Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Émeutes après la victoire du PSG : ce qui choque la presse

3 juin 2025

Temps de lecture : 5 minutes
Accueil | Veille médias | Émeutes après la victoire du PSG : ce qui choque la presse

Émeutes après la victoire du PSG : ce qui choque la presse

Temps de lecture : 5 minutes

Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, après – et même pen­dant – le match de la finale de la Ligue des Cham­pi­ons opposant le Paris-Saint-Ger­main à l’Inter Milan, de nom­breuses émeutes et pil­lages ont eu lieu partout en France. Des émeutes que les médias ne trait­ent qu’avec répug­nance, tant elles sont symp­to­ma­tiques d’une insécu­rité qu’ils ne sauraient voir.

Traiter les émeutes, parce qu’il le faut bien

Les émeutes sont une tache sur la vic­toire du PSG dont on se serait bien passé. Alors que les Parisiens – médias com­pris – auraient sans doute préféré se réjouir d’une vic­toire écla­tante et unique, puisqu’il s’agit de la pre­mière fois que le club rem­porte la Ligue des Cham­pi­ons, il faut regarder les émeutes, et en par­ler. D’autant qu’il ne s’agit pas de quelques petites échauf­fourées. RMC Sport note que « les images de vio­lence ont choqué la presse inter­na­tionale » et que « des pho­tos et des vidéos mon­trant les Champs-Élysées pil­lés et des voitures brûlées sont dev­enues virales ». Les titres espag­nols, bri­tan­niques, alle­mands sont unanimes : ce qui mar­que, c’est moins la vic­toire du PSG que ses con­séquences sur les rues français­es. RMC Sport s’offusquera d’ailleurs dans son arti­cle des expli­ca­tions de cer­tains médias à cette sit­u­a­tion : « “Les sup­port­ers du PSG ont une répu­ta­tion de plus en plus mau­vaise en matière de hooli­gan­isme”, assure le Dai­ly Mail dans un amal­game réduc­teur. » RMC Sport préfère de loin le New York Times qui « prend un peu de hau­teur » en ces ter­mes « Ce fut un moment cathar­tique pour une France en proie à la paralysie poli­tique et au mécon­tente­ment généralisé. »

À droite, des condamnations sans concessions

La droite aime l’ordre et regrette chaque jour l’insécurité gran­dis­sante en France. Ses médias sont donc par­ti­c­ulière­ment sévères envers les émeu­tiers et le min­istère de l’Intérieur. Le Figaro évoque un « acca­blant bilan sécu­ri­taire » et regrette que les fes­tiv­ités aient été « ternies » par des vio­lences qui devi­en­nent « tris­te­ment clas­siques ». Le jour­nal détaille l’évolution de vio­lences « très régulière­ment observées, et de moins en moins médi­atisées tant elles sont dev­enues banales ». Au reste, il faut recon­naître que peu de médias détail­lent les vic­times humaines et les pertes matérielles, en-dehors de deux per­son­nes décédées et d’un polici­er plongé dans le coma. La presse française est telle­ment habituée aux vio­lences qu’elle ne men­tionne plus que ce qui lui paraît incroy­able. Or, en France, un abribus saccagé, c’est banal, voire ennuyeux.

Comment les violences volent son moment à la presse sportive

Out­re les médias général­istes, on peu sup­pos­er qu’il est une autre branche médi­a­tique qui aurait aimé par­ler de foot­ball plutôt que de vio­lences : c’est la presse sportive. Les sportifs eux-mêmes ont demandé à leurs sup­port­ers de bien se con­duire, à l’instar d’Ousmane Dem­bélé, qui a écrit « Ca va être incroy­able à Paris. Mais s’il vous plaît, pas de vio­lence. On ne casse rien, on fait la fête seule­ment ». Foot Mer­ca­to par­le de fes­tiv­ités « mal­heureuse­ment été mar­quées par de nou­velles scènes de vio­lence et d’affrontement avec les forces de l’ordre », tout en recon­nais­sant que la sit­u­a­tion était « mal­heureuse­ment à prévoir ». L’article note « de véri­ta­bles scènes de guéril­la urbaine » qui « sont venus gâch­er une fête » et ajoute que « curieuse­ment, c’est surtout en province qu’il y a eu les inci­dents les plus graves. » C’est peut-être que Paris a plus de moyens policiers… et est plus habitué à les mobilis­er les soirs de match.

Après les émeutes, sus à la droite

Lors des émeutes a notam­ment été bran­di le dra­peau pales­tinien. Gilles Pla­tret, maire de Châlons-sur-Saône, a donc décidé de l’interdire, en con­sid­érant qu’il s’agissait d’un signe de ral­liement. Une déci­sion qui ne plaît guère aux médias. Le titre de France 3 Régions, « après des émeutes à Chalon-sur-Saône, le maire inter­dit… le dra­peau pales­tinien », sem­ble estimer que la sit­u­a­tion et l’interdit n’ont au reste absol­u­ment rien à voir. Le Parisien pré­cise que Gilles Pla­tret a été « un temps ten­té par un ral­liement à Eric Zem­mour » et qu’il s’agit d’un « maire habitué des arrêtés polémiques », ce qui per­met de plac­er le maire de Châlons-sur-Saône à l’extrême-droite. Une posi­tion con­fir­mée par La Dépêche, qui le décrit comme un « maire très droiti­er ». Gilles Pla­tret a inter­dit le dra­peau pales­tinien, mais aus­si sa vente sur les marchés. Une déci­sion que le Parisien trou­ve choquante pour « la deux­ième ville de Bour­gogne avec 45 000 habi­tants env­i­ron ». Au reste, cer­tains titres espèrent que la déci­sion ne tien­dra pas devant un juge. Le Parisien pré­cise qu’un arrêté sem­blable de Chris­t­ian Estrosi, maire de Nice, avait été sus­pendu. Ce ne serait d’ailleurs pas la pre­mière fois pour Gilles Pla­tret qui a « ten­té d’imposer l’usage du français sur les chantiers de la ville, et refusé de célébr­er un mariage fran­co-turc, avant d’y être con­traint par la justice. »

Les émeutes suiv­ant la vic­toire du PSG répon­dent d’une façon inquié­tante aux émeutes qui ont suivi le match entre le PSG et Liv­er­pool, en 2022. Match après match, la France n’est plus capa­ble de vivre des événe­ments d’ampleur, sauf à déploy­er un dis­posi­tif de sécu­rité hors normes, comme elle l’a fait pour les Jeux olympiques. Une sit­u­a­tion peu réjouis­sante, d’autant que le match entre PSG et l’Inter Milan n’avait même pas lieu à Paris. Les Français le savent depuis bien longtemps, et la presse étrangère le com­prend de plus en plus. Reste à déciller les yeux d’une par­tie de la presse française, dont les œil­lères, payées par l’Etat, n’en sont que plus sombres.

Adélaïde Hec­quet

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés