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Royaume-Uni : cession de nouveaux titres à des hommes d’affaires arabes

16 juillet 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Royaume-Uni : cession de nouveaux titres à des hommes d’affaires arabes

Temps de lecture : 4 minutes

Royaume-Uni : cession de nouveaux titres à des hommes d’affaires arabes

Depuis le 15 mai dernier, les investissements étrangers sont autorisés au Royaume-Uni, jusqu’à 15 % dans la presse nationale.

Cette mesure a sus­cité une vive polémique et relancé le débat sur l’indépendance médi­a­tique dans ce pays aux longues tra­di­tions démoc­ra­tiques. La célérité avec laque­lle un groupe émi­rati (IMI), en parte­nar­i­at avec des Améri­cains (Red­Bird), a exprimé ses con­voitis­es pour racheter un célèbre quo­ti­di­en lon­donien, le Tele­graph, soulève de bien légitimes soupçons.

Après l’affaire des jour­naux bri­tan­niques pres­tigieux con­voités ou repris par des hommes d’af­faires émi­ratis (notre précé­dente enquête), un jour­nal emblé­ma­tique de la gauche bri­tan­nique, Tri­bune, vient d’être racheté par un mag­nat de la presse tunisien.

Tribune : un rachat historique mais qui ne fait pas l’unanimité

Deux semaines plus tard, l’annonce du rachat d’un autre titre en dif­fi­culté par un homme d’af­faires tunisien est tombée telle un couperet sur les milieux jour­nal­is­tiques bri­tan­niques qui appréhen­dent une déré­gle­men­ta­tion généralisée.

Le 2 juin, la chaine satel­li­taire Islam Chan­nel annonçait dans un com­mu­niqué que sa société mère, le groupe E Media présidé par Mohamed Ali Har­rath, pre­nait la direc­tion du mag­a­zine Tri­bune.

D’obédience trot­skiste, Tri­bune a été fondé en 1937 par des députés tra­vail­listes (Stafford Cripps et George Strauss) et a accueil­li des plumes de renom comme Aneurin Bevan ou Michael Foot.

Qual­i­fi­ant cette opéra­tion d’« his­torique », le com­mu­niqué promet de main­tenir la ligne social­iste et « anti-impéri­al­iste » du titre tout en lui four­nissant les moyens de croître (print aug­men­té, con­tenus numériques…).

Dans ses pre­mières déc­la­ra­tions, Mohamed Ali Har­rath a promis un « avenir meilleur et plus lumineux » pour Tri­bune et assuré que son indépen­dance édi­to­ri­ale serait « garantie ». Le jour­nal­iste et édi­teur Alex Niv­en reste aux com­man­des du con­tenu, assisté d’un con­seil con­sul­tatif com­prenant notam­ment le député tra­vail­liste Jon Trick­ett et Bhaskar Sunkara.

Voir aus­si : Les Émi­ratis par­tent à l’assaut de la presse britannique

Qui est Mohamed Ali Harrath ?

D’origine tunisi­enne, Mommed Ali Har­rath s’est instal­lé en Grande-Bre­tagne dans les années 1990. En 2012, il fonde une chaîne de télévi­sion à voca­tion islamique, Islam Chan­nel, et devient prési­dent d’E Media Group.

Selon la revue The Nation­al, Mohamed Ali Har­rath traine un passé d’activiste islamiste, et était attiré par les révo­lu­tions religieuses, à l’image de celle de l’Iran en 1979. Son canal a été plusieurs fois épinglé par Ofcom, l’organisme de régu­la­tion audio­vi­suelle : en 2010, cinq émis­sions ont été jugées coupables d’avoir « pré­con­isé le viol con­ju­gal et la vio­lence con­tre les femmes ».

Plus récem­ment, en 2023, le même organ­isme a infligé une amende de 40 000 livres ster­ling à Islam Chan­nel pour « dif­fu­sion de dis­cours antisémite ».

Islamogauchisme ?

Les obser­va­teurs de la scène médi­a­tique bri­tan­nique ne s’expliquent pas la nom­i­na­tion d’un homme avec un tel par­cours à la tête d’un média de gauche. Comme en France, les soupçons d’une col­lu­sion entre un courant de la gauche et l’islamisme sus­ci­tent des inquié­tudes sur le niveau d’infiltration du mou­ve­ment fon­da­men­tal­iste dans la société britannique.

Par­mi ces voix scep­tiques, le jour­nal­iste Paul Ander­son, ancien édi­teur de Tri­bune, qui a qual­i­fié cette opéra­tion de rachat de « plus bas niveau jamais atteint » et de « totale­ment étrange » dans l’histoire de la presse britannique.

Dans le camp adverse, le député Jon Trick­ett, venu de la gauche Cor­byn, appuie l’initiative en plaidant pour « une alter­na­tive aux médias du main­stream »… Pour lui, Tri­bune « doit rester ancré dans son héritage social­iste et internationaliste ».

Les réactions politiques

Le débat en Grande-Bre­tagne sur la per­ti­nence de la nou­velle loi, pro­mul­guée en avril dernier, autorisant la pos­ses­sion d’une entre­prise de presse par des action­naires éta­tiques étrangers con­tin­ue à faire réa­gir la classe politique.

Ain­si, le porte-parole des Libéraux-Démoc­rates a fustigé cette loi, la qual­i­fi­ant d’« insulte à la lib­erté de la presse » au Roy­aume-Uni. « Notre presse libre, a‑t-il déclaré, est la pierre angu­laire de la démoc­ra­tie bri­tan­nique et ne saurait être cédée aux puis­sances étrangères. » Les élus de ce par­ti ont même annon­cé leur inten­tion de dépos­er une motion en deux­ième cham­bre (cham­bre des Lords) pour faire annuler cette nou­velle législation.

En réponse, le gou­verne­ment argue du fait que le seuil « mod­éré » de 15 % n’ac­corde pas de con­trôle effec­tif aux États étrangers, dès lors qu’il empêche une prise de par­tic­i­pa­tion majoritaire.

Inter­pel­lée sur la ques­tion, la min­istre de la Cul­ture, Lisa Nandy, avait affir­mé ain­si qu’il s’agit d’une « approche équili­brée » : pro­téger la presse con­tre « le con­trôle d’État étranger » tout en autorisant les jour­naux à « lever des finance­ments » essentiels.

Mus­sa A.

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