Depuis des années, les prix les plus prestigieux, pensons au prix Nobel de la paix, ont une couleur politique parfois très marquée. Le prix Sakharov n’y échappe pas. Le simple fait qu’il soit décerné par le Parlement européen devrait nous mettre la puce à l’oreille.
Un prix « pour la liberté de l’esprit »
Ce prix, décerné depuis 1988 et créé en hommage à Andreï Sakharov, physicien et dissident soviétique, récompense les personnes luttant pour la démocratie et la liberté de l’esprit. Objectons que la liberté de l’esprit est, surtout de nos jours, quelque chose d’assez subjectif. Les différents groupes du parlement proposent des noms et ce sont les chefs de groupes politiques qui décident des gagnants. Tout le processus est politique, nous le voyons.
Deux journalistes primés
Le 22 octobre 2025, nous avons appris le nom des deux lauréats du prix Sakharov. Il s’agit de deux journalistes.
Le premier est Andrzej Poczobuk, correspondant du journal polonais Gazeta Wyborcza en Biélorussie. En 2021, il a été arrêté après avoir critiqué le régime de Loukachenko et appelé à des sanctions internationales contre celui-ci. Considérées comme une atteinte aux intérêts du pays, ces positions ont valu au journaliste huit années de prison dans une colonie pénitentiaire. La seconde lauréate est Mzia Anarglobeli, une journaliste géorgienne qui a également fondé deux médias indépendants. Lors d’une manifestation pro-européenne, elle a mis une gifle à un chef de la police. Pour ce motif, elle a été arrêtée en 2025, mais avait déjà purgé deux années d’emprisonnement pour des motifs politiques. Elle est l’un des symboles de l’opposition pro-UE et pro-américaine en Géorgie.
Pourquoi pas Charlie Kirk ?
Selon la présidente du Parlement européen, ces deux journalistes incarnent l’esprit même de ce prix et sont des symboles de la lutte pour la démocratie. Pourtant, d’autres noms peuvent venir en tête et, parmi eux, celui de Charlie Kirk.
Le jeune Américain, assassiné en septembre 2025, incarnait la liberté d’expression car elle était pour ainsi dire son mode opératoire. Il se rendait sur les campus américains et débattait avec ses opposants. Son nom a été proposé pour le prix Sakharov par le groupe Europe des nations souveraines. Sur le site Toute l’Europe il est noté que « seule l’ultra droite » voit dans Kirk un symbole de la liberté d’expression. À cause de son orientation politique, le seul prix qu’a pu recevoir Charlie Kirk, c’est une balle de fusil dans la gorge.
Autre nomination, celle de Boualem Sansal proposée par le groupe des patriotes pour l’Europe. Si les motifs de sa détention rappellent ceux des deux lauréats, Sansal a lui-même fait savoir le 14 septembre 2025 qu’il refusait de recevoir ce prix.
Parmi les finalistes retenus pour cette année, la première est la cause des journalistes et travailleurs humanitaires en Palestine et dans les zones de guerre, proposée par la gauche. La seconde, celle des étudiants serbes ayant lancé une manifestation suite à l’effondrement d’un auvent dans une gare ferroviaire.
Les lauréats doivent recevoir leur prix ainsi que les 50 000€ qui vont avec, à Strasbourg, le 16 décembre prochain. On ignore si les emprisonnés seront libérés pour l’occasion.
Corentin Catel
Photo : “L’opposition démocratique biélorusse” reçoit le Prix Sakharov en décembre 2020. Coordination council (cc-by-sa‑4.0)


















