Pris pour cible par les médias publics, les partis de gauche et les mouvements antifascistes, Vincent Bolloré cristallise les colères d’une gauche inquiète de perdre son monopole culturel. Derrière la dénonciation d’un « empire réactionnaire », c’est bien le pluralisme induit par l’avènement des médias du groupe Lagardère qui dérange un système médiatique verrouillé et souvent subventionné.
L’art de détourner l’attention
La vidéo diffusée par L’Incorrect, révélant la connivence de deux figures du service public, Thomas Legrand et Patrick Cohen, avec des cadres socialistes a exacerbé les tensions entre médias publics et médias du groupe Lagardère.
L’affaire, sortie par un média qui n’a pas de lien avec Vincent Bolloré, est embarrassante pour Radio France et France Télévisions. Elle a déclenché une réaction en chaîne et a exacerbé une « polarisation » médiatique, comme le mot est à la mode, entre détracteurs, et surtout, défenseurs du service public au sein même du microcosme médiatique français. Plutôt que de s’interroger sur les errements de leurs journalistes, les dirigeants des médias publics ont choisi un coupable idéal : Vincent Bolloré.
Devant les sénateurs, Sibyle Veil et Delphine Ernotte ont multiplié les attaques contre les médias du groupe Vivendi : CNews, Europe 1, Le Journal du Dimanche, accusés de « mener une campagne de dénigrement » et d’incarner une « presse d’opinion ». Delphine Ernotte est même allée jusqu’à qualifier CNews de « chaîne d’extrême droite », au mépris du devoir de neutralité que commande son statut de dirigeante d’un média public. Une accusation politique qui, selon Pascal Praud, met, selon une autre expression à la mode, « une cible dans le dos » des journalistes de CNews.
Sous couvert de défendre « la pluralité » et « la démocratie », les directions de l’audiovisuel public ont donc ouvert un nouveau front : celui de la délégitimation de médias privés jugés trop libres ou trop populaires et surtout pas ancrés assez à gauche.
La gauche mélenchoniste à la manœuvre
Cette croisade médiatique n’est cependant pas l’apanage d’une guerre entre journalistes et médias interposés. La gauche parlementaire participe aussi de cette campagne.
À l’Assemblée nationale, le député Louis Boyard s’est offert sa « revanche », une fois élu député, contre Bolloré et Hanouna lors de la commission d’enquête sur les fréquences télé en mars 2024 après qu’il a été chroniqueur dans l’émission du second.
Son collègue Éric Coquerel, président de la commission des Finances, a promis d’aller « consulter le dossier fiscal de Bolloré » à Bercy. Objectif avoué : transformer l’homme d’affaires breton en symbole du capitalisme impuni.
Dans la rue, l’offensive s’est déclinée en slogans. En mai, l’eurodéputée Emma Fourreau (LFI) a pris la tête d’une « flottille militante », déjà, convergeant vers l’île du Loc’h, propriété de Bolloré, pour dénoncer son « empire médiatique tentaculaire ». Une mise en scène plus symbolique que politique, mais révélatrice d’un climat d’hostilité organisé.
Voir aussi : Président “woke”, guerre contre Bolloré… Cinq choses à savoir sur l’ARCOM
Antifas, écologistes et collectifs décoloniaux en renfort
À cette mobilisation politique s’est ajoutée une offensive militante coordonnée. Le site DesarmerBollore.net recense depuis juin 2024 une série d’actions contre les entreprises du groupe : occupations, dégradations, projections lumineuses, perturbations d’événements culturels, voire attaques symboliques de propriétés privées. En mai 2025, c’est avec ces organisations groupusculaires qu’a pris forme l’initiative de la « flottille antifasciste » en direction de l’île du Loc’h, pour échouer finalement sur une plage du Finistère.
Derrière les banderoles « Submergeons Bolloré » ou « Smash Fascism », on retrouve un patchwork de collectifs : Les Soulèvements de la Terre, Lever les Voiles, des associations LGBT ou climatistes. Tous entendent faire du patron de Vivendi le totem de toutes leurs luttes, du féminisme radical à l’écologie punitive.
Le bouc émissaire idéal
Dans les médias publics, au Parlement comme sur les quais de Bretagne, Vincent Bolloré incarne l’ennemi commode d’un système inquiet de perdre son monopole narratif. Ses chaînes : CNews en tête, en donnant la parole à des voix dissidentes sur de nombreux sujets, ont brisé une hégémonie éditoriale installée depuis des décennies.
Derrière la croisade anti-Bolloré semble se cacher la peur d’un pluralisme réel : celui qui ne se confine pas aux plateaux subventionnés. En s’érigeant en tribunal moral, le service public et ses alliés militants participent d’une opposition qui renforce probablement les défenseurs de l’homme d’affaires breton.
Voir aussi : groupe Bolloré, infographie
Rodolphe Chalamel


















