Le 2 juin 2025 se sont tenues les élections présidentielles polonaises, avec la victoire de Karol Nawrocki, candidat du PiS (Droit et Justice), classé à l’extrême-droite. Le président polonais ressemble plus au président allemand, principalement détenteur d’un pouvoir de représentation, qu’au président français et son pouvoir exécutif. La Pologne reste donc sous la houlette de Donald Tusk. Néanmoins, le signal envoyé par la Pologne à l’Europe ne plaît pas du tout aux médias de grand chemin.
Une élection manichéenne
Avec l’élection polonaise, les médias pouvaient se réjouir d’avoir leur « méchant » et leur « gentil ». Patrick Gautrat, ancien ambassadeur de France en Pologne, dans une tribune pour le Figaro Vox, dépeint d’un côté « Rafal Traskowski, 53 ans, personnage de qualité et de surcroît polyglotte ! » et de l’autre « Karol Nawrocki, un inconnu au PiS, 42 ans, historien de Gdansk, qui menait une campagne très virulente, parvenant à faire oublier l’amoncellement d’informations accablantes sur son passé, qu’il s’agisse d’obscures questions immobilières, de liens douteux avec la mafia de Gdansk ou de son implication sulfureuse dans des affaires de proxénétisme. » Sud-Ouest notait que s’y présentaient « deux visions opposées de la société et de l’Europe, le centriste pro-européen Rafal Trzaskowski affronte le nationaliste Karol Nawrocki, soutenu par la droite conservatrice. » Avec à la clé des enjeux vitaux : « l’avenir des droits des femmes, des personnes LGBT + et la place de la Pologne au sein de l’UE ». Le Monde dépeignait un homme « bluffeur, bagarreur, inquiétant parfois ». France 24, peu avant les élections, illustrait l’un de ses articles par une manifestation en faveur du candidat finalement non-élu – et pro-UE – Rafal Trzaskowski. On y voyait un homme brandir un portrait de son candidat avec en sous-titre le mot « hope » (soit « espoir » en anglais).
L’Europe de plus en plus à droite, les médias toujours à gauche
Comme ce ne sont pas les médias français qui font la politique polonaise, Karol Nawrocki l’a emporté. On l’a vu lors des élections européennes, la droite gagne du terrain en Europe. Une situation qui ne plaît guère à certains médias avec l’élection de Karol Nawrocki à la présidence de la Pologne dimanche 1er juin. Sud-Ouest le décrit ainsi comme « un symbole fort de la montée en puissance des idées nationalistes au sein de l’Union européenne. » Avec son slogan « La Pologne d’abord, les Polonais d’abord », dont l’inspiration de Donald Trump est assez évidente, le nouveau président polonais Karol Nawrocki a de quoi inquiéter Bruxelles, et donc la presse française. Il est hostile à l’avortement, loin d’être un acquis ou un « droit fondamental » en Pologne, et peu en faveur du lobby LGBT+. Il soutient le charbon, exploité en Pologne, et souhaite faire abandonner le pacte vert européen par un référendum. Pour Actu.fr, Karol Nawrocki est un « candidat nationaliste », « anti-immigration, fan de Donald Trump. » Pour Sud-Ouest, il incarne « un revers symbolique fort pour Bruxelles, en particulier sur la question de l’État de droit », ce qui sous-entend que Karol Nawrocki ne prévoit pas de respecter ledit Etat de droit. France info tire les mêmes conclusions en expliquant que le nouveau président « pourrait raviver les tensions » sur ce sujet.
Quand les Polonais remettent l’aide à l’Ukraine en question
Karol Nawrocki a également remis en question l’accueil de migrants ukrainiens, déplorant le fait que les Polonais aient du mal à accéder aux soins. Il regrette une certaine « insolence » de Volodymyr Zelenski et refuse farouchement que l’Ukraine entre dans l’Union européenne et l’OTAN. Des positions qu’on ne lui pardonne évidemment pas. Sud-Ouest rappelle que « depuis l’invasion russe en Ukraine en 2022, la Pologne a accueilli des centaines de milliers de réfugiés en provenance de son voisin déchiré par la guerre », et que parmi ces réfugiés se trouvent « principalement des femmes et des enfants ». Sans remettre en question le drame vécu par les réfugiés ukrainiens, l’élection polonaise montre que l’accueil des réfugiés n’est jamais neutre pour le pays d’accueil, et qu’il constitue un effort trop peu reconnu.
La Pologne, pays martyr
Dans les colonnes médiatiques, le bruit des bottes résonne comme un disque rayé, mais continue à être joué. Le Figaro Vox, publie la tribune de Patrick Gautrat, ancien ambassadeur de France en Pologne. Il y explique que « la Pologne a connu tout au long de son histoire nombre d’heures de gloire mais également de terribles tragédies dont certaines résultaient en partie de ses propres erreurs » et qu’elle « semble devoir connaître à nouveau turbulences et infortunes. » La victoire de Karol Naworcki s’explique par de « mauvais démons » (sic) « plus agressifs que jamais », qui se sont manifestés dans un « combat sans merci » contre, suppose-t-on, les anges de Donald Tusk.
Comment les médias rassurent les Français
Alors que les idées conservatrices prennent de plus en plus de place en Europe, les médias veulent rassurer les Français : ces idées n’ont que peu de poids. Sud-Ouest affirme que « le futur président exercera une influence limitée sur la politique étrangère » qu’il « ne devrait pas faire dérailler les chantiers européens », que « les pouvoirs du président sont limités » et que « c’est son premier ministre Donald Tusk, résolument pro-européen, qui représente la Pologne aux sommets entre dirigeants ». Par ailleurs, certains titres tentent de minimiser la victoire de Karol Nawrocki, procédé plus rarement usité lorsque la gauche arrive au pouvoir. France info précise que Karol Naworcki ne l’emporte qu’après un « scrutin indécis », « alors que le candidat pro-européen Rafal Trzaskowski avait d’abord été donné vainqueur d’une courte tête ». Il est permis de se demander si France info aurait fait la même remarque avec des rôles inversés. D’autant que la victoire de Karol Nawrocki était prévue par les sondages.
La victoire de Karol Nawrocki et du PiS, et surtout son traitement, montrentune fois de plus que certains médias ne sont pas prêts à la modification politique que vit l’Europe. On apprend aussi, ce qui est plus grave, qu’ils ne s’y préparent pas, et restent donc cloîtrés dans un monde qui, s’il est peut-être confortable, rend leur mission d’information bien difficile à remplir.
Adélaïde Hecquet