En commission des affaires culturelles, différents membres de l’ARCOM ont été auditionnés le 3 décembre 2025 pour rendre leur avis sur une étude relative à la lutte contre le piratage.
Une commission différente de celle sur le service public
Le 3 décembre 2025, la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale entendait recueillir l’avis de l’ARCOM sur son étude, demandée par le Parlement, relative aux « enjeux et […] instruments de lutte contre le piratage dans les secteurs culturels et sportifs ».
L’audition entendait recueillir l’avis de l’ARCOM sur son étude, demandée par le Parlement, relative aux « enjeux et […] instruments de lutte contre le piratage dans les secteurs culturels et sportifs ». Le président de la commission a indiqué vouloir entendre l’ARCOM sur quatre points : son avis sur les articles relatifs au piratage dans deux propositions de loi du Sénat sur le cinéma et le sport professionnel ; son analyse critique sur les instruments de lutte contre le piratage au regard de leur coût ; son avis sur l’incidence du développement des systèmes de noms de domaine alternatifs et des réseaux privés virtuels sur l’effectivité de son action relative au piratage ; et enfin, son appréciation sur son adaptation au droit européen sur le piratage.
Piratage : retour sur les compétences de l’ARCOM
Le président de l’ARCOM, Martin Ajdari, a d’abord rappelé l’histoire de l’ARCOM, soulignant que dans le contexte de partage illégal et massif de contenus, il avait été mis en place, du temps d’Hadopi, une procédure de prévention en amont des fraudeurs potentiels (dite « réponse graduée »), procédure qui avait fait couler beaucoup d’encre mais s’était révélée selon lui productive. « Cela a permis d’observer une réduction de 40 % des pratiques illégales », s’est-il réjoui avant d’ajouter que s’étaient ensuite imposées les pratiques de téléchargement et de streaming. Avec cette nouvelle donne, « la réponse graduée n’était plus possible ». Les ayants-droits ont pu obtenir des réparations mais les sites miroirs qui ont été créés ensuite ont engendré des contournements de la loi.
Le président de l’ARCOM a ensuite expliqué que c’est face à cette perspective que le législateur a fait évoluer les outils par la loi de 2021 (qui a entraîné la fusion d’Hadopi et du CSA, ex-ARCOM). L’ARCOM a donc vu sa compétence étendue au domaine sportif (2022) et non plus au seul domaine culturel. Si la justice peut demander le blocage des sites sportifs et culturels illégaux, les ayants-droits peuvent désormais se tourner vers l’ARCOM qui peut prolonger les décisions de justice de manière assez rapide. « On a un modèle français de lutte contre le piratage qui combine autorité administrative et judiciaire », a plaidé le président, qui salue cette compétence permettant selon lui une efficacité renforcée en matière de lutte contre le piratage. Un système qui, il l’assure, a « fait ses preuves : 75 % des internautes avertis dans le cadre de la réponse graduée indiquent cesser leur pratique illégale ». Il a indiqué que l’ARCOM envoyait environ 100 000 demandes par an et que, par ailleurs, 13 000 noms de domaine avaient été bloqués. « Nous montons en puissance ; depuis 2021, l’audience des sites illicites a diminué de 35 % », se félicite encore le président.
IPTV, le caillou dans la chaussure de l’ARCOM
Pour autant, le président a fait part de son inquiétude aux commissaires, quant à l’essor d’IPTV, cette « offre en ligne dématérialisée et illégale qui crée depuis 3 ans des préjudices estimés à 1,5 milliard d’euros par an, dont 300 millions d’euros pour le sport ».
Pauline Combredet-Blassel a renchéri sur l’inquiétude de l’ARCOM face à l’IPTV. « Risque important », l’IPTV « se présente comme une offre classique (Netflix, MyCanal), qui est esthétique. […] Il y a un service client associé. […] Elle donne accès à une infinité de contenus (compétitions sportives…) pour une somme qui peut être modique ou non. » Pour la directrice générale adjointe de l’ARCOM, « cela porte atteinte à la création » et c’est pourquoi l’ARCOM souhaite agir à son encontre. Pour cette intervenante, l’IPTV présente des risques pour les utilisateurs puisqu’elle donne accès à des contenus pornographiques, des chaînes sous le coup de sanctions européennes (par exemple, la chaîne du Hezbollah, interdite en France). Par ailleurs, elle déplore que les données bancaires des utilisateurs puissent tomber aux mains d’un système « mafieux » ou de pays tiers. « Cela devient un problème pour l’État ! ».
Quelles réponses proposées par l’ARCOM quant au piratage ?
L’étude de l’ARCOM entend proposer des propositions pour améliorer les outils de lutte contre le piratage. Malgré la difficulté de bloquer l’IPTV et ce genre de contenus du fait d’une émission de ces contenus souvent hébergés à l’étranger, la directrice générale adjointe a plaidé pour un renforcement de l’implication des acteurs alternatifs (par rapport aux fournisseurs Internet « classiques »), par exemple des VPN. « La loi doit permettre qu’on les implique pour la régulation, pour qu’ils prennent des mesures de blocage », a fait valoir Pauline Combredet-Blassel. « Et pour les récalcitrants, nous donner les moyens de les y contraindre. » Le « blocage de l’IP », à condition de bénéficier du cadre législatif idoine, ou l’encadrement des réseaux sociaux qui constituent un moyen d’accès important des consommateurs à des voies vers l’accès aux contenus illégaux sont aussi des pistes proposées par l’intervenante.
Pour Denis Rapone, conseiller à l’ARCOM et ancien président d’Hadopi, il conviendrait dans cette perspective de « simplifier et automatiser les systèmes de blocage (notamment pour le sport) », de « s’assurer que tous les acteurs sur le numérique prennent leur part dans le piratage » et d’amplifier l’usage d’un système de recours au droit pénal, incontournable. Si « l’audience de l’offre illicite a atteint le niveau le plus bas jamais mesuré », si l’on en croit cet intervenant, « le cadre européen prévu par le règlement sur les services numériques offre des outils intéressants (signaleurs de confiance…) ; ils doivent être pleinement exploités ». À suivre.
Voir aussi : Martin Ajdari, portrait
Sébastien Roncherolle
















