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El Watan, le plus grand journal francophone algérien, tire la sonnette d’alarme

22 juillet 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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El Watan, le plus grand journal francophone algérien, tire la sonnette d’alarme

Temps de lecture : 4 minutes

El Watan, le plus grand journal francophone algérien, tire la sonnette d’alarme

En crise depuis plus de cinq ans, El-Watan, pre­mier quo­ti­di­en algérien d’expression française, lance un véri­ta­ble SOS avant de « met­tre la clef sous le pail­las­son », après 35 ans d’existence.

Dans un com­mu­niqué ren­du pub­lic le 14 juil­let 2025, et inti­t­ulé : « El-Watan men­acé de dis­pari­tion », la direc­tion du quo­ti­di­en explique que « l’impasse finan­cière actuelle » risque de lui être fatale, si l’État, à tra­vers l’Agence nationale d’édition et de pub­lic­ité (Anep), qui a le mono­pole de la pub­lic­ité insti­tu­tion­nelle et publique, n’intervient pas, en l’assurant de sa « quote-part ». Pour con­tin­uer à paraître, le jour­nal appelle au rétab­lisse­ment du con­trat pub­lic­i­taire le liant à l’agence offi­cielle, seule planche de salut con­tre la fer­me­ture défini­tive qui sem­ble imminente.

Chantage à la pub

En 2022, El-Watan avait reçu, pour la pre­mière fois depuis plus de vingt ans, des plages pub­lic­i­taires de l’agence éta­tique, après moult deman­des. Cela avait per­mis au jour­nal de respir­er, mais pas pour longtemps. Encore que tout cela avait un prix à pay­er. « Le jour­nal est obligé de mod­ér­er sa ligne édi­to­ri­ale, il com­mence déjà à le faire », nous con­fi­ait un jour­nal­iste qui a req­uis l’anonymat.

Dans les couliss­es, les pro­fes­sion­nels du méti­er reprochent à cet organ­isme offi­ciel de favoris­er les titres jugés acquis à la poli­tique du pou­voir en place, sans aucun regard aux per­for­mances, ni au lec­torat de chaque jour­nal. Si le gou­verne­ment jus­ti­fie son choix par un souci de venir en aide à des jour­naux défici­taires, en l’absence d’un fonds d’aide dédié à la presse, de nom­breux obser­va­teurs avisés de la scène médi­a­tique cri­ent à une ten­ta­tive de « capo­ral­i­sa­tion » de la presse écrite (et de l’ensemble des médias).

Les jour­naux trop cri­tiques se voient sys­té­ma­tique­ment privés de ces con­trats vitaux. Ils dépen­dent alors de finance­ments privés pré­caires et aléa­toires (ou par­fois occultes). Sachant que les abon­nements à la presse écrite (ou élec­tron­ique), en Algérie, sont encore loin de peser dans la balance.

Effondrement des ventes

Écrasés par une dette de 40 mil­lions de dinars (env­i­ron 265 000 euros), les respon­s­ables de ce quo­ti­di­en se plaig­nent, en plus de l’absence de pub, de l’effondrement des ventes en kiosque. Tirant à 163 000 exem­plaires en 2012, El-Watan a dégringolé à moins de 80 000 en 2017, pour se retrou­ver aujourd’hui à moins de 30 000 exem­plaires, selon des sources proches de ce jour­nal. Ce qui reste du plus grand tirage de toute la presse algéri­enne d’expression française.

Selon nos sources, El-Watan paie égale­ment les erre­ments d’une ges­tion interne, jugée « irra­tionnelle », aggravée par des luttes d’intérêt entre ses dix-huit action­naires qui se partageaient le pactole, à l’époque où le jour­nal fai­sait de gros béné­fices, grâce à ses ventes et ses ren­trées pub­lic­i­taires impor­tantes (provenant essen­tielle­ment des entre­pris­es privées, dont des con­ces­sion­naires auto­mo­biles aus­si prospères que Renault ou Peugeot).

Lutte pour la survie

El-Watan fait par­tie d’un quar­teron de jour­naux dits indépen­dants, lancés en 1990 dans le sil­lage des réformes menées par l’ex-premier min­istre Mouloud Ham­rouche. Tolérés, mais sou­vent harcelés par le pou­voir, ils sont rapi­de­ment arrivés à s’imposer comme des médias influ­ents et red­outés par les décideurs politiques.

La sit­u­a­tion s’est dra­ma­tique­ment dégradée pour la presse algéri­enne depuis les grandes man­i­fes­ta­tions pop­u­laires de 2019, par­al­lèle­ment aux restric­tions imposées par les autorités aux lib­ertés publiques en général, et à la lib­erté de la presse en par­ti­c­uli­er. Il faut dire que la dis­pari­tion, en 2022, de Lib­erté, quo­ti­di­en appar­tenant au plus grand groupe agroin­dus­triel du pays, Cevi­tal, don­nait déjà un avant-goût de ce qui attendait la presse écrite algérienne.

Tous les gros tirages ont été con­traints de « se ranger » pour se main­tenir en vie, dans une con­jonc­ture économique et poli­tique des plus hos­tiles, et face à la mon­tée en puis­sance d’une kyrielle d’influenceurs sur les réseaux soci­aux (pour la plu­part étab­lis à l’étranger et, par con­séquent, jouis­sant d’une plus grande lib­erté d’expression). Cette presse écrite doit aus­si s’accommoder de l’existence d’une presse en ligne qui, aujourd’hui, capte l’essentiel du lectorat.

Adèle François

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