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Mort de Jean Pormanove : comment ce scandale a révélé la faillite de l’ARCOM

5 septembre 2025

Temps de lecture : 6 minutes
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Mort de Jean Pormanove : comment ce scandale a révélé la faillite de l’ARCOM

Temps de lecture : 6 minutes

Mort de Jean Pormanove : comment ce scandale a révélé la faillite de l’ARCOM

Véri­ta­ble drame dans le monde du stream­ing, le décès en direct du stream­er Raphaël Graven alias Jean Por­manove, dans la nuit du 17 au 18 août 2025, a choqué la France entière et a même été repris de manière mas­sive par la presse inter­na­tionale. Car son décès trag­ique, à la vue de tous, est rapi­de­ment devenu un scan­dale d’État dans l’hexagone, révélant notam­ment la fail­lite de l’ARCOM, cen­sée assur­er la sécu­rité des citoyens sur le web.

Mort en direct

Avec sa chaîne Kick aux 16 000 abon­nés, il était le stream­er français le plus regardé sur la plate­forme. Selon Le Nou­v­el Obs, il était aus­si le qua­trième stream­er le plus regardé et le plus pop­u­laire au monde. Raphaël Graven, alias Jean Por­manove, alias JP, ancien mil­i­taire de 46 ans, est mort en direct dans la nuit du 17 au 18 août 2025, à Con­tes, au nord de Nice, au cours d’un « livestream » sur la plate­forme Kick, qui durait depuis plus de 298 heures.

Mal­traité, vio­len­té et humil­ié pen­dant des mois par ses acolytes du « Lokal » – Naru­tovie (de son vrai nom Owen Cenazan­dot­ti) et Safine (Safine Hama­dide) –, Raphaël Graven aura ain­si vécu – jusqu’à sa mort – l’enfer à la vue de tous. Son décès trag­ique et en direct son­nera par là même le glas de l’impunité. Dès le 18 août, poli­tiques, jour­nal­istes, lanceurs d’alerte et inter­nautes inter­pel­lent en effet le gou­verne­ment et l’ARCOM, les accu­sant d’avoir man­qué de réactivité.

Depuis ce 18 août, la ques­tion est sur toutes les lèvres : com­ment un stream­er, vio­len­té depuis des mois, a‑t-il pu mourir en direct sur Inter­net alors même que le gen­darme de l’audiovisuel – cen­sé réguler les plate­formes et lut­ter con­tre les con­tenus illicites ou préju­di­cia­bles – avait reçu de nom­breux signalements ?

Huit mois de sévices

Comme l’a révélé Médi­a­part dans une enquête datant du 15 décem­bre 2024, Raphaël Graven, dont le passé avait déjà été jalon­né par de nom­breux sévices et brimades (plus jeune, il aurait notam­ment été bat­tu par son maître de stage en BEP mais égale­ment durant son ser­vice mil­i­taire), était vu comme quelqu’un « d’excessivement gen­til mais de vul­nérable à l’influence des autres ». Sur sa chaîne Kick, il était ain­si sou­vent mis en scène dans des séances d’humiliation présen­tées comme des « con­tenus à car­ac­tère humoris­tique », et ce pour le plus grand plaisir de ses view­ers qui, lors du dernier live de Jean Por­manove, avaient per­mis à la cagnotte de la chaîne d’atteindre près de 36 000 euros en dons.

Plus tôt, en févri­er 2025, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) avait pour­tant déjà alerté l’ARCOM en expli­quant que la dif­fu­sion de ces « actes […] pou­vait cor­re­spon­dre à des qual­i­fi­ca­tions pénales ». La LDH avait dans la foulée demandé au gen­darme de l’audiovisuel d’intervenir con­tre ces con­tenus man­i­feste­ment illicites en « sa qual­ité de coor­di­na­teur chargé de la mise en œuvre du Règle­ment européen sur les ser­vices numériques (Dig­i­tal Ser­vices Act – DSA) ». Mais la demande, révèle Médi­a­part, reste à l’époque let­tre morte.

Inaction de l’ARCOM

Face au scan­dale provo­qué par la mort de Jean Por­manove, l’ARCOM a finale­ment jus­ti­fié son inac­tion en expli­quant que la plate­forme Kick ne dis­po­sait pas de représen­tant légal en Europe et qu’elle n’était pas instal­lée en France. Pour­tant, à y regarder de plus près, l’article 13 du DSA dis­pose bien « qu’une plate­forme qui n’a pas de siège au sein de l’UE est dans l’obligation de désign­er un représen­tant légal au sein de l’UE ». À défaut, l’ex-CSA prévoit que « tous les États mem­bres dis­posent de pou­voirs de sur­veil­lance et d’exécution » (arti­cle 56–7).

En out­re, le prési­dent de l’ARCOM dis­pose, en ver­tu de l’article 42–10 de la loi du 30 sep­tem­bre 1986, d’un « out­il lui per­me­t­tant de s’attaquer effi­cace­ment à des con­tenus audio­vi­suels en ligne qui lui parais­sent con­traires aux principes dont l’ARCOM assure le con­trôle, et notam­ment le principe de dig­nité ». En clair : cet arti­cle lui per­met de saisir directe­ment le Con­seil d’État afin d’obtenir d’un ser­vice de vidéos en ligne « de se con­former à ces dis­po­si­tions, de met­tre fin à l’irrégularité ou d’en sup­primer les effets ».

L’embarras de la ministre déléguée au Numérique

Encore plus acca­blant, sur Twit­ter, le compte « Gabriel de Varenne » révèle qu’en avril 2025 l’Autorité nationale des jeux (ANJ) avait déjà réus­si à faire blo­quer en France des streams de jeux illé­gaux sur la plate­forme Kick, après une sim­ple mise en demeure (loi nᵒ 2010–476, art. 61, mod­i­fiée par loi nᵒ 2022-296).

Un énième élé­ment acca­blant pour l’ARCOM, qui sug­gère que cette dernière n’a pas effec­tué la tâche qui lui est pour­tant dévolue ou, pire, a sci­em­ment ignoré les sévices de Jean Pormanove.

Rap­pelons, en com­para­i­son, que l’ARCOM a été bien plus ferme et réac­tive envers les chaînes du groupe Bol­loré, et ce pour des faits jugés bien moins graves (C8 con­damnée à hau­teur de 3,5 mil­lions d’euros pour insultes à un député, mise en garde pour manque de plu­ral­isme adressée à CNews, non-recon­duc­tion de la fréquence TNT de C8, etc.).

Lire aus­si : L’ARCOM s’acharne sur CNews et Europe 1

Ces sanc­tions – tou­jours adressées au même groupe – ont large­ment sus­cité inter­ro­ga­tions et indig­na­tions sur la toile et dans les couloirs de l’Assemblée nationale quant à la neu­tral­ité sup­posée et les pri­or­ités davan­tage poli­tiques du régu­la­teur cen­sé assur­er la sécu­rité des citoyens sur le web.

La min­istre déléguée au Numérique Clara Chap­paz n’a pas échap­pé au scan­dale, le décès de Jean Por­manove ayant per­mis d’ex­humer l’enquête de Médi­a­part qui révélait que, dès 2024, la min­istre avait été sol­lic­itée par le jour­nal – sans qu’elle ne donne suite – quant aux sévices subis par le streamer.

Il aura fal­lu atten­dre la mort de ce dernier pour qu’elle sai­sisse l’ARCOM et la plate­forme Pharos, soit huit mois après les pre­mières alertes.

Inter­rogée à ce sujet le 21 août 2025 lors d’un pool de jour­nal­istes, Clara Chap­paz, à l’évidence embar­rassée, pein­era d’ailleurs à se jus­ti­fi­er, ren­voy­ant la faute sur l’ARCOM.

Un symbole du racisme anti-blanc ?

Le manque de réac­tion de l’ARCOM et des autorités com­pé­tentes pour­rait-il s’expliquer en par­tie par le prisme du tabou des tabous du « racisme antiblanc légitimé » ? François Bous­quet, auteur d’une enquête choc sur le racisme antiblanc, estime en effet que la mort du stream­er pour­rait faire écho à la légiti­ma­tion par les insti­tu­tions du racisme antiblanc.

Rap­pelons que l’ex-militaire très affaib­li a été con­tin­uelle­ment mal­traité par ses deux « bour­reaux », dont l’un des deux « Naru­to » avait déclaré être con­ver­ti à l’islam. Sur les dif­férentes vidéos en direct dif­fusées sur Kick, les stream­ers sem­blent en out­re pren­dre un malin plaisir à tor­tur­er et vio­len­ter JP, le menaçant d’ailleurs à plusieurs reprises.

Dans un stream, l’un deux ira même jusqu’à le traiter de « Roerk » – un nom de chien – et déclar­er : « On est en plein live, tu t’énerves, tu te mets à crier et tu fais un arrêt car­diaque ? Les gens vont s’en pren­dre à nous alors que c’est dû à tes 46 ans de vie minable. »

Jean-Charles Souli­er

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