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Complément d’enquête sur CNews : la meilleure défense, c’est l’attaque !

2 décembre 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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Complément d’enquête sur CNews : la meilleure défense, c’est l’attaque !

Temps de lecture : 8 minutes

Complément d’enquête sur CNews : la meilleure défense, c’est l’attaque !

Tan­dis que Cnews cara­cole en tête des chaînes d’in­for­ma­tion et bat ses records d’au­di­ence, France 2 a choisi de pro­gram­mer jeu­di 27 novem­bre son émis­sion Com­plé­ment d’en­quête sur la méth­ode CNews. L’OJIM décrypte son déroulé qui a eu un effet com­pa­ra­ble à celui de l’arroseur arrosé.

Le choix du moment

Alors que la com­mis­sion d’en­quête par­lemen­taire sur l’audiovisuel pub­lic bat son plein, et que France TV et Radio France ont assigné Cnews en jus­tice pour « dén­i­gre­ment », la dif­fu­sion d’une émis­sion visant juste­ment à met­tre en accu­sa­tion Cnews sur­prend. Était-ce réelle­ment le moment opportun ?

La date de dif­fu­sion de ce com­plé­ment d’enquête avait été fixée à l’avance et coor­don­née avec la sor­tie de l’étude que l’ONG Reporters sans fron­tières (RSF) avait menée, étude à laque­lle France 2 avait eu accès à l’avance et qui devait con­stituer un temps fort de l’émission.

La jour­nal­iste ayant réal­isé l’émis­sion, Lilya Melkon­ian, admet­tait cepen­dant en creux que cette date n’é­tait pas for­cé­ment judi­cieuse. Elle voit en effet dans le main­tien de la dif­fu­sion « la preuve que l’in­for­ma­tion de France Télévi­sions est com­plète­ment indépen­dante de la direc­tion ». Nous com­prenons de ce pro­pos que, selon la jour­nal­iste, si la direc­tion avait été inter­ven­tion­niste, elle aurait cer­taine­ment repoussé la diffusion.

Dans les faits, le main­tien de cette pro­gram­ma­tion doit sans doute être relié aux attaques vir­u­lentes de Del­phine Ernotte con­tre CNews, notam­ment dans Le Monde, et à la procé­dure judi­ci­aire engagée con­tre la même chaîne. La stratégie est claire, c’est celle d’une com­bat­iv­ité renou­velée du ser­vice pub­lic con­tre ses détracteurs, et d’une polar­i­sa­tion, voire une antag­o­ni­sa­tion, du débat sur l’audiovisuel. Pour mieux faire oubli­er ses dif­fi­cultés et ses pro­pres turpi­tudes ? Nous lais­serons cha­cun se faire son opinion.

Controverse et coupures en catastrophe

L’objet prin­ci­pal de l’étude de RSF, dif­fusée offi­cielle­ment la veille de l’émission, était de mon­tr­er que Cnews détour­nait les règles sur le temps de parole.

Mais l’étude de RSF a immé­di­ate­ment été con­tred­ite par l’ARCOM qui affir­mait « ne pas avoir con­staté de détourne­ment des règles du plu­ral­isme poli­tique sur Cnews… Nos résul­tats ne sont pas ceux de RSF, nous n’avons pas de doute », et qui sem­blait un peu frois­sée : « S’il y en avait eu, nous les auri­ons iden­ti­fiés et nous seri­ons inter­venus ». L’ARCOM fait même le con­stat inverse d’une sur­représen­ta­tion de LFI ou du PS sur la péri­ode observée.

Ce désaveu de l’étude RSF par le gen­darme de l’audiovisuel était si net qu’il s’en est suivi un débat interne à France TV, et la demande de la direc­tion de couper en urgence cer­tains pas­sages de l’émission. Notons que, con­traire­ment à ce qu’affirmait Lilya Melkon­ian, la direc­tion sait donc être inter­ven­tion­niste lorsqu’elle le juge néces­saire, ce qui est heureux. Mal­heureuse­ment, les coupures effec­tuées en urgence ont été incom­plètes ; l’animateur Tris­tan Waleckx a ain­si fait référence dans la séquence des fau­teuils rouges à des extraits et des graphiques qui avaient été coupés dans l’émission, ren­dant ces pas­sages totale­ment incohérents.

Soit dit en pas­sant, il est intéres­sant d’observer com­ment un appren­ti-con­trôleur (RSF) entend con­trôler le con­trôleur offi­ciel (l’ARCOM), com­ment celui-ci se reb­iffe pour pro­téger son mono­pole du con­trôle, et com­ment les résul­tats de cette étude sont mal­gré tout com­plaisam­ment repris, notam­ment par Le Monde, Le Nou­v­el Obs, L’Humanité, Libéra­tion, Huff­in­g­ton­post et Téléra­ma. Jean-Louis Bor­loo dis­ait récem­ment que la France était dev­enue un pays de con­trôleurs. De ce point de vue, il n’avait pas tort.

Les personnalités ciblées

Deux per­son­nes, Pas­cal Praud et Vin­cent Bol­loré, con­cen­trent les critiques.

Les autres jour­nal­istes vedettes que sont Lau­rence Fer­rari, Sonia Mabrouk et Chris­tine Kel­ly sont com­plète­ment ignorées, ce qui est regret­table pour des incar­na­tions aus­si fortes.

Pas­cal Praud est décrit comme « un ancien jour­nal­iste sportif », et à 23 ans comme « très pré­ten­tieux, sachant tout, un petit c… », « aimant la polémique » et don­nant son avis per­son­nel dans les émis­sions. Mais d’autres inter­venants esti­ment qu’il est aus­si « très cul­tivé », « pro­fes­sion­nel », « fidèle en ami­tié », « ayant le sens du rythme (d’une émis­sion) », « per­son­nage de théâtre » et « beau­coup plus ouvert que l’image qu’il donne ». Bref, il appa­raît comme un per­son­nage cli­vant et pop­uliste, mais pas totale­ment dénué de cer­taines qualités.

Le por­trait dressé de Vin­cent Bol­loré est bien pire : « un proche de Nico­las Sarkozy », « mar­qué à droite », « voulant con­stru­ire un empire médi­a­tique pour impos­er ses idées », « catholique, fer­vent pra­ti­quant », « fait des pèleri­nages », « a des images pieuses dans son porte­feuille » et « ayant per­mis l’ascension d’Éric Zem­mour ». Dans la mono­cul­ture du ser­vice pub­lic, ces qual­i­fi­cat­ifs incar­nent le mal. Le grand patron Vin­cent Bol­loré est bien l’instigateur caché, sans qui rien de cela ne serait arrivé.

Alain Minc, après avoir cri­tiqué sa final­ité idéologique, estime que Vin­cent Bol­loré est « un grand entre­pre­neur ». Mais en fait, cela ne fait que le ren­dre plus dan­gereux puisqu’il met ce tal­ent au ser­vice d’un pro­jet mau­vais. Il est aus­si dit que Vin­cent Bol­loré s’est rad­i­cal­isé idéologique­ment depuis le début de son aven­ture dans les médias. Ce point est dif­fi­cile à éval­uer. Mais en même temps, il est crédi­ble d’imaginer qu’une per­son­ne qui est ain­si ciblée et extrême-droitisée n’en ressorte pas sans quelques traces.

Des arguments peu convaincants

Il ne reste finale­ment de l’étude RSF qu’une analyse « sci­en­tifique » du vocab­u­laire util­isé à l’antenne, qui mon­tre que les mots « immi­gra­tion » et « islam » sont davan­tage util­isés sur CNews que sur les autres chaînes d’information en con­tinu. Voilà une révéla­tion qui n’a prob­a­ble­ment sur­pris per­son­ne. Tout ça pour ça, est-on ten­té de dire.

Pour ten­ter de démon­tr­er que CNews pra­ti­querait la dés­in­for­ma­tion, Com­plé­ment d’enquête s’appuie large­ment sur les sanc­tions de l’ARCOM. Les lour­des con­damna­tions de CNews sont un fait incon­testable. Il y aurait cepen­dant beau­coup à dire sur la mul­ti­pli­ca­tion des sig­nale­ments à l’ARCOM et sur les motifs des sanc­tions, mais cela n’est pas notre sujet ici.

Il est d’autre part révélé comme un grand scoop que Cnews demande à ses jour­nal­istes de pré­cis­er les nation­al­ités, lorsqu’elles sont con­nues, des vic­times comme des fau­teurs de trou­ble. Et pourquoi faudrait-il taire cette infor­ma­tion factuelle ?

CNews s’efforcerait d’établir un lien entre immi­gra­tion et insécu­rité. Pour­tant, selon com­plé­ment d’enquête, « ce lien de causal­ité entre étrangers et insécu­rité n’existe pas, et c’est la sci­ence qui le dit ». La sci­ence, ce sont en l’occurrence les travaux du CEPII, un « cen­tre de recherche rat­taché au gou­verne­ment » pour lequel « toutes les études con­clu­ent à l’absence d’impact de l’immigration sur la délin­quance ». Comme le rap­pellera Philippe Bal­lard, invité sur­prise en fin d’émission, les chiffres offi­ciels du min­istère de l’Intérieur con­tre­dis­ent lour­de­ment cette affirmation.

Les autres argu­ments avancés à la suite de plusieurs mois d’enquête sont tout aus­si faibles.

Il est aus­si reproché à CNews d’avoir indiqué dans un ban­deau que des habi­tants de la ville de Char­en­ton-le-Pont s’étaient opposés à l’accueil de réfugiés gaza­ouis logés dans l’hôtel de ville. L’intervention du maire mon­tre que ces per­son­nes ont bien été accueil­lies dans un hôtel de Char­en­ton, mais ce n’était pas à l’hôtel de ville. D’autre part, il existe bien une péti­tion des habi­tants con­tre cet accueil, dont ni la pré­fec­ture ni la munic­i­pal­ité n’avaient été informées.

Enfin il y a la séquence dans laque­lle Prisca Thèvenot pointe une infor­ma­tion dif­fusée 2 jours avant le sec­ond tour des élec­tions lég­isla­tives de juil­let 2024 par le JDD, selon laque­lle le gou­verne­ment avait volon­taire­ment mis en pause des décrets d’application de la loi immi­gra­tion (de la même manière que Gabriel Attal avait sus­pendu quelques jours plus tôt la réforme de l’assurance chô­mage). Le JDD a main­tenu son infor­ma­tion et s’en est expliqué précisément.

Dans cette affaire, il ne s’agit plus de CNews, mais à ce stade le téléspec­ta­teur a com­pris depuis longtemps que la véri­ta­ble cible, ce sont tous les médias de droite.

La méthode CNews, puisque tel était le sujet

Des audi­ences en hausse con­tin­ue pour une chaîne qui pra­ti­querait la dés­in­for­ma­tion ? Il y a quelque chose qui cloche dans la démon­stra­tion qui est présen­tée. Plus pré­cisé­ment, il y a une réflex­ion un peu courte ; soit les Français aiment la dés­in­for­ma­tion et il faut les réé­du­quer, et peut-être nation­alis­er toutes les chaînes d’information ; soit au con­traire ils trou­vent sur CNews une vraie infor­ma­tion et des sujets qui les préoc­cu­pent et qui sont tus ou cen­surés sur l’audiovisuel public.

Dernier exem­ple en date de ces sujets : le 24 novem­bre, lors de la grande inter­view de CNews et Europe 1, la maman du jeune Elias assas­s­iné en jan­vi­er était reçue, et le rap­port de l’inspection générale de la Jus­tice qui a suivi cette affaire était évo­qué. Pour enten­dre les vic­times ou pour s’informer sur un rap­port très instruc­tif, le pub­lic n’avait pas d’autre choix que d’aller sur Cnews.

Et si le suc­cès de la chaîne était dû avant tout aux insuff­i­sances des autres médias, et notam­ment du ser­vice public ?

Francesco Bar­goli­no

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