Christophe Gleizes, journaliste français de 36 ans, spécialisé dans le football africain, a été condamné le 3 décembre 2025 à 7 ans de prison ferme pour « apologie du terrorisme » par la cour d’appel algérienne de Tizi Ouzou. Le collaborateur régulier des magazines « So Foot » et « Society » s’était rendu en Algérie en 2024 pour réaliser un reportage sur un club de football algérien, la JSK (Jeunesse sportive kabyle). Il a été arrêté le 28 mai 2024 à Tizi Ouzou (Kabylie) et est retenu en Algérie depuis.
Retour sur la genèse de l’affaire
Christophe Gleizes s’était rendu une première fois en Kabylie en 2015 pour mener une enquête sur le décès, un an plus tôt, dans des circonstances suspectes, de l’attaquant camerounais de la JSK Albert Ebossé.
En 2024, Christophe Gleizes avait repris contact avec un dirigeant du football kabyle afin de préparer une nouvelle série de reportages sur la JSK, équipe possédant un des plus beaux palmarès du football algérien, selon Le Monde. Il était entré en Algérie avec un visa touristique – au lieu d’un visa journalistique –, ce que lui reproche la justice algérienne. Les charges retenues contre lui portent sur des échanges datant de 2015 et 2017 avec un responsable local du club de Tizi Ouzou : Fehrat Mehenni, également engagé dans le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé comme organisation terroriste par Alger en 2021. Un autre militant kabyle, Aksel Bellabaci, affirme avoir parlé avec Christophe Gleizes dans le cadre de son travail journalistique.
🇫🇷♓️🇩🇿Christophe Gleizes est condamné à 7 ans de prison uniquement parce qu’il m’a interviewé. Aujourd’hui, je pense à lui et à tous les prisonniers kabyles incarcérés dans les prisons algériennes, victimes d’une injustice honteuse. pic.twitter.com/UcbTXQIjTo
— Bellabbaci Aksel (@ABellabbaci) December 4, 2025
En première instance, la justice algérienne avait condamné le collaborateur du groupe So Press à sept ans de prison ferme, avec mandat de dépôt, pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national ». Le parquet avait requis dix ans de prison ferme et 500 000 dinars (3 300 euros) d’amende, déclarant : « L’accusé n’est pas venu en Algérie pour accomplir un travail journalistique mais [pour commettre] un acte hostile. » La condamnation à 7 ans de prison ferme a donc été confirmée le 3 décembre 2025.
Toujours selon Le Monde, trois jours avant son procès en appel, le journaliste sportif était confiant sur l’issue du procès mais la cour algérienne lui a donné tort. À l’annonce du verdict, la mère de Christophe Gleizes et sa famille étaient sous le choc. Dans un entretien accordé à RFI, Sylvie Godard, la mère du journaliste, explique que la justice algérienne a même interdit à Christophe Gleizes de discuter deux minutes avec sa famille à l’issue du verdict avant qu’il rejoigne le fourgon cellulaire.
Le seul espoir qui subsiste pour Christophe Gleizes serait qu’Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, lui accorde une grâce présidentielle, mais cela semble peu probable dans l’immédiat. Cependant, selon l’avocat du journaliste, Emmanuel Daoud, « l’expertise de son ordinateur n’a rien donné » et il n’y a « aucune preuve matérielle » attestant de « l’accusation d’apologie du terrorisme ». Juste avant que la Cour ne se retire pour délibérer, Christophe Gleizes a dit espérer « avoir convaincu ». « Je n’ai jamais eu l’intention de nuire et je ne referai plus la même erreur », a‑t-il dit.
Reporters sans frontières et le monde du sport se mobilisent pour Christophe Gleizes
Sortant pour une fois de son rôle de commissaire politique de l’information, le directeur général de Reporters sans frontières (RSF), Thibaut Bruttin, s’est dit « choqué » par la décision du tribunal algérien. En effet, Christophe Gleizes a écopé de la peine de prison la plus lourde infligée à un journaliste français depuis dix ans. Thibaut Bruttin martèle qu’il est « inacceptable qu’un de nos concitoyens qui n’a fait que son travail » soit condamné à sept ans de prison ferme. Il ajoute en outre que « l’Algérie est en train de se créer une épine dans le pied qui va être quelque chose qu’elle va traîner pendant des années si une solution n’est pas trouvée ».
Le monde du sport se mobilise également pour Christophe Gleizes. Dans un communiqué sur X, la Ligue de football professionnel a annoncé qu’elle se tient aux côtés du journaliste sportif et appelle à sa libération prochaine. À la suite de ce communiqué, le Paris-Saint-Germain annonce sur X rejoindre « l’appel de la LFP et de l’ensemble des acteurs du football professionnel français en faveur de la libération de Christophe Gleizes ». Le club du FC Nantes apporte également son soutien au journaliste. Trente personnalités, journalistes et ex-sportifs, appellent en outre à sa libération.
Le Paris Saint-Germain s’associe à l’appel de la LFP et de l’ensemble des acteurs du football professionnel français en faveur de la libération de Christophe Gleizes, journaliste sportif.
Nous lui apportons tout notre soutien. https://t.co/R9Yd0kA1RV— Paris Saint-Germain (@PSG_inside) December 4, 2025
Une condamnation éminemment politique
Les tensions entre Alger et Paris sont croissantes depuis plusieurs années et Christophe Gleizes a eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment ! La crise franco-algérienne ne risque d’ailleurs pas de s’apaiser puisque l’Algérie organisait le 30 novembre 2025 une conférence internationale sur les crimes du colonialisme afin de faire reconnaître les crimes de l’époque coloniale et obtenir réparation.
Dans le même temps, les autorités françaises restent très prudentes dans leur déclaration. Emmanuel Macron a fait part de sa « profonde inquiétude » à l’annonce de la condamnation. Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, invité des « 4 Vérités » de France 2, a déclaré : « Nous allons peser de tout notre poids pour obtenir la libération de Christophe Gleizes. » « Ce sera un élément majeur des discussions en cours », a‑t-il ajouté.
De son côté, le Quai d’Orsay, dans un message jugé timoré, dit « regretter vivement la confirmation de la condamnation et déplore que sa pleine coopération [comprendre Christophe Gleizes] avec les autorités algériennes et les explications fournies par sa défense n’aient pas suffi à changer le verdict ». France Diplomatie conclut son message par ces mots : « La France rappelle son attachement à la liberté de la presse partout dans le monde ».
Cette déclaration arrive au moment où Emmanuel Macron parlait de labéliser la presse française… Chacun admirera le paradoxe.
Voir aussi : Label des médias : Macron rouvre la boîte de Pandore de la « vérité officielle »
L’OJIM se joint à l’appel de Franck Annese, fondateur de So Press et So Foot, afin que Christophe Gleizes retourne en France sain et sauf au plus vite.
Jean-Charles Soulier


















