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Médias américains fermés : l’impuissance des juges

10 mai 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Médias américains fermés : l’impuissance des juges

Temps de lecture : 4 minutes

Aux États-Unis, les défenseurs des médias du secteur pub­lic – générale­ment favor­ables aux démoc­rates – con­tin­u­ent à se démen­er pour essay­er de sauver des groupes entiers, autre­fois ray­on­nants dans le monde, d’un naufrage que l’administration Trump veut irréversible.

Une tâche ardue

À la tête de ses défenseurs, des juges fédéraux qui usent de leurs pou­voirs pour ten­ter de faire fléchir l’Exécutif. Mais la tâche parait ardue, voire don­qui­chottesque. Mis à l’épreuve par le forc­ing opéré par le prési­dent répub­li­cain, ces mag­is­trats n’ont pas hésité à forcer leur rôle de con­tre-pou­voir (en l’absence d’opposition poli­tique forte au sein des deux cham­bres du Par­lement, dom­inées par les Répub­li­cains), en blo­quant la sup­pres­sion des finance­ments votés par le Con­grès et en rap­pelant le rôle stratégique de l’US Agency for Glob­al Media, qui pilote les médias publics des­tinés à l’étranger, dans la diplo­matie publique américaine.

Médias dévitalisés

Mais il est fort prob­a­ble que toutes ces injonc­tions de reprise des dota­tions ne soient d’aucun sec­ours pour des médias dont l’organisation est déjà dévi­tal­isée – notam­ment par des plans soci­aux annon­cés à la hus­sarde – et la con­fi­ance des audi­ences inter­na­tionale forte­ment entamée. C’est là où les juges sem­blent inca­pables d’agir.

Quelques déci­sions de jus­tice ren­dues ces dernières semaines en faveur des médias publics fer­més par le gou­verne­ment appor­tent une lueur d’e­spoir aux pro­fes­sion­nels con­cernés. Le 22 avril, le juge Royce Lam­berth a ren­du une injonc­tion prélim­i­naire ordon­nant la réou­ver­ture de Voice of Amer­i­ca (VOA). Il a rap­pelé que le Con­grès avait man­daté ces mis­sions et ordon­né qu’elles repren­nent immédiatement.

Le 23 avril, le même juge a ordon­né à l’USAGM de déblo­quer les fonds des­tinés au groupe Mid­dle East Broad­cast­ing Net­works (MBN) – qui dif­fuse, entre autres, la chaîne d’information con­tin­ue d’expression arabe Al-Hur­ra-, quelques jours seule­ment après le licen­ciement mas­sif de son per­son­nel, qui avait obligé cette dernière d’arrêter brusque­ment ses émis­sions, en se repli­ant sur son site Inter­net, qui lui aus­si est réduit à une dif­fu­sion minimale.

Cette pre­mière vic­toire judi­ci­aire reste toute­fois frag­ile. Pour les jour­nal­istes d’Al-Hur­ra, il n’y a pas à se faire trop d’illusions sur le sort réservé à leur réseau, fer­mé le 13 avril 2025. Après un licen­ciement touchant près de 500 employés, soit 90% des effec­tifs de jour­nal­istes, tech­ni­ciens et per­son­nels admin­is­trat­ifs, tout le monde s’était mobil­isé, dès le 15 avril, pour porter l’affaire devant les tri­bunaux améri­cains afin d’obtenir répa­ra­tion, à défaut d’être réin­té­grés dans d’autres médias publics, comme cela leur avait été promis.

Témoignage d’un journaliste d’Al-Hurra

C’est ce que nous con­firme le jour­nal­iste d’origine algéri­enne Reda Bouchefra, qui tra­vail­lait pour cette chaîne depuis plusieurs années. « À ce jour, affirme-t-il, nous n’avons perçu ni indem­nités de fin de ser­vice, ni indem­nités com­pen­satri­ces de con­gés payés. » L’administration du groupe MBN invoque un manque de liq­uid­ités dû à l’arrêt bru­tal des finance­ments que leur ver­sait le Congrès.

Com­men­tant la déci­sion de jus­tice déclarant illé­gale la fer­me­ture de leur média décidée par l’administration Trump, le jour­nal­iste se dit scep­tique. Selon lui, « le pour­voi en cas­sa­tion intro­duit aus­sitôt par le gou­verne­ment auprès de la Cour suprême, dom­inée par des Répub­li­cains, laisse peu d’espoirs aux employés licen­ciés de retrou­ver leurs postes. » Reda Boucher­fa est per­suadé que Don­ald Trump ne reculera pas sur son engage­ment de met­tre fin à la présence médi­a­tique améri­caine dans le monde. Pour­tant, aucun bilan n’avait été, apparem­ment, établi pour éval­uer l’impact de ces réseaux médi­a­tiques sur les opin­ions ciblées. Le désor­mais ex-jour­nal­iste d’Al-Hur­ra estime que, con­traire­ment à une cer­taine idée reçue, ces médias, Al-Hur­ra en tête, « n’ont pas atteint leurs lim­ites. » Pour lui, l’audimat main­tenu pen­dant toutes ces années, mal­gré un con­texte géopoli­tique plutôt hos­tile, témoigne en même temps du suc­cès de la chaîne et des nom­breuses plate­formes qu’elle par­raine, et de la per­ti­nence de leurs con­tenus. » Loin de regret­ter son expéri­ence au sein de cette chaîne améri­caine, le jour­nal­iste affirme avoir tou­jours tra­vail­lé « dans un cli­mat de lib­erté totale » au sein de la rédac­tion d’Al-Hur­ra.

Mus­sa A.

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