de « rouler pour l’opposition » et de « pactiser avec l’ennemi » (comprendre : la Serbie). Ces attaques, relayées par des groupes politiques et religieux, s’accompagnent généralement de campagnes de diffamation et d’insultes sur les réseaux sociaux, visant particulièrement les médias indépendants et les journalistes d’investigation.
D’autre part, le gouvernement a placé un proche du parti au pouvoir à la tête de la radiotélévision publique RTK et a entamé une réforme controversée de la « Commission indépendante des médias » (IMC), le régulateur des médias, restreignant encore davantage son indépendance.
Les agressions physiques, menaces et intimidations contre les journalistes sont également fréquentes et les enquêtes sur ces attaques, lorsqu’elles sont engagées par la police et le parquet, aboutissent rarement à des condamnations, renforçant un délétère climat d’impunité.
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Précarité des médias indépendants et discrimination antiserbe
Les médias indépendants peinent à atteindre une stabilité financière, ce qui compromet leur indépendance éditoriale et peut mener à des tentatives de déstabilisation via des opérations de « corruption » ou à des gestions financières particulièrement opaques. Cette précarité récurrente est aujourd’hui exacerbée par le récent arrêt de l’aide américaine. La baisse des revenus publicitaires favorise également l’autocensure face aux annonceurs et aux pressions politiques.
Par ailleurs, les médias en langue serbe, représentant la minorité constitutionnelle (environ 100 000 personnes, soit 5–6% de la population), font face à des discriminations dans l’accès à l’information publique, en plus des pressions, parfois même physiques, exercées par les diverses forces politiques. Ainsi, par exemple, les communiqués gouvernementaux, décisions judiciaires et actes des services administratifs sont très majoritairement rédigés en albanais, sans bénéficier de traductions contrairement à ce qui est prévu par la loi.
Recevant moins de subventions publiques que les albanophones, certains médias serbophones, comme Radio Puls, sont obligés de faire appel à des financements serbes, ce qui les expose à des accusations de « partialité » et à des restrictions ou des interdictions de diffusion.
RSF souligne que les médias indépendants serbophones ne survivraient pas sans aides internationales.
Un environnement global dégradé pour la liberté de la presse
Si la situation des médias au Kosovo semble particulièrement préoccupante, il faut noter qu’elle s’inscrit, hélas, dans un phénomène général de dégradation de la liberté de la presse dans le monde.
En effet, selon un rapport du groupe de réflexion International IDEA cité par le Figaro, la liberté de la presse s’est considérablement dégradée depuis cinq ans dans le monde et a touché son point le plus bas en 50 ans. Ainsi, la liberté des médias se serait dégradée dans 43 pays répartis sur tous les continents, dont 15 en Afrique et 15 en Europe.
« Nous n’avons jamais observé une détérioration aussi grave d’un indicateur clé de la santé démocratique », précise Kevin Casas-Zamora, secrétaire général d’International IDEA.
Une tendance inquiétante dont on peine à discerner les possibles perspectives d’amélioration dans un contexte de radicalisation des clivages politiques, de multiplication des tentatives de censure au nom de la « lutte contre la désinformation » et de concentration oligarchique des médias.
Xavier Eman


















