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Médias arabes : grand schisme entre Saoudiens et Émiratis

11 juillet 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Médias arabes : grand schisme entre Saoudiens et Émiratis

Temps de lecture : 4 minutes

Médias arabes : grand schisme entre Saoudiens et Émiratis

Con­tre toute attente, le régime saou­di­en entame le retrait au pays de ses prin­ci­paux médias audio­vi­suels, dont notam­ment les deux chaînes d’information en con­tinu du même groupe, Al-Ara­biya, Al-Hadath, basées à Dubaï, méga­pole con­sid­érée comme une sorte de zone franche ou de base arrière politi­co-médi­a­tique de la monar­chie saoudienne.

Selon Reuters, ces deux médias instal­lés dans le com­plexe Media City, à Dubaï, ont déjà com­mencé à affecter leurs équipes vers Riyad, dans le cadre d’un plan de relo­cal­i­sa­tion qui devrait se pour­suiv­re jusqu’à fin de l’année 2025.

Une relocalisation, à quel prix ?

La déci­sion sem­ble mure­ment réfléchie : tirant les enseigne­ments d’une cohab­i­ta­tion qui leur prof­i­tait de moins en moins, les dirigeants saou­di­ens ont décidé de faire de leur cap­i­tale un nou­veau « hub » région­al. Ils ont même inter­dit aux admin­is­tra­tions publiques de sign­er de nou­veaux con­trats avec des entre­pris­es ayant leur siège à l’étranger. La ques­tion qui se pose est de savoir si les Saou­di­ens pour­raient dis­pos­er de tous les atouts (liaisons avec les étrangers, présen­ta­tri­ces non voilées…) dont ils béné­fi­ci­aient aux Émirats.

Divergences Ryad / Abu Dhabi

En toile de fond, les diver­gences de vue apparues récem­ment entre Riyad et Abu Dhabi sur les grands enjeux géopoli­tiques qui agi­tent la région ont fini par détein­dre sur leurs ori­en­ta­tions médi­a­tiques. Soucieux de préserv­er un posi­tion­nement plus équili­bré, notam­ment sur la ques­tion pales­tini­enne et les rela­tions avec l’Iran, les Saou­di­ens ne s’accommodent plus des engage­ments osten­ta­toires de leurs alliés émi­ratis en faveur de l’État hébreu. Ils ne sup­por­t­ent plus de voir leurs porte-voix médi­a­tiques (instal­lés à Dubaï) con­fon­dus avec les médias émi­ratis et mon­trés du doigt par une par­tie de l’opinion arabe.

Longtemps bro­cardée et décrite comme « un sup­pôt de l’ennemi israélien » par des téléspec­ta­teurs qui lui reprochent de s’attaquer ouverte­ment à « la résis­tance » pales­tini­enne, Al-Ara­biya com­mence depuis peu à tem­pér­er son dis­cours. Elle se mon­tre de plus en plus cri­tique de la poli­tique israéli­enne et, par­al­lèle­ment, fait la part belle aux déc­la­ra­tions occi­den­tales dénonçant les bom­barde­ments. Si cette chaîne con­tin­ue de rap­porter les jus­ti­fi­ca­tions israéli­ennes (le « droit de pro­téger son peu­ple », etc.), elle ne se prive plus aujourd’hui de dire qu’une par­tie de l’opinion inter­na­tionale dés­ap­prou­ve les actions de Tel Aviv.

Une volteface et des questions

Lancée en 2003 pour con­cur­rencer Al-Jazeera, et détenue par le groupe MBC (aujourd’hui large­ment con­trôlé par l’État saou­di­en), Al-Ara­biya s’est rapi­de­ment imposée comme l’une des plus suiv­ies du monde arabe. Assumant une ligne édi­to­ri­ale farouche­ment anti-islamiste, elle a pris le risque de s’aliéner une large frange de la rue arabe au sujet de la ques­tion pales­tini­enne. Le jour­nal israélien Haaretz (joyeuse­ment repris par le site pro-qatari, Al-Estik­lal) rap­pelle, à ce pro­pos, qu’Al-Ara­biya invi­tait régulière­ment des porte-parole de l’armée israéli­enne (Tsa­hal) en plateau, y com­pris son porte-parole, Daniel Hagari, dans les heures qui suiv­aient ses opéra­tions mil­i­taires. Dans les réseaux soci­aux, d’aucuns se demandaient si cette chaîne arabe n’était pas tout sim­ple­ment une « éma­na­tion israéli­enne ». Ils s’‘indignaient aus­si du fait que les jour­nal­istes d’Al-Ara­biya – à l’instar de leurs con­frères des médias émi­ratis – évi­tent d’appeler « mar­tyrs » les Pales­tiniens tués sous les bombardements.

Virulence anti-Netanyahu

Cette ten­dance mar­que un tour­nant dans les cou­ver­tures médi­a­tiques saou­di­ennes en général. Par exem­ple, la chaîne Al-Ekhbariya se dis­tingue par un traite­ment éton­nam­ment vir­u­lent du con­flit israé­lo-pales­tinien. Elle qual­i­fie Benyamin Netanyahu de « Pre­mier min­istre de l’occupation », issu « d’une famille sion­iste extrémiste ». Une telle descrip­tion n’aurait jamais été tolérée il y a quelques mois.

Des bouleversements sans limites dans la région

Dans un arti­cle, Al-Riyadh, quo­ti­di­en pro-gou­verne­men­tal, rap­pelle « le droit du peu­ple pales­tinien à la résis­tance ». Lui emboî­tant le pas, plusieurs titres de la presse locale mul­ti­plient des tri­bunes met­tant en avant la sacral­ité de la cause pales­tini­enne », et affir­mant que la sou­veraineté pales­tini­enne était une « ligne rouge » pour Riyad.

La lev­ée de boucliers avait com­mencé en févri­er dernier, lorsque le Pre­mier min­istre israélien avait sug­géré l’idée de trans­fér­er la pop­u­la­tion de Gaza vers le ter­ri­toire saou­di­en. Tous les médias saou­di­ens ont accusé Netanyahu de « folie ».

La guerre ouverte entre Israël et l’Iran est venue aggraver la frac­ture entre Riyad et Abu Dhabi. Dès le pre­mier jour, le chef de la diplo­matie saou­di­enne a con­damné fer­me­ment les attaques, les qual­i­fi­ant « d’a­gres­sions israéli­ennes fla­grantes » por­tant « atteinte à la sou­veraineté d’un pays frère ».

Pour la pre­mière fois, les médias saou­di­ens, Al-Ara­biya en tête, se mon­traient plus cri­tiques envers Israël et son allié améri­cain qu’Al-Jazeera, porte-éten­dard de « l’axe de la résis­tance ». Les boule­verse­ments dans la région du Moyen-Ori­ent n’ont plus de limites !

Mus­sa A.

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