Aux États-Unis, les défenseurs des médias du secteur public – généralement favorables aux démocrates – continuent à se démener pour essayer de sauver des groupes entiers, autrefois rayonnants dans le monde, d’un naufrage que l’administration Trump veut irréversible.
Une tâche ardue
À la tête de ses défenseurs, des juges fédéraux qui usent de leurs pouvoirs pour tenter de faire fléchir l’Exécutif. Mais la tâche parait ardue, voire donquichottesque. Mis à l’épreuve par le forcing opéré par le président républicain, ces magistrats n’ont pas hésité à forcer leur rôle de contre-pouvoir (en l’absence d’opposition politique forte au sein des deux chambres du Parlement, dominées par les Républicains), en bloquant la suppression des financements votés par le Congrès et en rappelant le rôle stratégique de l’US Agency for Global Media, qui pilote les médias publics destinés à l’étranger, dans la diplomatie publique américaine.
Médias dévitalisés
Mais il est fort probable que toutes ces injonctions de reprise des dotations ne soient d’aucun secours pour des médias dont l’organisation est déjà dévitalisée – notamment par des plans sociaux annoncés à la hussarde – et la confiance des audiences internationale fortement entamée. C’est là où les juges semblent incapables d’agir.
Quelques décisions de justice rendues ces dernières semaines en faveur des médias publics fermés par le gouvernement apportent une lueur d’espoir aux professionnels concernés. Le 22 avril, le juge Royce Lamberth a rendu une injonction préliminaire ordonnant la réouverture de Voice of America (VOA). Il a rappelé que le Congrès avait mandaté ces missions et ordonné qu’elles reprennent immédiatement.
Le 23 avril, le même juge a ordonné à l’USAGM de débloquer les fonds destinés au groupe Middle East Broadcasting Networks (MBN) – qui diffuse, entre autres, la chaîne d’information continue d’expression arabe Al-Hurra-, quelques jours seulement après le licenciement massif de son personnel, qui avait obligé cette dernière d’arrêter brusquement ses émissions, en se repliant sur son site Internet, qui lui aussi est réduit à une diffusion minimale.
Cette première victoire judiciaire reste toutefois fragile. Pour les journalistes d’Al-Hurra, il n’y a pas à se faire trop d’illusions sur le sort réservé à leur réseau, fermé le 13 avril 2025. Après un licenciement touchant près de 500 employés, soit 90% des effectifs de journalistes, techniciens et personnels administratifs, tout le monde s’était mobilisé, dès le 15 avril, pour porter l’affaire devant les tribunaux américains afin d’obtenir réparation, à défaut d’être réintégrés dans d’autres médias publics, comme cela leur avait été promis.
Témoignage d’un journaliste d’Al-Hurra
C’est ce que nous confirme le journaliste d’origine algérienne Reda Bouchefra, qui travaillait pour cette chaîne depuis plusieurs années. « À ce jour, affirme-t-il, nous n’avons perçu ni indemnités de fin de service, ni indemnités compensatrices de congés payés. » L’administration du groupe MBN invoque un manque de liquidités dû à l’arrêt brutal des financements que leur versait le Congrès.
Commentant la décision de justice déclarant illégale la fermeture de leur média décidée par l’administration Trump, le journaliste se dit sceptique. Selon lui, « le pourvoi en cassation introduit aussitôt par le gouvernement auprès de la Cour suprême, dominée par des Républicains, laisse peu d’espoirs aux employés licenciés de retrouver leurs postes. » Reda Boucherfa est persuadé que Donald Trump ne reculera pas sur son engagement de mettre fin à la présence médiatique américaine dans le monde. Pourtant, aucun bilan n’avait été, apparemment, établi pour évaluer l’impact de ces réseaux médiatiques sur les opinions ciblées. Le désormais ex-journaliste d’Al-Hurra estime que, contrairement à une certaine idée reçue, ces médias, Al-Hurra en tête, « n’ont pas atteint leurs limites. » Pour lui, l’audimat maintenu pendant toutes ces années, malgré un contexte géopolitique plutôt hostile, témoigne en même temps du succès de la chaîne et des nombreuses plateformes qu’elle parraine, et de la pertinence de leurs contenus. » Loin de regretter son expérience au sein de cette chaîne américaine, le journaliste affirme avoir toujours travaillé « dans un climat de liberté totale » au sein de la rédaction d’Al-Hurra.
Mussa A.