Le 1ᵉʳ septembre 2025, Graham Linehan, scénariste et réalisateur irlandais de 57 ans, auteur de plusieurs séries diffusées par la télévision britannique, a été arrêté à son arrivée à Heathrow en provenance d’Arizona. Cinq policiers armés l’attendaient pour l’accompagner à sa sortie de l’avion et l’emmener au commissariat afin de l’interroger après un court séjour en cellule.
Trois messages postés sur X
Il ne s’agit pas d’un énième complot terroriste déjoué à temps par les autorités mais de trois messages postés sur X (anciennement Twitter) en avril. Dans l’un des messages incriminés, Linehan avait écrit que « si un homme transgenre se trouve dans un espace réservé aux femmes, il commet un acte violent et abusif. Faites du bruit, appelez la police et, si tout le reste échoue, frappez-le dans les parties. »
Libéré sous caution après son interrogatoire qui a dû être interrompu pour l’emmener à l’hôpital pour cause de trop forte tension artérielle, sans doute sous le coup de l’émotion, Linehan s’est vu interdire par la police de Sa Majesté d’aller sur X et de s’exprimer publiquement tant qu’il se trouverait sur le territoire britannique, avec l’ordre de se représenter pour un nouvel interrogatoire en octobre.
« Policing streets not tweets »
Si ce type d’arrestations est de plus en plus courant au Royaume-Uni, le fait qu’il s’agisse d’un personnage connu du grand public a cette fois fait réagir. « Keir Starmer veut que la police “se concentre sur le maintien de l’ordre dans les rues et non sur les tweets” », a ainsi déclaré Wes Streeting, le ministre de la Santé. En anglais, le ministre a utilisé les mots « policing streets and not tweets », ce qui est un slogan récurrent des défenseurs de la liberté d’expression et du droit à vivre en sécurité dans son pays. En l’occurrence, même ce ministre travailliste estime que les lois qui affectent la liberté d’expression doivent être revues.
30 arrestations par jour
On a en effet aujourd’hui au Royaume-Uni plus de 30 arrestations par jour pour des messages publiés sur les médias sociaux, selon un rapport obtenu par The Times et relayé par la Free Speech Union (l’Union pour la liberté de parole). Ainsi que l’écrivait The European Conservative qui publiait cette information en avril dernier, « parmi les exemples récents, on peut citer deux parents du Hertfordshire qui ont reçu la visite de la police après avoir critiqué l’éducation de leur fille dans un groupe WhatsApp de l’école. » Cet article citait également une phrase de Jake Hurfurt du groupe Big Brother Watch, qui reflète une critique très souvent entendue dans les médias britanniques, notamment – mais pas uniquement – de droite : « La police semble perdre un temps considérable à arrêter des personnes pour avoir publié en ligne des contenus qui, bien que choquants, ne sont pas illégaux. Le recours abusif à des infractions vagues en matière de communication menace la liberté d’expression en ligne de chacun. »
Anarcho-tyrannie mode british
Après l’arrestation de Graham Linehan à l’aéroport de Heathrow comme on aurait arrêté un dangereux terroriste, Allister Heath, un des commentateurs vedettes du journal conservateur Daily Telegraph, affirmait dans son éditorial du 3 septembre intitulé « La Grande-Bretagne de Starmer sombre dans l’anarcho-tyrannie » que « même Nigel Farage, qui a témoigné devant le Congrès américain, n’a pas exprimé toute l’horreur de ce qui se passe au Royaume-Uni. »
Début septembre, une audition du U.S. House Judiciary Committee avait en effet lieu, qui s’est intéressée à l’Online Safety Act (OSA) britannique ainsi qu’au Digital Services Act (DSA) de l’Union européenne. Comme le signalait déjà l’Observatoire du journalisme dans un article de mai dernier sur l’offensive de la gauche radicale contre la télévision d’information en continu GB News, « la question s’est même invitée dans les négociations commerciales entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Des responsables américains ont exprimé leur préoccupation quant aux nouvelles responsabilités de l’Ofcom en tant que régulateur d’Internet, craignant que cela n’ouvre la voie à une censure légalisée. L’Online Safety Act 2023 ne se contente en effet pas d’apporter une protection bienvenue des mineurs contre l’accès aux sites pornographiques, mais il prétend réguler aussi bien d’autres contenus. Une régulation excessive pourrait, selon les Américains, dissuader les investissements technologiques et médiatiques transatlantiques. »
Nigel Farage au Congrès
L’invité vedette des auditions de la première semaine de septembre au Congrès était Nigel Farage, tandis que le Français Thierry Breton, ancien commissaire européen, a préféré décliner l’invitation. Devant la commission du Congrès, Farage a qualifié l’OSA d’« horrible situation autoritaire », allant jusqu’à comparer le Royaume-Uni à la Corée du Nord sur la question de la liberté. Farage a plaidé pour que les États-Unis exercent des pressions diplomatiques et économiques sur la Grande-Bretagne afin qu’elle réécrive sa loi — sans pour autant encourager des sanctions formelles.
Farage a encore mis en avant des cas emblématiques comme celui, justement, de Graham Linehan, mais aussi de Lucy Connolly, comme symboles d’un État progressant vers la censure généralisée.
Lucy Connolly, ancienne assistante maternelle, avait été arrêtée en août 2024 pour un message publié sur X, le jour du massacre de Southport, incitant à la déportation massive et à l’incendie d’hôtels accueillant des demandeurs d’asile. Un message écrit sous le coup de l’émotion sur un compte peu suivi et qu’elle avait elle-même supprimé après quelques heures. Pour rappel, le 29 juillet 2024, un adolescent de 17 ans né de parents d’origine rwandaise avait perpétré une attaque sanglante lors d’un atelier de danse sur le thème de Taylor Swift à Southport, tuant trois fillettes âgées de 6 à 9 ans et en blessant dix autres, au moyen d’un simple couteau de cuisine. Bien qu’il ait été signalé à plusieurs reprises au programme antiterroriste Prevent, aucune mesure préventive concrète n’avait été prise. Ce massacre avait conduit à une vague de manifestations anti-immigration à travers le pays, parfois violentes, qui avaient été sévèrement réprimées par les tribunaux à la demande du gouvernement.
Condamnée à 31 mois de prison en octobre, Lucy Connolly n’a finalement purgé que 40 % de cette peine avant d’être libérée sous conditions en août 2025. Cependant, la lourdeur de sa condamnation pour un simple tweet a choqué nombre de Britanniques et suscité des critiques sévères, mais pas de la part du Premier ministre Keir Starmer, un ancien procureur, qui a au contraire défendu la sentence. Connolly a rejoint le parti de Farage, Reform UK, à sa sortie de prison. Reform UK est désormais de loin le premier parti en termes d’intentions de vote et il n’est pas exclu que Niger Farage soit le prochain premier ministre du Royaume-Uni. Tout espoir n’est donc pas perdu pour la liberté d’expression chez nos voisins.
Activistes trans
Quant à l’arrestation spectaculaire du scénariste Graham Linehan à Heathrow, il n’est pas anodin que son dénonciateur soit Lynsay Watson, un militant trans et ex-policier, licencié pour faute grave en octobre 2023. Watson, qui se prétend aujourd’hui femme et était alors connu sous son nom d’homme Alex Horwood, avait mené une campagne en ligne de 18 mois ciblant un activiste critique des trans et des groupes comme Fair Cop, les qualifiant de « terroristes intérieurs » et recourant à des comptes bidon pour poursuivre ses attaques, malgré des avertissements officiels. Linehan lui-même a accusé la police britannique, après son arrestation, de « travailler pour les activistes trans ». « Sophie Molly », autre activiste trans qui appartient aujourd’hui au Parti national écossais (SNP) après avoir été expulsée des Verts pour ses insultes à l’égard de JK Rowling, l’auteure de Harry Potter plusieurs fois visée par des menaces de mort pour sa défense des droits des femmes face à l’idéologie du genre, a lui-même publié un tweet dans lequel il affirme : « J’étais au courant du plan pour faire arrêter Graham depuis un moment. C’est super de voir un plan réussir. Merci à mes amis de la mafia souterraine trans. » Un tweet relayé par JK Rowling qui y a ajouté son propre message : « Contexte : cet homme transgenre et fétichiste public s’introduit illégalement dans des espaces réservés aux femmes, publie avec jubilation des photos de lui en train de le faire et ne reçoit aucune visite de la police. »
Patrick Regalski


















