Ils retournent leur veste… toujours du bon côté.
Les hebdomadaires et les quotidiens de France ont brillé en 2017 par leur bienveillance, voire par leur promotion sans ambages d’Emmanuel Macron. « Mozart de la finance », « surdoué », « dynamiteur », « la bombe », « la fusée Macron »… Le fondateur d’En Marche, qui a remporté la présidentielle 2017 à grand renfort de presse, a bénéficié cette année-là de surnoms plus dithyrambiques les uns que les autres. Depuis le temps a passé : après des scandales à répétition, une dissolution surprise en juin 2024 et des Premiers ministres qui sautent les uns après les autres, l’état de grâce du président est révolu et les médias l’ont bien compris.
2017, L’Express découvre un nouveau Jupiter.
En 2017, L’Express – hebdomadaire connu pour son positionnement au centre – était de ces journaux qui faisaient la part belle au président de la République. Guillaume Dubois, directeur de l’hebdomadaire, disait même d’Emmanuel Macron qu’il était celui « en qui plusieurs générations placent un bel espoir… ». « La France est jeune, la France y croit, la France est de retour », affirmait-il dans son édito.
De même, Christophe Barbier, ex-rédacteur en chef, chantait les éloges du jeune Jupiter :
« Quelque chose est né en ce début de mai [2017], plus inédit et plus radical encore que le chambardement de 1981. Il ne faut pas regarder ce que cette révolution a détruit, ruines encore fumantes des partis traditionnels et des ambitions d’antan, mais ce dont elle pose les premières pierres : des fondations qui s’appellent espérance et, peut-être, un édifice qui se nomme nouvelle France. »
Huit ans plus tard, et après de multiples crises (Gilets jaunes, crise covid, vente d’Alstom, affaire McKinsey, réforme des retraites…), le point de rupture a été atteint en juin 2024 lors de la dissolution de l’Assemblée nationale.
2025, L’Express : Jupiter pire président de la Vᵉ
Depuis, la presse française crie haro sur le président et L’Express n’est pas en reste. Le 7 octobre 2025, le journal a publié un éditorial d’Alain Minc, soutien de la première heure. Il y déclare :
« Emmanuel Macron est le pire président de la Vᵉ ».
Un jugement sans appel pour cet homme qui trouvait pourtant Emmanuel Macron « exceptionnellement charmant et intelligent » il y a quelques années.
🚨ALERTE INFO
Alain Minc, l’homme qui a fait entrer Macron chez Rothschild, vient de déclarer :
“Emmanuel Macron est le pire président de la Ve et j’ose espérer qu’il n’en est pas le fossoyeur..” pic.twitter.com/1kmfjakD32
— Tribune Populaire🌐 (@TribunePop23) October 9, 2025
2024, Le Point : Emmanuel Macron doit rester
Le Point, autre journal de centre-droit qui soutenait activement le président, a lui aussi décidé de tourner la page. C’est pourtant ce même journal qui consacrait sa une du 29 janvier 2020 au mari de Brigitte Macron en titrant :
« Qui ferait mieux que lui ? ».
Son mandat était déjà pourtant mis à mal par plusieurs scandales, dont l’affaire Benalla. L’ex-chargé de mission auprès du chef de cabinet du président de la République a en effet été condamné à trois ans de prison dont un an ferme.
Mais qu’à cela ne tienne, le journal a continué à soutenir le président jusqu’en 2024, comme dans l’éditorial de Christophe Ono-dit-Biot, directeur adjoint de la rédaction. Dans son papier, Christophe Ono-dit-Biot examine avec ironie les spéculations sur une possible démission d’Emmanuel Macron avant la fin de son mandat. Il y compare notamment la situation d’Emmanuel Macron avec des empereurs romains autocrates qui ont dû finir par abdiquer.
Mais le journaliste laisse entendre que « Macron ne réussira pas à empêcher les dégagistes de vouloir la jouer… quoi qu’il en coûte ». « S’il ne peut plus prétendre à une présidence jupitérienne, il entend tout de même rester trente mois encore aux commandes de l’État. »
Christophe Ono-dit-Biot clôt son article en déclarant :
« Heureux, c’est tout le mal qu’on souhaite au locataire de l’Élysée s’il décidait de ne pas attendre trente mois. »
2025, Le Midi Libre : Macron seul face à son chaos
Le Point – comme son pendant L’Express – va faire un virage à 180 degrés quelques mois plus tard avec la une, datée du 8 octobre 2025, au titre très explicite : « M. le Président, sortez la tête haute ! ». Et d’ajouter :
« Pourquoi une présidentielle anticipée en 2026 pourrait mettre fin à la crise ».
L’auteur, Nicolas Baverez, reprend d’ailleurs mot pour mot le souhait exprimé par Édouard Philippe, ancien Premier ministre macroniste et président du parti Horizons, d’une présidentielle anticipée, après l’adoption d’un budget pour 2026.
De même, dans la presse quotidienne régionale, le Midi Libre, qui qualifiait Emmanuel Macron de « surdoué face à son destin » le 9 mai 2017, titre le 7 octobre 2025 : « Macron seul face à son chaos ». Dès le lendemain, le quotidien en rajoute une louche, s’interrogeant :
« Macron de plus en plus isolé doit-il partir ? ».
La presse et le vote barrage : les meilleurs alliés du président
Il n’y a pas que la presse du centre et du centre-droit qui retourne sa veste : il y a aussi celle de gauche, Libération en est l’exemple parfait. Le journal fondé par Jean-Paul Sartre et Serge July avait publié une une désormais célèbre, la veille de l’élection présidentielle de 2017 :
« Faites ce que vous voulez mais votez Macron ».
Le journal s’est ensuite justifié sur Checknews, affirmant avoir « essayé (dans la limite de l’influence du journal) de contribuer à faire élire Macron » :
« Libération a fait un choix très clair lors du deuxième tour de la présidentielle : NON à Marine Le Pen. »
Le journal explique d’ailleurs que ce vote barrage n’est pas une revendication isolée mais celle de toute la gauche. Libération fera d’ailleurs de même en 2022 en partageant dans son journal des appels au « barrage républicain ».
Le ton n’est plus du tout le même en 2025. Le 7 octobre 2025, le quotidien de gauche montrait cette fois le trio Emmanuel Macron, Bruno Retailleau et Sébastien Lecornu, visages fermés, dépités, en les qualifiant « d’incapables ». Un retournement extrêmement tardif pour tous ces journaux qui ont à longueur de ligne défendu les politiques menées par le camp présidentiel.
🚨L’incroyable retournement de veste de Libération : en 2017, le journal Libération revendiquait tout faire pour faire élire Emmanuel Macron ; le journal subventionné le traite désormais “d’incapable”. pic.twitter.com/DIp1LFSsKg
— Observatoire du journalisme (Ojim) (@ojim_france) October 8, 2025
Plus haut le sommet, plus dure sera la chute. Cette maxime traduit le traitement médiatique du président jupitérien devenu persona non grata en quelques jours. Les médias cherchent vraisemblablement à se refaire une virginité après avoir porté à bout de bras Emmanuel Macron.
Reste à savoir qui sera la prochaine personnalité politique qui bénéficiera de la clémence de ces mêmes médias qui n’hésitent pas à imposer leurs vues aux Français… en attendant de la lâcher le moment venu. Lécher, lâcher, lyncher…
Jean-Charles Soulier


















