Sous couvert de « prospérité » et de « progrès humain », un panel d’économistes adoubé par le Forum on Information and Democracy pousse pour instaurer taxes numériques, subventions et « politiques industrielles de l’information ». Derrière l’argumentaire technocratique, un agenda d’uniformisation normative, financé par États et fondations militantes.
Le Forum on Information and Democracy
L’appel dévoilé le 22 septembre 2025 présente les « médias d’intérêt public » comme des « banques centrales de l’économie de l’information » et réclame une action publique « décisive » : taxation des plateformes, fonds nationaux pour le journalisme, redevances, régulation renforcée. Le cadre est posé par le Forum on Information and Democracy, émanation du partenariat intergouvernemental lancé par la France en 2019. L’information est presque passée inaperçue en France et le média libéral Contrepoints est un des rares à s’en être fait l’écho.
Un projet de planification informationnelle
Le texte érige l’« information » en bien public que le marché ne fournirait pas « à la hauteur » et propose d’« associer les marchés à une planification intelligente ». Ce vocabulaire de politique industrielle appliqué aux médias ouvre la voie à une normalisation par l’impôt et la subvention, avec un filtre d’éligibilité centralisé. L’architecture est portée par le Forum on Information and Democracy et arrimée à l’IFPIM, fonds multilatéral présenté comme bras financier de l’« écosystème ».
Des « économistes » loin d’être neutres
La neutralité affichée des signataires ne résiste pas à l’examen. Joseph Stiglitz est économiste en chef et figure de proue du Roosevelt Institute, think tank à agenda « postnéolibéral » et clairement progressiste aux États-Unis. Philippe Aghion a conseillé Emmanuel Macron et soutenu publiquement sa trajectoire politique et se positionne clairement contre des partis comme le RN ou LFI. Mariana Mazzucato conseille des gouvernements et des institutions alignés sur une relance étatique et défend une politique industrielle « mission-oriented » typiquement interventionniste. Elle a travaillé auprès du commissaire européen Carlos Moedas du Parti social-démocrate portugais et pour Alexandria Ocasio-Cortez, représentante des États-Unis qui se situe à la gauche du Parti démocrate.
Le cœur idéologique du panel est donc pro-régulation et pro-subventions et penche plutôt à gauche et au centre gauche.
Pour les Français, le rapport prête à sourire car il est question d’arroser des médias publics ou privés considérés comme d’intérêt public, ce qui est déjà massivement le cas à considérer le nombre de médias publics en France (8 chaînes télévisées, 6 radios nationales et 44 déclinaisons locales) et les aides à la presse pour les autres médias.
Qui pilote et qui paie ? RSF, Ford, la NED et leurs amis
Le Forum on Information and Democracy est né autour de la très idéologique et subventionnée ONG Reporters sans frontières pour « mettre en œuvre » la Déclaration et le Partenariat internationaux sur l’information et la démocratie. Il revendique l’appui de 56 États. Son financement agrège fonds publics et fondations engagées : Agence française de développement et Quai d’Orsay, Ford Foundation, Luminate, Future of Life Institute, National Endowment for Democracy (NED), fondations scandinaves.
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L’International Fund for Public Interest Media (IFPIM) affiche, lui, des bailleurs étatiques européens et des géants technologiques via des programmes dédiés. Ce mix public-privé, très situé politiquement, réduit la distance avec le pouvoir régulateur qu’il prétend « encadrer ».
Le diagnostic d’un marché publicitaire capté par les plateformes est connu. Mais confier la « soutenabilité » de l’information à une gouvernance internationale subventionnée fabrique un risque symétrique : dépendance, critères d’orthodoxie et homogénéisation éditoriale. Quand l’argent vient de l’État et de fondations à agenda, la pluralité s’aplatit, les voix dissidentes se marginalisent, et la frontière entre « intérêt public » et intérêt du régulateur se brouille.
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Rodolphe Chalamel
Illustration : capture d’écran informationdemocracy.org

















