Si le monde de la mode avait une reine, elle le serait incontestablement.
Anna Wintour, 75 ans, vient de quitter la direction de Vogue US, qu’elle occupait depuis 1988, soit près de 40 ans. Cette femme à l’allure mystérieuse et impassible excite depuis de nombreuses années la curiosité des tabloïds. Mais qui se cache véritablement derrière ce carré impeccable et ces lunettes noires ? 5 choses vous feront mieux connaître cette actrice iconique de la presse féminine.
Anna Wintour, ou la discipline à l’anglaise
L’une des caractéristiques premières que l’on connaît à Anna Wintour, c’est bien sa rigueur et son sérieux, jusque dans les moindres détails. À commencer par sa coupe de cheveux, reconnaissable entre mille au premier rang des défilés, qui n’a pas changé depuis ses 14 ans. La reine de la mode s’est imposée au fil du temps par son exigence incisive, que l’on peut remarquer si l’on connaît son emploi du temps. Levée à 5 heures du matin, Anna Wintour ne perd pas une seconde de sa journée en futilité : pas d’alcool ni de smartphone, on ne la voit pas plus longtemps d’une vingtaine de minutes en soirée mondaine. Et pour cause, elle se couche chaque soir à 22h15 précises. L’exigence de cette vie réglée comme du papier à musique, elle l’impose aussi à son entourage, et notamment ses assistants, qui sont quotidiennement à ses côtés pour obéir à ses moindres demandes. Et si cela vous fait penser au personnage d’un film célèbre, ce n’est pas anodin.
En effet, en 2006 sort au cinéma Le Diable s’habille en Prada. Inspiré du roman éponyme, il raconte la vie d’Andrea Sachs, assistante de Miranda Priestly, rédactrice en chef du magazine Runway. Les demandes capricieuses de cette dernière mènent la vie dure à la jeune femme, montrant ce monde terriblement cruel qu’est celui de la mode. Et cette histoire est écrite par… l’ex-assistante d’Anna Wintour, Lauren Weisberg. Bien qu’elle ait toujours nié s’être inspirée de son ancienne patronne pour créer le personnage de Miranda, on peut imaginer qu’elle tire de sa propre expérience quelques souvenirs et anecdotes du roman. « J’apprécie toujours une œuvre de fiction. Je n’ai pas encore décidé si je vais le lire ou non », avait déclaré Anna Wintour au New York Times, interrogée au moment de la sortie du livre. Aujourd’hui, un second volet du film est en préparation, et nul doute que les regards se tourneront encore vers elle.
Rebelle dans l’âme
On la surnomme « Nuclear Wintour » (de « nuclear winter » ou « l’hiver nucléaire ») à cause de sa froideur légendaire, mais elle n’en demeure pas moins une rebelle, si l’on en croit son parcours. Élève dans une école britannique stricte, Anna Wintour porte un uniforme qui ne lui plaît visiblement pas, puisqu’elle décide de raccourcir ses jupes elle-même pour les rendre plus à son goût. Une façon de faire qui se confirme lorsqu’elle refuse d’aller à l’université pour travailler directement dans la mode, ou qu’elle quitte son Angleterre natale pour découvrir New York en 1975.
À son arrivée aux États-Unis, son caractère innovant et visionnaire se retrouve chez Harper’s Bazaar, alors qu’elle occupe le poste de rédactrice adjointe de la mode : après avoir suggéré des changements de format pour les photographies, la jeune femme se voit licenciée neuf mois seulement après son arrivée dans le magazine. Dès ses débuts, Anna Wintour comprend ainsi que l’univers de la presse de mode est impitoyable, et qu’il lui faudra un mental d’acier pour réussir à atteindre son objectif : devenir rédactrice en chef du magazine Vogue.
Cette même époque aurait été, pour Anna Wintour, celle d’une idylle avec Bob Marley, le temps d’une semaine dans une destination restée secrète. Une aventure fantasque, que l’intéressée a réfutée dans une interview sur le plateau de James Corden en 2017, déclarant avec humour : « Je suis contente que vous me posiez cette question car c’est une fausse rumeur. Je n’ai jamais vraiment rencontré Bob Marley. Je suis vraiment désolée de vous décevoir. »
Une passion : le tennis
Quand elle n’est pas en front row d’un défilé de mode, la grande prêtresse de la mode n’en demeure pas moins une adepte des gradins, cette fois pour un tout autre spectacle : le tennis. En effet, Anna Wintour est une passionnée de ce sport, qu’elle pratique quotidiennement : chaque matin, il fait partie de sa routine pour bien commencer sa journée. On peut également l’apercevoir dans le public de tournois internationaux, aux côtés de son fils, ou d’autres stars du showbiz. Elle ne manque quasiment jamais l’US Open, et vient quelques fois à Roland Garros à Paris, ou bien Wimbledon, dans la banlieue de Londres.
Elle s’est aussi liée d’amitié avec certains joueurs, comme Roger Federer : lorsqu’il prend sa retraite en septembre 2022, elle rend hommage au joueur suisse dans son édito mensuel pour Vogue, et revient sur sa brillante carrière internationale :
« Je veux lever une raquette pour Roger, dans le respect, l’espoir et la gratitude ».
Une activité physique qui lui permet ainsi de s’aérer l’esprit, dans un quotidien surchargé où le moindre de ses gestes est analysé, suscitant parfois de nombreuses critiques.
Un engagement politique progressiste
Celle que The Guardian appelait « la maire non officielle de New York » n’a pas hésité à manifester ses convictions politiques, résolument progressistes. En 2000, elle soutient la candidature d’Al Gore, candidat démocrate. En 2012, c’est Barack Obama qui bénéficie de son aide, lorsqu’elle organise une campagne de levée de fonds pour financer sa réélection. Elle aurait même été pressentie par ce dernier pour occuper une place d’ambassadeur des États-Unis à Paris ou à Londres, sans résultat. En 2016, on la retrouve aux côtés d’Hillary Clinton en tant que conseillère en image, selon Business of Fashion. Elle montre même son soutien à la candidate sur le compte Instagram de sa fille Bee, en portant un tee-shirt de soutien.
L’une de ses préférences en matière de mode fait cependant débat d’un point de vue politique. Anna Wintour s’est en effet prononcée en faveur du port de la fourrure, qu’elle continue de montrer dans les pages de Vogue, et de porter elle-même. Cette position à contre-courant lui a valu un raton-laveur dans son assiette, lancé par un militant du mouvement PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) alors qu’elle déjeunait au Four Seasons de Manhattan. À la suite de cet incident, elle s’est entourée de deux solides gardes du corps, qui pourraient préserver son coûteux repas en cas de récidive des animalistes.
Directrice de rédaction et femme d’affaires
Anna Wintour est enfin et surtout une femme d’affaires, qui a construit sa fortune d’année en année, jusqu’à atteindre des sommets à l’heure actuelle. Selon le site américain Celebrity Net Worth, sa « valeur nette » serait de 50 millions de dollars, avec un salaire maximal de 4 millions de dollars par an, lorsqu’elle était rédactrice en chef. Si cette somme peut paraître totalement démesurée, elle est aussi à mettre en perspective avec l’évolution exponentielle de Vogue US depuis que la reine de la mode est à la tête du journal. Tiré à 1,3 million d’exemplaires, le journal américain est une vitrine de choix pour les marques, ce qui lui permet notamment d’être rentable grâce aux publicités : selon les chiffres de nos confrères du Figaro, une publicité couleur d’une page couterait environ 90 000 dollars. Au total, 300 millions de dollars de recettes seraient générés par an, uniquement grâce aux publicités.
La souveraine du style est également directrice du contenu de Condé Nast à l’échelle internationale, fonction qu’elle conserve après son départ de Vogue US. Ce groupe américain d’édition de magazines, fondé en 1909, détient parmi les plus gros titres de la presse des États-Unis : The New Yorker, Vanity Fair, Glamour… et Vogue, le fief d’Anna Wintour. « Je ne changerai pas de bureau, et ne déplacerai pas une seule de mes poteries signées Clarice Cliff, mais vais consacrer toute mon attention ces prochaines années à la direction internationale », a‑t-elle déclaré à ses employés le jour de sa démission, selon le New York Times. Les activités de cette dernière ne cessent donc pas à son départ de Vogue US, mais continueront bien dans une autre dimension, axée sur l’international.
Anna Wintour trouve également le temps de suivre des nouveaux créateurs et de les soutenir financièrement, par le biais du Vogue Fashion Fund, qui aide les jeunes créateurs à trouver leur place dans le monde si fermé de la mode. C’est enfin la responsable de l’organisation de l’évènement annuel incontournable dans le monde de la mode, le MET Gala, qui récolte des fonds pour le Costume Institute du Metropolitan Museum of Art de New York. L’édition 2025 de cette soirée a notamment battu tous les records, en levant 31 millions de dollars.
Le départ d’Anna Wintour de la tête de Vogue US n’est donc pas la fin d’une carrière bien remplie, fruit de décisions parfois à contre-courant et souvent novatrices. Elle ne quitte pas la scène ; elle change simplement de rôle. Plus internationale, plus influente, plus libre aussi. Après quatre décennies à façonner le style mondial, elle reste une force incontournable. Ni le pouvoir, ni l’élégance, ni la précision n’ont dit leur dernier mot.
Gersende Barrera


















