Selon les projections du cabinet Ampere Analysis, les dépenses mondiales des médias pour les droits sportifs devraient dépasser l’équivalent de 78 milliards d’euros à l’horizon 2030, soit près de 20 % de plus qu’en 2025. Propulsé par les États-Unis, ce marché reste tiré par quelques sports et par la montée des plateformes de streaming.
Les droits sportifs ne sont plus un simple poste de dépenses pour les chaînes : ils sont devenus l’un des principaux moteurs de la « valeur » des groupes audiovisuels. Selon la société britannique Ampere Analysis, le marché mondial des droits devrait croître d’environ 20 % entre 2025 et 2030, pour franchir la barre des 78 milliards de dollars. Au cœur de cette inflation, on retrouve les grands championnats américains, le football européen et, de plus en plus, le cricket indien.
D’un marché de niche à une machine planétaire à cash
En quelques décennies, les droits sportifs sont passés d’un complément de grille à un actif stratégique. La montée en puissance des chaînes payantes dans les années 1990 puis des bouquets satellitaires et des opérateurs télécoms dans les années 2000 a fait exploser la facture des grandes compétitions (football européen, NFL [football américain], NBA [basket], grands tournois de tennis, Formule 1).
Depuis le début des années 2010, ce mouvement s’est encore amplifié : les grands championnats européens de football ont multiplié les cycles d’enchères, tandis qu’aux États-Unis les ligues fermées (NFL, NBA, MLB) ont verrouillé de très longs contrats, indexés sur la hausse attendue des revenus publicitaires et d’abonnement. La dynamique reste la même : un petit nombre de propriétés « premium » capte l’essentiel de la valeur, laissant aux disciplines secondaires des droits souvent fragmentés et bien moins rémunérateurs.
États-Unis, Europe, Asie : la nouvelle géographie des droits
D’ici 2030, les États-Unis resteront le moteur du marché. Ampere prévoit que les droits sportifs y pèseront plus de 36 milliards de dollars, soit près de la moitié du marché mondial, portés par le nouveau cycle de la NBA à partir de la saison 2025–2026 et par les prochains contrats de la Ligue de base-ball (MLB) à partir de 2029. La NFL, qui estime ses droits « sous-valorisés », pourrait relancer les enchères dès 2026, avec un effet domino sur l’ensemble du marché mondial.
En Europe, la croissance annoncée est plus modérée : + 17 % entre 2025 et 2030, de 18,3 à 21,3 milliards de dollars selon Ampere. Les ligues nationales de football ont déjà subi plusieurs tours de négociation à la baisse, notamment en France, mais les compétitions européennes (Ligue des champions, Euro) restent très prisées. Le récent appel d’offres de l’UEFA pour la Ligue des champions illustre cette tension : Paramount a remporté des droits majeurs dans plusieurs pays, aux côtés d’Amazon, Sky, Canal+ ou Telefónica, dans un cycle estimé à plus de 10 milliards d’euros pour 2027–2031.
En Asie, les droits devraient passer de 7,2 à 9,9 milliards de dollars d’ici 2030, avec un rôle central du cricket indien : l’Indian Premier League et les grandes compétitions ICC (dont la Coupe du monde T20 – 20 pour le nombre de joueurs dans ce format de compétition) concentrent déjà une part croissante de la valeur et attirent aussi bien les diffuseurs locaux que les plateformes mondiales.
Football roi, basket et cricket en embuscade
Par sport, la hiérarchie reste claire. Le football demeure la première locomotive des droits en Europe, en Afrique et dans une partie croissante de l’Asie ; il pèse aussi lourd dans la facture globale des groupes audiovisuels latins et du Moyen-Orient. Aux États-Unis, le « Big Four » : NFL, NBA, MLB, NHL (hockey) structure l’essentiel du marché, la NFL restant l’actif le plus cher minute par minute.
Derrière ce noyau dur, le basket (NBA en tête), le cricket, certaines ligues de football américain universitaire, ainsi que quelques circuits mondialisés (Formule 1, grands tournois de tennis) s’imposent comme les autres piliers du marché. Pour les diffuseurs comme pour les plateformes, l’enjeu reste le même : payer très cher quelques compétitions capables de retenir des abonnés dans un environnement où le sport en direct est l’un des derniers contenus à générer de l’audience de masse en temps réel.
Alors que la presse sportive est en pleine mutation, notamment en France, le marché du sport est en pleine métamorphose et se dégage ici et là des chaînes traditionnelles au profit de plateformes, poussant toujours plus loin la logique de sport-spectacle ou « business ». Pour l’heure le secteur semble très bien résister aux crises économiques. Du pain et des jeux !
Rodolphe Chalamel


















