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Claude Chollet sur Remix News (en français)

22 juin 2023

Temps de lecture : 7 minutes
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Claude Chollet sur Remix News (en français)

Temps de lecture : 7 minutes

Claude Chollet sur Remix News (en français)

Remix est un site d’information numérique en anglais traitant principalement mais non exclusivement de l’actualité en Pologne, Hongrie et République tchèque. Claude Chollet leur a accordé deux longs entretiens. Voici le premier qui traite du sujet trop bien connu de la censure préventive et des menaces qui pèsent sur les libertés en France par l’extrême-centre, inquiet pour sa survie politique. Nous avons publié cet entretien en anglais le 20 juin, certains lecteurs l’ont réclamé en français, le voici, nous remercions Remix pour la traduction.

Exclusif : Le gouvernement français pourrait interdire les partis de droite et conservateurs en utilisant une méthode de censure « préventive », avertit le fondateur de l’Observatoire du journalisme (1e partie)

Claude Chol­let, fon­da­teur et directeur de la rédac­tion de l’Ob­ser­va­toire du jour­nal­isme, explique à Remix News qu’un nou­veau régime de cen­sure préven­tive, unique en son genre au sein de l’UE, mar­que une nou­velle étape dans la dérive autori­taire de la gauche libérale en France face au mécon­tente­ment pop­u­laire et à la con­tes­ta­tion sur des ques­tions clés comme l’im­mi­gra­tion et la lib­erté d’ex­pres­sion. 

Vous êtes le secré­taire de l’Institut Ili­ade pour la longue mémoire européenne et c’est vous qui avez par­lé au nom de cet insti­tut après l’interdiction préven­tive par le gou­verne­ment français de son col­loque qui avait été prévu pour le 21 mai. Vous avez par­lé d’un retour de la cen­sure préven­tive en France, l’Institut Ili­ade n’ayant jamais fait l’objet d’une con­damna­tion pour activ­ité ou pro­pos illicites, mais ayant sim­ple­ment été cat­a­logué « extrême droite » par l’équipe d’Emmanuel Macron. Avec le recul, pou­vez-vous nous en dire plus sur cette inter­dic­tion et sur ce que cela implique pour la lib­erté d’expression et la lib­erté d’association en France ?

Je pense qu’il faut revenir à la chronolo­gie. L’hommage à Dominique Ven­ner était prévu le dimanche 21 mai à 15 heures. Le ven­dre­di à 17 heures sur le site de Médi­a­part, qui est un site d’information générale d’extrême gauche, paraît un arti­cle d’un pseu­do-his­to­rien français, Nico­las Lebourg, sur Dominique Ven­ner, l’historien auquel nous voulions ren­dre hom­mage avec ce col­loque, pour l’anniversaire de son sui­cide à la cathé­drale Notre-Dame. Et cet arti­cle est fait à par­tir de fich­es des ren­seigne­ments généraux, c’est-à-dire à par­tir de fich­es de la police.  À 19h, la pré­fec­ture de police inter­dit notre hom­mage alors qu’il s’agissait d’un hom­mage privé ren­du dans un lieu privé sur invi­ta­tion. Et dans son inter­dic­tion, la pré­fec­ture de police reprend, en le para­phras­ant, l’article de Médi­a­part. Bizarrement, ce n’est qu’à 15h30 le lende­main, moins de vingt-qua­tre heures avant notre col­loque, que nous sommes infor­més. En France, il y a ce qu’on appelle un référé lib­erté qu’on peut dépos­er auprès du tri­bunal admin­is­tratif. Nous en avons déposé deux, le same­di à 18h et à 19h ;  le tri­bunal admin­is­tratif nous a répon­du le lun­di matin en dis­ant qu’ils ont été déposés trop tard…

Avec cette inter­dic­tion pour laque­lle nous avons, de fait, été privés de toute pos­si­bil­ité de recours, le préfet de police n’a bien sûr fait qu’appliquer les ordres du min­istre de l’Intérieur Gérald Dar­manin. Le motif de l’interdiction : les pro­pos qui pour­raient être tenus à notre col­loque à en fonc­tion de l’appartenance ou de la non-appar­te­nance de cer­taines caté­gories de pop­u­la­tion en fonc­tion de la race, de la reli­gion, de l’origine ou de la sex­u­al­ité etc. etc.

Cela veut dire que la France est entrée dans une jus­tice préven­tive où on juge  par avance ce que les gens pour­raient penser. C’est un ren­verse­ment com­plet de l’État de droit et notam­ment de la loi sur la presse de 1881 qui pro­tégeait non seule­ment la lib­erté de lib­erté de la presse, mais aus­si la lib­erté d’expression. Aujourd’hui en France, on estime que vous pour­riez dire quelque chose, en dis­ant que votre pen­sée n’est sans doute pas très bonne, qu’elle n’est pas dans les normes de la Déc­la­ra­tion des droits de l’homme et du citoyen – c’est exacte­ment ce que nous a dit la pré­fec­ture de police dans son inter­dic­tion – et que donc on préfère vous interdire.

C’est une chose unique et c’est très inquié­tant pour l’avenir des lib­ertés publiques mais aus­si pour les lib­ertés privées parce ce n’est plus seule­ment la lib­erté d’expression mais la lib­erté d’opinion qui est en cause. Depuis, nous avons déposé trois recours par l’intermédiaire de notre avo­cat : un con­tre le tri­bunal admin­is­tratif, qui aurait dû juger plus tôt notre référé lib­erté, un deux­ième devant le Con­seil d’État pour abroger la cir­cu­laire Dar­manin qui est la base juridique de l’interdiction, et un troisième con­tre le préfet de police pour dis­crim­i­na­tion poli­tique au titre de la loi Pleven.

En même temps, le Con­seil d’état, en France, est assez soumis au pou­voir exé­cu­tif puisque ses juges sont récom­pen­sés par des postes dans les min­istères quand ils ont bien jugé.

Je crains que ce ne soit exact, mais je pense qu’il faut quand même mar­quer notre posi­tion auprès du Con­seil d’État et du préfet. Cette bataille, nous ne la livrons pas unique­ment pour nous, mais pour tout le monde. On pour­rait imag­in­er demain qu’un par­ti poli­tique d’opposition comme le Rassem­ble­ment nation­al, Recon­quête ou la France Insoumise tienne un meet­ing et que ce meet­ing soit inter­dit en dis­ant que des pro­pos pour­raient y être tenus qui pour­raient être con­traires à la Déc­la­ra­tion des droits de l’homme et des citoyens ou con­traires à la République.

On peut même imag­in­er, je sup­pose, une dis­so­lu­tion comme pour Généra­tion Iden­ti­taire qui, finale­ment, n’avait rien com­mis d’illégal.

On peut main­tenant tout imag­in­er. La logique de cette inter­dic­tion n’est pas du tout juridique mais poli­tique. Le prési­dent Macron n’a plus de majorité claire à l’Assemblée nationale. Il ne sait plus très bien quoi faire. On voit qu’il y a une flam­bée de l’insécurité et des agres­sions. Il y a eu l’affaire d’Annecy tout récem­ment, avec des enfants agressés au couteau par un réfugié syrien, mais c’est tous les jours qu’il y a des vio­ls, des attaques, des cam­bri­o­lages, etc. Le bilan sur le plan de la sécu­rité est une cat­a­stro­phe absolue et le prési­dent Macron a d’ailleurs par­lé de décivil­i­sa­tion, ce qui est quand même intéres­sant et révéla­teur. Sur le plan de l’immigration, c’est un défer­lement absolu.

Et comme le bilan du min­istre de l’Intérieur, Gérald Dar­manin, est nul, il fait de la com­mu­ni­ca­tion en tapant deux coups à droite, et un coup à gauche, comme avec la dis­so­lu­tion du mou­ve­ment gauchiste, écol­o­giste, Soulève­ments de la terre. Au fond, c’est l’extrême-centre qui ne fait rien pour la sécu­rité, rien pour l’immigration sauvage, mais qui cherche à mon­tr­er aux Français qu’il lutte con­tre les méchants d’extrême gauche et d’extrême droite pour dire : « Dormez braves gens, vous êtes pro­tégés ». Et pour cela on assigne à volon­té les gens à l’extrême droite ou à l’extrême gauche.

Au fond, cela cache une cer­taine inquié­tude des autorités. Si cette inquié­tude se ren­force, on pour­rait imag­in­er que la répres­sion va se ren­forcer encore. Je crois il y a un raidisse­ment des autorités dû à un affaib­lisse­ment et à une grande inquié­tude : est-ce qu’Emmanuel Macron pour­ra aller jusqu’au bout de son mandat ?

Après l’interdiction de votre col­loque en France, vous êtes allé par­ticiper à une autre réu­nion de l’Iliade, mais en Ital­ie, je crois.

En effet, mais ce n’était pas un col­loque mais une présen­ta­tion de l’Institut Ili­ade organ­isée dans une librairie.

Cela peut-il être une solu­tion pour l’avenir d’aller organ­is­er des événe­ments de l’Institut Ili­ade dans des pays européens plus libres que la France ?

Ce serait vrai­ment à la dernière extrémité, mais pourquoi pas ? La lib­erté d’expression me paraît effec­tive­ment beau­coup plus grande en Espagne et en Ital­ie, deux pays que je con­nais bien. Cela vaut aus­si pour le Por­tu­gal, j’en suis cer­tain, mais pour l’Allemagne, je ne suis pas sûr. On pour­rait imag­in­er tenir à l’étranger un col­loque qui soit filmé puis mis sur inter­net. Mais cela voudrait dire que la sit­u­a­tion est vrai­ment dra­ma­tique si nous sommes oblig­és d’aller à l’étranger pour pou­voir nous exprimer libre­ment. Ce n’est pas inen­vis­age­able, mais c’est vrai­ment en dernier recours que nous feri­ons cela. On pour­rait aus­si le faire en Pologne, en Hon­grie ou en République tchèque, par exem­ple, ou ailleurs en Europe cen­trale, où il y a plus de lib­erté. Mais ce serait quand même une défaite.

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