Un peu plus d’une semaine après l’élection présidentielle, les premières nominations aux grands postes du gouvernement, savamment dosées en un spectre variant de l’ancienne gauche démocrate à la nouvelle droite populiste, lancent un avertissement à tous les parasites gouvernementaux, en particulier aux bureaucraties devenues obèses et dénuées de colonne vertébrale. Qu’en est-il exactement ?
Quarante-huit heures après son élection, Trump a lancé sa déclaration de guerre à l’État profond. Subliminalement, il nous dit : « vous ne me referez pas le même coup deux fois ! ». De plus, avec sa liste de nominations (au 14 novembre 2024), il démontre qu’il dispose (depuis de nombreux mois) d’un très vaste réservoir de cadres techniques, économiques, politiques, et polémiques (les paratonnerres) qui lui manifestent tous leur solide loyauté, adhérant pleinement à tous les chantiers des prochains mois : immigration, énergie, reconstruction, restructurations, tarifs douaniers, dérèglementations, innovations technologiques, construction d’un nouvel ordre économique international en substrat à la résolution des actuels et ineptes conflits (Eurasie, Proche Orient, Chine, etc.). Enfin, face aux blocages à attendre des « nevertrumpers » du Sénat, il se montre prêt à « passer en force » avec son équipe de syndics de faillite, visant là encore subliminalement les caillots du système: « la population ne supporte plus d’être dirigée par la clique des pompeux pantins des oligarques, donc gare à vous, les asservis aux donateurs ! ».
Les observateurs du monde libéral-libertaire s’étouffent
Naturellement, les observateurs s’étouffent sur les nominations-paratonnerres (par exemple, à la Justice, Matt Gaetz, dialecticien efficace – voir ici sa joute avec le directeur du FBI et le ministre de la justice de Joe Biden–, ou à la défense, Peter Heghseth, fervent soutien d’Israël, ou encore « l’espionne russe Tulsi Gabbard » nommée à la Direction du Renseignement (« DNI ») pour superviser la CIA et les autres agences de renseignement du pays, sans oublier « l’antivax » Kennedy nommé à la tête du ministère de la Santé, supervisant ainsi fonctionnaires et agences qui contrôlent santé, médicaments, technologies médicales, et agroalimentaire), cependant que les habituels paresseux de l’auto-critique commencent à comprendre que, comme ce fut le cas avec Nixon et Obama, ce sera bien la maison Blanche qui dirigera le pays, et non pas les ministères et les agences suspectés de corruption chronique autant que de collusion perpétuelle avec la galaxie des lobbies. Le journaliste Bill O’Reilly est l’un des rares à avoir compris que toutes les politiques seront écrites ! promulguées, et instrumentée à partir de la Maison Blanche, où la directrice de cabinet de Trump (la « Chief of staff » Susie Wiles) sera à la manœuvre avec quelques adjoints clés, en particulier Steve Miller, fidèle des fidèles, qui sera en charge de l’accomplissement par les ministères des plans et projets politiques de l’administration Trump.
Cela s’explique bien sûr, avant d’entrer dans le vif du sujet, par le fait que la « coalition Trump » a puissamment gagné l’élection du 5 novembre dernier. Comment expliquer ce raz de marée ?
– Corrigeons d’abord. Il s’agit certes d’une victoire nationale massive pour la coalition et ses satellites dans le cadre de l’élection présidentielle (la carte du pays est passée pratiquement et totalement au rouge républicain). Mais la performance des candidats parlementaires républicains a été poussive, voire catastrophique : Trump a fait mieux que ses candidats dans chacune de leurs circonscriptions. Ceci explique qu’en dépit du raz de marée, après huit jours de comptes et de décomptes, les républicains de la Chambre ont à peine franchi la barre de la majorité (faisant moins bien que leur score pitoyable de 2022), cependant que subsiste encore au Sénat, qui n’a constitutionnellement fait l’objet que d’un renouvellement partiel, un cacochyme noyau dur de « RINOS » (Republicans In Name Only). Ces haineuses créatures des lobbies, extrêmement connectées à la planète donateurs, connaissent les ficelles du régime des partis ; elle feront tout pour sauver le marécage contre le danger existentiel que Trump représente pour les oligarchies. Ce qui risque d’invalider l’apparente majorité de Trump au Sénat. En fait, les républicains des deux chambres ne sont pas tous trumpistes. Sociologiquement prédéterminés par un dressage pavlovien vieux de cinquante ans, ils auront tendance à se coucher à la moindre intimidation. Et cela va sans dire : leur loyauté n’ira pas nécessairement au pays ou à la Constitution, mais bien à ceux qui leur procurent les fonds pour se faire réélire… en attendant de pantoufler dans les grandes entreprises.
Restons sur ce point et pouvons-nous préciser ce que « trumpisme » veut dire aujourd’hui ?
Avant l’élection, le trumpisme avait trois composantes : le mouvement MAGA (Make America Great Again), au parfum d’isolationnisme populiste, le mouvement America First, sorte de nationalisme impérial à la Teddy Roosevelt sur le modèle du XIXe siècle, et enfin le conservatisme constitutionnaliste furieusement attaché aux libertés individuelles régulièrement mises en brèche depuis le milieu du XXe siècle par la centralisation constante de l’État fédéral. Ces trois courants ont été pilotés selon les circonstances par Trump, seul politicien jusqu’ici capable de les coordonner efficacement en proposant un adversaire commun : le mirage de l’hégémonisme absolu (coûteux en or et en sang) né de la chute du soviétisme, et vibrant d’une sorte d’ivresse impériale wokiste qui ne bénéficie qu’aux oligarchies.
Il faudrait donc comprendre que le culte de l’hégémonisme mondial a été bridé par Trump et ce nouveau parti républicain ?
Il est vrai que l’hégémonisme avait principalement misé depuis Hillary Clinton sur un parti démocrate en voie de soviétisation tyrannique (il avait depuis longtemps abandonné les classes industrielles), ainsi que sur une pudibonde classe médiatique et judiciaire de type Nord-coréen. Le parti républicain, quant à lui, avait amorcé une transition en laquelle ne reste plus aujourd’hui en son sein qu’une minorité, parmi les élus et anciens élus, de cyniques réfractaires à la vox populi, que ce soit par intérêt, absence de conviction, ou tout simplement d’intelligence. Ils raisonnent en vase clos et conservent un pouvoir de nuisance. Cependant que la base du parti des militants est animée d’une main de fer par la bru de Donald Trump visant un renouvellement qui prendra encore deux ou trois années à coaguler.
Trump a dynamisé les trois familles historiques de son mouvement, et cela aura suffi pour gagner l’élection ?
Non ! Ces trois mouvements ne lui auraient jamais permis de passer la barre des 47%. C’est bien pour cela que les médias, les instituts de sondage, et les punaises de sacristie médiatiques se trompaient en croyant dur comme fer que Trump ne pourrait pas gagner, quand bien même on lui opposerait un manche à balais. Il suffirait pensait-on de faire peur à l’électorat « modéré » des banlieues aisées, de fixer les femmes sur le thème de l’avortement, puis d’aller chercher dans les « plantations » (pour reprendre l’expression aux combattants noirs des droits civiques réfractaires à l’hypocrisie des présumés libéraux) les habituelles cohortes « garanties d’avance » d’électeurs afro-américains et hispaniques, et le tour serait joué. Or cela n’a pas fonctionné, les afro-américains comme les hispano-américains n’ont pas suivi.
Donc « l’intersectionnalité » (précédemment discutée dans ces colonnes), n’est plus de mode ?
C’est exact, nous en avions parlé ici. La baudruche du wokisme s’est effondrée, et pour deux raisons. La première tient au fait que la campagne de Trump s’est inscrite dans une logique de « lutte des classes » et non de guerre des sexes, des genres, ou des races. Il a présenté un schéma simple : l’affrontement réside entre « ceux d’en haut » (les prédateurs) et « ceux d’en bas » (les victimes) ; allons donc ensemble procéder au nettoyage des écuries d’Augias. Concomitamment, et pratiquement par accident, et ceci aura surpris bien des observateurs, Trump a su réveiller le dragon du virilisme, carburant de la révolte, à laquelle les femmes se sont ralliées pour une part non négligeable (à l’exception des babyboomers de niveau universitaire). Ajoutons que dans cette phase de reconquête culturelle, autant son aspirant à la Vice-présidence, JD Vance, que son « idéologue » Tucker Carlson ont remarquablement contribué à cet éveil masculin. Auparavant les hommes restaient dans le placard.
Une nouvelle « intersectionnalité » serait ainsi en train de naître. Mais cela n’était pas encore suffisant pour gagner ?
En effet ! Car « les politiques et programmes de circonstance» ne suffisent plus à convaincre une population générale bien trop intelligente pour se laisser berner par quelque technocrate magicien. Cette dernière a fait montre d’une conscience de la réalité bien supérieure à celle de la bulle des élites. Pour la première fois, dans cette élection, l’inconscient collectif a bien perçu qu’il ne s’agissait pas seulement de proposer des mesures « techniques » pour régler un problème. La majorité des électeurs se sentaient confrontés à une menace d’asservissement ; il s’est agi pour la campagne Trump d’abord de changer le problème, de le déplacer, autrement dit de le mettre entre parenthèses afin de pouvoir le régler. Et ce problème c’était le « régime » américain lui-même, qui était « sorti » de la bouteille de la Constitution, ne voulant plus y retourner. Il fallait donc changer de régime et « tout casser » là où cela bloquait, particulièrement dans les bureaucraties. Autrement dit, comme l’aurait dit Schumpeter, il fallait innover et procéder à une « destruction créative » permettant une réinitialisation de l’ordinateur. Faute de quoi il aurait été impossible de nettoyer les écuries. Il fallait donc pour ce faire importer des « gros calibres » dans l’équipe.
D’où l’entrée dans l’arène de RFK junior et de l’innovateur Elon Musk immédiatement après la première tentative d’assassinat de Trump. Avec eux, la « pensée latérale » devenait crédible, il était permis aux électeurs d’espérer qu’il serait effectivement possible de redresser l’économie, supprimer l’inflation, faire rentrer le capital étranger sur le sol américain, redevenir la puissance énergétique mondiale, contrôler son immigration, mais aussi rêver à des aspirations plus hautes : la santé de la population (en particulier des enfants), la restauration des libertés publiques par la fin de la censure, la remise en cause des corruptions bureaucratiques (des économies majeures en découlant – on parle de deux mille milliards de dollars, soit un tiers des dépenses gouvernementales), la fin des guerres à des fins privées, la restitution de l’éducation des élèves aux états et aux parents, etc.
D’où l’urgence à constituer une équipe axée sur la transformation. Mais comment cette équipe va faire pour mettre en application le changement de régime attendu en seulement deux ans ? Car c’est bien de deux ans dont il s’agit ?
Commençons par le commencement : le premier écueil sera de faire valider les nominations par le Sénat. Trump a bien compris que le temps joue contre lui. En 2016, Trump était arrivé en place alors que sa perte avait déjà été décidée puis mise en route par l’État profond. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Il a immédiatement mis en place une équipe pratiquement complète (préparée de longue date), afin de prendre de court les républicains du Sénat dont il sait qu’une solide minorité lui est hostile. En présentant tout en bloc sa liste de « révolutionnaires », il lui faudra profiter de sa lune de miel pendant que les démocrates pansent leur plaies, et surtout devra-t-il passer en force au Sénat en jouant du tribunal de l’opinion publique lorsque les républicains saboteront ses nominations.
Quelle est l’approche de cette équipe et pour quel programme ?
Le dénominateur de toute l’opération repose sur le principe de la restructuration d’entreprise. L’entreprise Amérique va mal, ses dirigeants sont en rupture d’exclusivité, certains travaillent pour la concurrence, ses équipes d’exécution font passer les intérêts des fournisseurs avant ceux des actionnaires et des clients, le cashflow part à vau‑l’eau, les budgets sont automatiquement reconduits depuis la nuit des temps, les investissements sont commandités par une clique de profiteurs qui dominent et manipulent les équipes managériales, la dette devient pharaonique, les employés sont en mauvaise santé, obèses, ou se droguent, etc. Une fois ce constat réalisé, il faut procéder à l’audit de chacune des divisions de l’’entreprise, vérifier sa raison d’être, examiner les gaspillages, imaginer les réductions de coûts atteignables grâce à de nouvelles technologies (l’IA, par ex).
Ce qui revient à passer au crible tous les ministères ? Mais aussi à remettre en cause, ne serait-ce qu’au motif financier, toutes les politiques d’engagement de dépenses à court et long terme, non seulement au pays mais sur toute la planète ? Voire dans l’espace intersidéral ? Par exemple la politique étrangère, la politique énergétique, la politique des ressources agricoles et écologiques, la quête spatiale de demain ?
– Ce sont très exactement les chantiers du siècle ! Si la Chine avait lancé les routes de la soie pour anesthésier « l’occident », le triumvirat Trump-Kennedy-Musk utilise pour sa part le levier de l’innovation garante de la lutte contre la corruption pour accomplir de façon plus efficace certaines politiques traditionnelles de redressement qui n’auraient aucune chance de réussir aujourd’hui avec les personnels existants. Le triumvirat propose ainsi un schéma archéofuturiste, se présentant les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles… mais surtout dans un corps sain !
Musk ne joue-t-il pas une carte personnelle dans cette affaire ?
Certes, comme du temps de la Renaissance, et cela va très bien pour lui ! Il a vite compris qu’avec une équipe politique traditionnelle à la Maison Blanche et au Congrès, alors qu’il est devenu le contractant le plus important du gouvernement américain, il ne parviendrait pas à développer son efficience au-delà de tâches ancillaires. Ainsi du lancement de quarante fois plus de véhicules dans l’espace que Boeing, et pour la moitié du coût, pour finir par récupérer les astronautes coincés dans la navette parce que Boeing ne pouvait plus techniquement le faire. Il connait le budget de la NASA, monstre de bureaucratie pachydermique. Et il sait aussi les entraves règlementaires qui lui font sentir que les nains se sont rassemblés autour de Gulliver. Oui, il a des visées personnelles : en misant tout sur Trump, il comprend qu’avec un État efficient, il pourra lui-même conserver et accélérer son avance sur les technologies de la Chine. Faute de quoi…
Alors, comment faire valider sans problème l’équipe de Trump par un Sénat se prétendant amical mais fondamentalement hostile ou tout simplement sans colonne vertébrale ?
Notons d’abord que bien des sénateurs (comme d’ailleurs des députés) sont le reflet des think-tanks qui rédigent leurs textes et documents de travail. Trump n’oublie pas par exemple que vingt sénateurs républicains avaient ratifié la nomination du ministre de la Justice de Biden (l’Attorney General Merrick Garland qui a tout fait pour le faire condamner et mettre en prison). Les sénateurs, y compris les plus sympathiques, sont des caciques souvent « tenus » par un double historique, celui de la guerre froide et celui de l’hégémonisme facile des années quatre-vingt-dix. Bon nombre ne comprennent pas du tout la politique du triumvirat Trump-Kennedy-Musk qui se situe aux antipodes de ce qui se fait d’habitude. D’où beaucoup de commentaires (souvent sincères) sur le fait que bien des membres de l’équipe nommée par Trump de disposent pas des « qualifications » nécessaires. Et, effectivement, ils ne sont pas qualifiés pour appartenir au club fermé du « swamp ». D’autres, au contraire, ne comprennent que trop bien la politique révolutionnaire du triumvirat qui, si elle réussit, consacrerait leur extinction. D’où les commentaires accusant les ministres putatifs de Trump de représenter un danger « clownesque » pour la sécurité nationale.
Sera-t-il aisé de contrecarrer les hostilités actuelles du Sénat sur les nominations ? Que fera la presse ? La vox populi ?
Les grand médias, tous filialisés à des méga-multinationales (Disney, Comcast, etc.) sont en difficulté. Certains sont à vendre, soit officiellement, soit officieusement (CNN). Secoués par leur inaptitude à comprendre le pays réel, incapables d’autocritique, ils en sont encore au stade du gros caprice nerveux. Ils ne comptent plus. Alors comment maitriser les sénateurs lors des débats sur les nominations gouvernementales ? Tout simplement avec X, qui a semble-t-il survécu à l’hémorragie d’usagers et de publicitaires de 2023–24 (la compagnie est proche de la rentabilité avec 75% d’effectifs en moins, bénéficiant d’un retour des investisseurs publicitaires qui voient tourner le vent). S’y ajoutent également les podcasts (balados) à très fort tirages, comme Joe Rogan, TCN (Tucker Carlson News) etc.
La force de frappe médiatique de Musk, lequel pèse personnellement très souvent un milliard de vues mondialement, représentent un levier considérable. Ce sera en particulier le cas pendant la présente lune de miel postélectorale, où il sera possible d’inciter les électeurs à faire pression sur leurs sénateurs et sénatrices qui auraient tendance à oublier que Trump a bien reçu un mandat du peuple, ou bien qui seraient tentés de saboter ou retarder le processus de nomination usant de diverses subtilités procédurières. Avec Musk, les médias sociaux ne se gêneront pas pour stigmatiser sur la (véritable) place publique les possibles faux-jetons.
Pourquoi parle-t-on d’une fenêtre de deux ans pour assoir définitivement le Trumpisme ?
C’est le temps qu’il faut pour gagner ou perdre les élections législatives intérimaires (« midterm ») de 2026. C’est pourquoi le projet DOGE (Department of Government Efficiency) d’Elon Musk et Vivek Ramaswamy s’est donné pour objectif de lancer un maximum de restructurations afin de les « offrir au peuple américain » lors du 250e anniversaire de la révolution américaine, en 2026, précisément. Ceci permettra aux électeurs de voter sur la continuation du plan, la croissance économique (escomptée) aidant. Et d’améliorer la majorité républicaine au Congrès.
Si le triumvirat réussit, faudra-t-il s’en réjouir pour le monde et pour l’Europe ?
Pour l’Eurasie, oui ! Il ne serait pas surprenant que Trump et Poutine se rencontrent, chacun avec ses oligarques, afin de décider d’un plan de relance économique pour la totalité des territoires, Russie incluse, basant leur plan sur le modèle des accords d’Abraham. Pour le Proche Orient, peut-être ! (une fois la question de l’Eurasie réglée, et sur les bases de nouveaux accords d’Abraham, afin de sortir la Chine du jeu). Pour les BRICS, probablement ! (si la Chine et l’Inde y trouve leur compte). Pour l’Europe, sans doute ! (mais seulement le jour où elle décidera d’exister. Elle est pour l’instant la dernière de la classe aux yeux des dirigeants américains, Trump inclus. Ce serait peut-être pour elle l’occasion de se décoloniser ?)
Soyons réalistes, que peut-il arriver de mal au démarrage de la transition Trump ?
D’abord que le Sénat refuse de jouer le jeu. Une procédure constitutionnelle existe, qui a était utilisée 139 fois par Bill Clinton, 171 fois par George W. Bush, et 32 fois par Barak Obama, le « recess appointment » : la nomination temporaire d’un ou de plusieurs ministres et hauts fonctionnaires pendant une vacance ou une interruption de session – de 10 jours minimum. Cette nomination sans examen par le Sénat reste temporaire (jusqu’à la fin de la prochaine session, soit environ deux ans), mais elle permet à l’équipe de fonctionner à plein régime, sans attendre 120 jours (en moyenne, parfois beaucoup plus) de validation des candidatures (et de faire ses preuves). Or, par un mini coup tordu, le leader républicain du Congrès a « 0rganisé sa succession» ! avant même que le nouveau Sénat prête serment, en faisant élire un « Rino » à la langue fourchue. Trump et ses alliés ont déjà demandé (pas encore officiellement) d’utiliser la procédure des nominations intermédiaires, compte tenu l’immense tâche qui attend son gouvernement. Le leader Rhino (John Thune) doit pour cela organiser un vote. Il peut le refuser. Ou bien l’organiser en sachant que sur les 53 sénateurs républicains comportent 5 à 7 « nevertrumpers ». L’interruption de session serait ensuite « démocratiquement » rejetée.
Donc la procédure va s’étirer en longueur afin de permette aux médias de jeter des tombereaux d’opprobre sur Trump via ses candidats pendant les deux prochaines années ?
Il resterait à Trump encore deux chances : rentrer par la fenêtre, ou encore enfoncer (légalement) la porte. Autrement dit dans le premier cas Trump pourrait demander au Speaker d’organiser une interruption de session de la Chambre des représentants, auquel cas le Sénat deviendrait techniquement « non fonctionnel », ce qui permettrait à Trump de faire passer ses nominations. Dans le second cas il pourrait tout simplement (prérogative constitutionnelle) ajourner la session du Congrès dans son ensemble (les deux chambres), le temps nécessaire de procéder à ses nominations temporaires.
Quelles autres tuiles pourrait lui tomber sur la tête ?
Nous entrons ici dans un raisonnement qui est celui des pacifistes hyper-inquiets, tel le juge Napolitano, dont les invités déplorent la dérive anti-iranienne de la nouvelle équipe. Et de se poser deux question : comment Trump pourra-t-il contrôler le chaos du Proche-Orient ? Comment les néoconservateurs pourraient miner la situation en Ukraine avant l’assermentation de Trump ? Nous ajouterons de notre côté une autre question, fondamentale : comment Trump va-t-il supporter la popularité croissante de RFK Junior et d’Elon Musk ? Son ambition étant de devenir aux yeux de l’histoire le Président le plus significatif des États-Unis, pourra-t-il supporter de partager cet honneur ?
En conclusion ?
Reprenons ici les conclusions (Trump’s transition picks: Strategy, highest upside/downside, and more, à 1h 05 min 50 sec) de l’excellent podcast financier All In. Trump, explique l’un d’entre eux (à partir de 1h 11 min 24 sec), applique la méthode darwiniste aux conglomérats bureaucratiques : l’imposition à ses derniers d’un stress maximal (coupures, fermetures, délocalisations loin de Washington en plein « pays Trumpien » etc.) permettrait l’identification des seules équipes et agences compétentes et utiles, qui alors survivront. L’approche est déjà utilisée en Argentine, par le Président Javier Milei. C’est dire…