L’élection le 4 novembre dernier de Zohran Mamdani à la mairie de New York, premier musulman à accéder à ce poste emblématique, est perçue par les médias arabes comme un tournant politique majeur. D’aucuns y voient le signe d’un changement de mentalités sur la question palestinienne au sein de la société américaine.
Séisme mondial ?
La chaîne d’information qatarie Al-Jazeera parle d’un « séisme mondial ». Mettant en relief l’engagement, discursif pour l’instant, du jeune socialiste en faveur de la cause palestinienne, ce média estime que son intronisation à la tête de la plus grande mairie des États-Unis symbolise « une victoire pour les courants progressistes et les minorités » et « une défaite pour les lobbys pro-israéliens ».
« Mamdani est-il des nôtres ? »
Dans un article paru sur le site Internet de la chaîne, Al-Jazeera s’interroge, par ailleurs, si la victoire de Mamdani était « une défaite pour Israël ou une vengeance contre les démocrates ». L’auteur insiste sur le poids déterminant de l’attitude des jeunes électeurs américains envers Israël, forgée par les manifestations antiguerre de ces deux dernières années. Cette victoire peut, selon lui, marquer « un tournant potentiel dans la politique américaine au Moyen-Orient ».
La même chaîne publie une contribution dans la page « Opinions », avec comme titre évocateur : « Un musulman de gauche et pro-Gaza : Zohran Mamdani est-il des nôtres ? »
La chaine rivale à capitaux saoudiens, Al-Arabiya, préfère ne pas trop encenser le nouveau maire. Elle met l’accent sur son opposition au président Donald Trump, et sur le caractère inédit de cette élection, mais élude toute lecture idéologique de l’événement.
Même ton observé chez Sky News Arabiya (Émirats arabes unis). Focus sur les promesses de changement annoncées pendant la campagne électorale, motus sur ses visions internationales, et notamment sur le conflit israélo-palestinien. Pour cette chaîne montante, l’identité religieuse du maire de New York reste un fait secondaire.
« La vache sacrée »
Plus inattendu, le grand quotidien saoudien paraissant à Londres, Al-Charq Al-Awsat, applaudit à l’élection d’un maire d’origine musulmane et pro-palestinien à la mairie de New York. Ce journal, dirigé par un Libanais, Ghassan Cherbel, adopte une ligne de plus en plus conciliante avec la résistance palestinienne, à l’heure où la monarchie saoudienne, sous la férule de Mohamed Ben Salman, donne l’impression de vouloir normaliser ses relations avec Tel-Aviv.
Plus nettement radical, le quotidien libanais de gauche (et proche du Hezbollah), Al-Akhbar, commente la victoire de Zohran Mamadani, avec un titre à la Une : « L’avertissement de New York : Israël n’est plus la vache sacrée ! » Le journal voit dans la montée fulgurante d’un « pro-Palestinien convaincu » un signe d’érosion du soutien inconditionnel à Israël. L’élection de Zohran Mamdane est présentée non pas comme un simple événement démocratique, mais comme « une victoire dans la lutte contre l’influence sioniste en Occident ».
Un signe de diversité, pas plus ?
Al-Akhbar se distingue par sa ligne éditoriale violemment anti-américaine. Il accuse ouvertement l’actuel gouvernement de Nawaf Sallam, et même le président Joseph Aoun, d’appliquer un agenda américain inspiré par le gouvernement israélien. Ce qui a valu à sa direction d’être plusieurs fois interpellée par les autorités.
De son côté, le quotidien pro-qatari et paraissant à Londres, Al-Quds Al-Arabi, parle d’« un tournant historique » et met en lumière les implications de l’élection d’un musulman à la tête d’une ville clé de la politique américaine pour les minorités (notamment noires et musulmanes) vivant aux États-Unis.
La couverture de ce journal – qui a plusieurs fois changé de main et de ligne depuis sa création en 1989 – est plutôt équilibrée, soulignant « la diversité croissante » de la politique américaine, y compris vis-à-vis de l’inextricable conflit du Proche-Orient, mais sans crier « victoire ! ».
Mussa A.


















