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La libération de Boualem Sansal provoque un séisme politico-médiatique en Algérie

17 novembre 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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La libération de Boualem Sansal provoque un séisme politico-médiatique en Algérie

Temps de lecture : 5 minutes

La libération de Boualem Sansal provoque un séisme politico-médiatique en Algérie

La polémique ne fait qu’enfler en Algérie depuis l’annonce, le 12 novem­bre, de la grâce accordée par le prési­dent Abdel­mad­jid Teb­boune à l’écrivain fran­co-algérien empris­on­né depuis un an.

Dans leur grande majorité, les Algériens ne com­pren­nent tou­jours pas le sens d’une déci­sion qui leur sem­ble injus­ti­fi­able à tout point de vue. Si les médias publics et para­publics (ain­si se définis­sent les jour­naux ou télévi­sions de statut privé dépen­dant du finance­ment de l’État) se lim­i­tent à repro­duire un dis­cours lénifi­ant sur cette grâce, en la jus­ti­fi­ant par le souci de « déjouer une manœu­vre visant à désta­bilis­er le pays », les réseaux soci­aux sont dom­inés par des réac­tions ulcérées, y com­pris, fait rare, chez les opposants au régime.

Un discours lénifiant

D’El-Moud­jahid, organe cen­tral du gou­verne­ment, à Echorouk, quo­ti­di­en anci­en­nement de grande audi­ence, en pas­sant par Le Soir d’Algérie, la presse écrite algéroise a repris tel quel un com­mu­niqué de la prési­dence de la République. Ce qui donne à lire, en fait, un seul et unique article !

D’autres médias proches de la sphère offi­cielle osent des com­men­taires tri­om­phal­istes, comme c’est le cas du site Algérie Patri­o­tique, fondé par l’ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar.

« En orches­trant la libéra­tion de Boualem Sansal sous le signe de l’ami­tié algéro-alle­mande, écrit l’éditorialiste, Alger a délibéré­ment con­tourné Paris […] et envoyé un mes­sage clair : la sou­veraineté algéri­enne n’est pas négo­cia­ble, et les manœu­vres de la France n’ont plus la moin­dre influ­ence sur les déci­sions de l’É­tat algérien. »

Humanisme à deux vitesses

Plus cri­tique, le site indépen­dant TSA (Tout sur l’Al­gérie) analyse la libéra­tion de Boualem Sansal sous l’an­gle de la reprise du dia­logue fran­co-algérien. Dans un arti­cle, ce média écrit à ce propos :

« Après Bruno Retail­leau, c’est un deux­ième gros ver­rou de blocage de la rela­tion fran­co-algéri­enne qui saute avec la grâce prési­den­tielle ». L’auteur souligne que « cette affaire, sur­v­enue en novem­bre 2024, a com­pliqué la rela­tion bilatérale, déjà entrée dans une phase de brouille depuis juil­let de la même année ». 

De son côté, Le Matin d’Al­gérie, un des rares sites cri­tiques (inac­ces­si­ble sans VPN), dénonce une grande hypocrisie : « Ce geste survient après une con­damna­tion ferme et ce même jour où par­al­lèle­ment une autre per­son­ne, un jeune poète, est lour­de­ment sanc­tion­née », ce qui donne selon l’auteur l’impression d’un « human­isme à deux vitesses ».

Ce média met en avant l’idée que cette libéra­tion « sert plus des cal­culs diplo­ma­tiques, notam­ment vis-à-vis de la France, que de véri­ta­bles principes de justice ».

Les réseaux sociaux pris d’assaut par les opposants

Dans les réseaux soci­aux, les réac­tions sont plus débridées. Des tor­rents de com­men­taires et d’analyses d’influenceurs et d’activistes poli­tiques vont dans le même sens : les con­di­tions dans lesquelles cette grâce accordée à un homme qui a ouverte­ment assumé son révi­sion­nisme (par rap­port à l’histoire de la révo­lu­tion algéri­enne) ne font pas hon­neur à l’Algérie. Cer­tains appel­lent même à une mobil­i­sa­tion citoyenne. Ici, un florilège.

Le très pop­u­laire présen­ta­teur sportif de beIN SPORTS, Hafid Der­rad­ji, estime que « si cette déci­sion sert la dig­nité de l’Al­gérie, qu’elle soit suiv­ie d’un geste envers ceux qui ont été con­damnés pour leurs idées. C’est ain­si qu’on ren­force l’u­nité nationale ! », clame-t-il.

Pour l’avocat et ancien député du RCD, Hakim Saheb :

« La libéra­tion de Boualem Sansal ne doit pas faire oubli­er les autres voix bâil­lon­nées. Celles qui croupis­sent encore en prison pour leurs idées et leur mil­i­tan­tisme pacifique. »

En Algérie, il y aurait encore entre 200 et 250 détenus politiques.

L’is­lamiste Abder­rezak Makri, ex-prési­dent du MSP (Frères musul­mans), en veut, lui, au pou­voir en place de faire dans le deux poids deux mesures :

« La libéra­tion de Sansal, grâce à une inter­ven­tion étrangère, a‑t-il déclaré, sig­ni­fie que les accu­sa­tions de trahi­son offi­cielle­ment punies béné­fi­cient d’une pro­tec­tion étrangère, alors que l’ex­er­ci­ce du droit con­sti­tu­tion­nel à l’op­po­si­tion poli­tique ou à l’ex­pres­sion d’opin­ions intel­lectuelles est perçu comme un crime impardonnable. »

La guerre continue !

Sans se dire ouverte­ment hos­tiles à la libéra­tion de Boualem Sansal, la plu­part des opposants ont saisi l’occasion pour deman­der au chef de l’État de graci­er « d’autres détenus con­damnés pour des faits bien moins graves », comme l’écrit Soufi­ane Dji­lali.

Cette his­toire a aus­si fait réa­gir, avec autant de véhé­mence, les activistes exilés en France. Le jour­nal­iste Mohamed Sifaoui écrit dans ce poste sur X :

« Boualem Sansal est enfin libre ! Mais le peu­ple algérien est, lui, tou­jours otage du régime de Abdel­mad­jid Teb­boune depuis 2 163 jours », ful­mine-t-il.

Du côté des YouTubeurs, le ton est plus belliqueux. Pour Saïd Bensedi­ra, qui se dit proche des ser­vices de ren­seigne­ments algériens, le prési­dent Teb­boune « a trahi les mar­tyrs et les principes fon­da­teurs de la révo­lu­tion algéri­enne ». Il appelle la pop­u­la­tion à descen­dre dans la rue pour man­i­fester et exiger le départ du prési­dent et de son gou­verne­ment. « C’est la fail­lite morale de Teb­boune », lance, pour sa part, Abdou Sem­mar.

Une phrase assas­sine, pronon­cée à chaud par Boualem Sansa à son arrivée à Berlin le 12 novem­bre, et pub­liée par Le Point, est venue met­tre le feu aux poudres. À une demande de son inter­view­er (l’Algérien Kamel Daoud) de for­muler « une phrase opti­miste », le désor­mais ex-détenu répondait :

« Tu dis : “Bon­jour la France, Boualem revient. On va gagner !” »

La guerre ne fait que commencer.

Mus­sa A.

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