Nuançons d’emblée ce titre. Le meurtre d’Iryna Zarutska a été couvert par la presse française. En revanche, le mobile et surtout le profil de son tueur l’ont moins été. Comme à chaque fois, du reste, qu’un non-Blanc tue un Blanc.
C’est un individu, un assaillant, un homme. Que dis-je, un homme ? C’est un sans-abri
Les ficelles de certains médias commencent à être connues. Lorsque le profil d’un meurtrier ne leur convient pas, ils ne l’évoquent pas. Ainsi pour Le Parisien, Iryna Zarutska a été « tuée dans un tramway », « poignardée ». Il faut arriver à la dernière phrase de l’article pour apprendre que « Donald Trump a réclamé la peine capitale pour l’auteur présumé des faits, Decarlos Brown, un homme afro-américain de 34 ans condamné à de multiples reprises par le passé. » Le Figaro parle d’un « SDF », d’un « homme », d’un « sans-abri au lourd passé criminel décrit comme souffrant de troubles psychiatriques », d’un « assaillant ». Paris Match ou TF1 évitent eux aussi la fameuse information. L’omerta en est parfois grotesque, comme dans l’article de 20 Minutes, qui explique dans son chapô qu’« une nouvelle affaire remet les tensions raciales au cœur du débat politique américain, alors que Donald Trump demande la peine de mort pour celui qui a tué une réfugiée ukrainienne ». À ce stade, si vous n’avez pas appris par un autre biais que le meurtrier est afro-américain, vous ne comprenez pas pourquoi l’affaire réveille des tensions raciales. Même le Journal du Dimanche, qu’on peut difficilement accuser d’être acquis à la bien-pensance, privilégie la notion de sans-abri. Autrement dit, l’interdiction de donner l’ethnie d’un tueur lorsqu’il n’est pas blanc est pleinement intégrée par les médias, au point d’être parfois inconsciente.
D’accord, il est afro-américain. Mais saviez-vous qu’il était déséquilibré ?
RTL mentionne également « un homme », mais précise dans un deuxième temps qu’il est afro-américain. En revanche, l’article décrit aussitôt ses « troubles mentaux ». Il insiste ensuite sur l’argument bien connu du déséquilibré, en expliquant que « L’auteur présumé du crime est Decarlos Brown Jr., 34 ans, déjà condamné plusieurs fois et atteint de troubles psychiques depuis plusieurs années ». L’article mentionnera ensuite l’assassin comme « le trentenaire » ou « le récidiviste », un « sans-abri ». Il racontera combien il avait changé en sortant d’une peine de cinq ans de prison pour devenir violent. BFM TV suivra très exactement le même canevas.
Un crime raciste ? Où ça ?
Au vu des difficultés qu’ont les médias à admettre que le tueur d’Iryna Zarutska est afro-américain, il n’est guère étonnant qu’ils ne mentionnent pas son mobile. « Got that white girl », a grommelé le meurtrier en traversant la rame, avec son couteau et son sweat plein de sang. Le mobile raciste ne sera cependant pas repris, et la phrase même pas évoquée dans la plupart des articles. Pour Le Parisien, Iryna Zarutska a « été tuée sans raison par un déséquilibré au lourd passé judiciaire » dans une « violente et probablement aléatoire attaque au couteau ». Paris Match évoque une attaque « sans raison apparente ». Aucun média ne précisera non plus qu’à quelques mètres d’Iryna se trouvaient trois ou quatre personnes, toutes noires, et qu’aucune ne s’est levée pour aider la victime, alors même que le meurtrier était immédiatement parti. Iryna a vécu ses derniers instants seule, prostrée sur un siège de métro, au milieu d’une indifférence coupable. On ne dira pas criminelle, car il est possible qu’aucune assistance n’aurait pu la sauver.
La récupération, toujours la récupération
L’autre antienne des médias, c’est de dénoncer la récupération, et Le Parisien s’y emploie : « L’affaire Iryna Zarutska qui enflamme l’Amérique depuis plusieurs jours prend un tournant complètement politique depuis sa récupération par le locataire de la Maison-Blanche. » Il ira jusqu’à décrire le crime comme un « effet d’aubaine ». Au Figaro, on pointe la défiance des médias. Il faut rappeler ici la vague médiatique internationale provoquée par la mort de Georges Floyd, délinquant multirécidiviste décédé d’une overdose lors d’une interpellation policière. À l’époque, la culpabilité du policier ayant procédé à l’interpellation – avec des méthodes assez violentes au demeurant – ne faisait de doute pour personne. Après la mort d’Iryna Zarutska, certains se sont donc plaints du silence des médias, l’attribuant au fait que, cette fois, un Noir avait tué une Blanche, et non l’inverse. Le Figaro note « un flot de critiques contre les médias ». On apprend dans l’article qu’après avoir été accusés de ne pas couvrir le meurtre, les médias nationaux américains l’ont finalement fait le 8 septembre – les vidéos de l’assassinat ont été publiées le 5 – en dénonçant la récupération. Si on parle, on vous accusera. Pile, je gagne, face, tu perds. Au reste, les images de vidéosurveillance ne devaient pas être diffusées, officiellement par respect pour la famille.
You are the media now
Plus les citoyens, qu’ils soient Américains, Britanniques ou Français, s’insurgent contre la réalité déformée que leur livrent les médias, plus ces derniers les accusent de récupération. La méthode ne sera pas éternelle. Sur les réseaux sociaux, des comptes de plus en plus nombreux et influents dénoncent cette omerta, forçant les médias à se saisir des affaires. Or, pour dénoncer la récupération, il faut bien dire ce qui s’est passé. Et le meurtre d’une jeune réfugiée ukrainienne par un Afro-Américain multirécidiviste, cela peut choquer tout le monde, même si l’on dénonce la récupération de l’extrême droite juste après.
Adélaïde Motte


















