À Saint-Malo, Emmanuel Macron a confirmé son projet d’interdire l’accès aux réseaux sociaux « avant 15 ou 16 ans », via une loi déposée « dès janvier ». S’appuyant sur un « consensus scientifique » et sur l’exemple australien, il poursuit sa tournée sur la régulation du numérique, où protection de l’enfance et tentation de contrôle de l’information se mêlent étroitement.
Lors de ce débat organisé avec des lecteurs d’Ouest-France, le président a répété qu’il voulait « imposer à tous les réseaux sociaux la vérification de l’âge », sur le modèle déjà appliqué aux sites pornographiques. Cette nouvelle étape s’inscrit dans le prolongement du « tour de France » présidentiel consacré à « la démocratie à l’épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes », entamé à Toulouse, Arras, Mirecourt puis Saint-Malo.
De la labellisation des médias à l’interdiction des réseaux
Après avoir défendu, en novembre, l’idée d’un label pour distinguer les « bons » médias des autres, Emmanuel Macron se pose désormais en protecteur des mineurs face aux plateformes. L’idée n’est pas nouvelle, sur ses réseaux sociaux, il écrivait déjà le 1ᵉʳ mai 2024 : « Déterminer le bon usage des écrans pour nos enfants, à la maison comme en classe » était l’objet de la commission d’experts « écrans » qu’il avait installée à l’Élysée. Le rapport de cette commission recommandait notamment : « pas d’accès aux réseaux sociaux avant quinze ans ».
La nouveauté tient donc moins au diagnostic qu’à la réponse législative désormais envisagée : vérification d’âge généralisée, possible recours à des documents officiels, à la reconnaissance faciale ou à des interfaces scolaires de type Pronote, comme l’évoquent déjà gouvernement et majorité. Autant de dispositifs qui posent des questions lourdes en matière de vie privée, de traçage des mineurs et, à terme, de liberté d’expression, dans un environnement où l’anonymat deviendra mécaniquement plus fragile.
Un réel problème de société
Ces inquiétudes ne dispensent pas de regarder en face les dégâts des plateformes chez les plus jeunes. Une étude publiée le 8 décembre 2025 par le Karolinska Institutet dans Pediatrics Open Science a suivi plus de 8 000 enfants pendant quatre ans : elle conclut que seul l’usage intensif des réseaux sociaux, et non la télévision ou le jeu vidéo, est associé à une hausse progressive des symptômes d’inattention, avec un temps d’usage moyen passant de 30 minutes à 2 h 30 par jour entre 9 et 13 ans, avec une utilisation d’un smartphone chez les 13 ans qui est massive, plus de 80 %.
Reste la question politique centrale : peut-on, au nom de cette alerte sanitaire bien réelle, instaurer un filtrage massif par l’âge sans ouvrir la voie à un modèle de « société de contrôle » numérique, où l’accès à la parole en ligne serait conditionné à une authentification permanente ?
Sur ce point, le discours présidentiel demeure nettement moins précis que ses promesses de loi liberticides.
Sébastien Hecquart


















