Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, après – et même pendant – le match de la finale de la Ligue des Champions opposant le Paris-Saint-Germain à l’Inter Milan, de nombreuses émeutes et pillages ont eu lieu partout en France. Des émeutes que les médias ne traitent qu’avec répugnance, tant elles sont symptomatiques d’une insécurité qu’ils ne sauraient voir.
Traiter les émeutes, parce qu’il le faut bien
Les émeutes sont une tache sur la victoire du PSG dont on se serait bien passé. Alors que les Parisiens – médias compris – auraient sans doute préféré se réjouir d’une victoire éclatante et unique, puisqu’il s’agit de la première fois que le club remporte la Ligue des Champions, il faut regarder les émeutes, et en parler. D’autant qu’il ne s’agit pas de quelques petites échauffourées. RMC Sport note que « les images de violence ont choqué la presse internationale » et que « des photos et des vidéos montrant les Champs-Élysées pillés et des voitures brûlées sont devenues virales ». Les titres espagnols, britanniques, allemands sont unanimes : ce qui marque, c’est moins la victoire du PSG que ses conséquences sur les rues françaises. RMC Sport s’offusquera d’ailleurs dans son article des explications de certains médias à cette situation : « “Les supporters du PSG ont une réputation de plus en plus mauvaise en matière de hooliganisme”, assure le Daily Mail dans un amalgame réducteur. » RMC Sport préfère de loin le New York Times qui « prend un peu de hauteur » en ces termes « Ce fut un moment cathartique pour une France en proie à la paralysie politique et au mécontentement généralisé. »
À droite, des condamnations sans concessions
La droite aime l’ordre et regrette chaque jour l’insécurité grandissante en France. Ses médias sont donc particulièrement sévères envers les émeutiers et le ministère de l’Intérieur. Le Figaro évoque un « accablant bilan sécuritaire » et regrette que les festivités aient été « ternies » par des violences qui deviennent « tristement classiques ». Le journal détaille l’évolution de violences « très régulièrement observées, et de moins en moins médiatisées tant elles sont devenues banales ». Au reste, il faut reconnaître que peu de médias détaillent les victimes humaines et les pertes matérielles, en-dehors de deux personnes décédées et d’un policier plongé dans le coma. La presse française est tellement habituée aux violences qu’elle ne mentionne plus que ce qui lui paraît incroyable. Or, en France, un abribus saccagé, c’est banal, voire ennuyeux.
Comment les violences volent son moment à la presse sportive
Outre les médias généralistes, on peu supposer qu’il est une autre branche médiatique qui aurait aimé parler de football plutôt que de violences : c’est la presse sportive. Les sportifs eux-mêmes ont demandé à leurs supporters de bien se conduire, à l’instar d’Ousmane Dembélé, qui a écrit « Ca va être incroyable à Paris. Mais s’il vous plaît, pas de violence. On ne casse rien, on fait la fête seulement ». Foot Mercato parle de festivités « malheureusement été marquées par de nouvelles scènes de violence et d’affrontement avec les forces de l’ordre », tout en reconnaissant que la situation était « malheureusement à prévoir ». L’article note « de véritables scènes de guérilla urbaine » qui « sont venus gâcher une fête » et ajoute que « curieusement, c’est surtout en province qu’il y a eu les incidents les plus graves. » C’est peut-être que Paris a plus de moyens policiers… et est plus habitué à les mobiliser les soirs de match.
Après les émeutes, sus à la droite
Lors des émeutes a notamment été brandi le drapeau palestinien. Gilles Platret, maire de Châlons-sur-Saône, a donc décidé de l’interdire, en considérant qu’il s’agissait d’un signe de ralliement. Une décision qui ne plaît guère aux médias. Le titre de France 3 Régions, « après des émeutes à Chalon-sur-Saône, le maire interdit… le drapeau palestinien », semble estimer que la situation et l’interdit n’ont au reste absolument rien à voir. Le Parisien précise que Gilles Platret a été « un temps tenté par un ralliement à Eric Zemmour » et qu’il s’agit d’un « maire habitué des arrêtés polémiques », ce qui permet de placer le maire de Châlons-sur-Saône à l’extrême-droite. Une position confirmée par La Dépêche, qui le décrit comme un « maire très droitier ». Gilles Platret a interdit le drapeau palestinien, mais aussi sa vente sur les marchés. Une décision que le Parisien trouve choquante pour « la deuxième ville de Bourgogne avec 45 000 habitants environ ». Au reste, certains titres espèrent que la décision ne tiendra pas devant un juge. Le Parisien précise qu’un arrêté semblable de Christian Estrosi, maire de Nice, avait été suspendu. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois pour Gilles Platret qui a « tenté d’imposer l’usage du français sur les chantiers de la ville, et refusé de célébrer un mariage franco-turc, avant d’y être contraint par la justice. »
Les émeutes suivant la victoire du PSG répondent d’une façon inquiétante aux émeutes qui ont suivi le match entre le PSG et Liverpool, en 2022. Match après match, la France n’est plus capable de vivre des événements d’ampleur, sauf à déployer un dispositif de sécurité hors normes, comme elle l’a fait pour les Jeux olympiques. Une situation peu réjouissante, d’autant que le match entre PSG et l’Inter Milan n’avait même pas lieu à Paris. Les Français le savent depuis bien longtemps, et la presse étrangère le comprend de plus en plus. Reste à déciller les yeux d’une partie de la presse française, dont les œillères, payées par l’Etat, n’en sont que plus sombres.
Adélaïde Hecquet