En général, lorsqu’un prêtre se rend coupable d’abus sur des mineurs, les médias se font un devoir de prévenir leurs habitués. Pourtant, une affaire actuelle de ce genre reste quasiment sous les radars. Et pour cause : pour une fois, les médias devaient bien l’aimer, ce prêtre.
Le père Antoine Exelmans, pro-migrants convaincu
Le père Antoine Exelmans fait partie du diocèse de Rennes et a fait de multiples allers-retours entre la Bretagne et l’Afrique. Ordonné en 1993, il est aumônier des étudiants dans le diocèse de Bangassou, en Centrafrique, entre 2000 et 2004. Il revient dans ce pays entre 2009 et 2012, après un passage à Maurepas, en Bretagne. En 2012, lorsqu’il revient de Centrafrique, il a l’occasion de déclarer auprès de Ouest-France qu’il est « marqué par les inégalités et la pauvreté en Afrique ».
Le média précise également qu’il « a des idées sans a priori ». En 2015, il s’investit plus encore dans la crise migratoire et fonde Tabitha, une association qui accueille des réfugiés et œuvre à leur régularisation. En 2016, il s’envole pour le Maroc pour étudier les problématiques migratoires, l’islam, l’arabe et la théologie. Entre 2021 et 2024, il est à Casablanca, toujours au Maroc, où il est vicaire général pour le diocèse de Rabat. Très engagé en faveur des migrants, il tient une place de choix à la rencontre MED 2024, à Marseille, en avril 2024. Selon lui, tous les séminaristes devraient passer un an dans une structure d’accueil de migrants.
La coqueluche des médias
Avec un tel palmarès, on comprendra sans peine que le père Exelmans ait eu son rond de serviette dans plusieurs médias régionaux ou spécialisés. InfoMigrants lui accordait en 2020 un portrait à l’occasion de sa décoration du prix d’Aix-la-Chapelle pour la paix. L’article évoquait « un héros de l’ombre au service des migrants », « un prêtre qui consacre sa vie à aider des migrants et réfugiés au Maroc ». Les articles à son sujet sur Ouest-France sont légion, ce qui peut aussi s’expliquer par son rôle dans les paroisses bretonnes. Un papier en 2016, lorsqu’il s’apprête à rejoindre Rabat, où l’on trouve la citation suivante : « Les migrants et le dialogue avec l’islam constituent sans doute les plus grands défis actuels pour nos sociétés, afin de bâtir ensemble une mondialisation de la fraternité. » Une interview en 2019, où le père Exelmans a tout loisir d’expliquer ses engagements en faveur des migrants et d’un « christianisme authentique, proche des plus pauvres », un papier à l’occasion de la remise du prix Aachen, en 2020, où l’on apprend que « son œuvre [en faveur des problématiques migratoires] vient d’être récompensée (sic) au plus haut niveau », et que « ce sont ses actions en faveur des migrants irréguliers et personnes en transit au Maroc qui sont saluées ». D’autres ont permis au père Exelmans de rappeler ses chevaux de bataille.
La chute du héros et l’assourdissant silence
Le 24 mai 2024, quelques semaines après les rencontres MED 2024 où il a posé avec le cardinal français Jean-Marc Aveline, Casablanca reçoit une plainte contre le père Antoine Exelmans pour abus sur mineurs. Le prêtre rentre en France en juin et l’archevêché évoque un « burn-out professionnel ». Pour la paroisse de Casablanca, il est en vacances. Début juillet, le diocèse publie un communiqué de presse évoquant des alertes « laissant entendre qu’il pourrait y avoir des abus sur des personnes fragiles ». L’enquête est lancée dans le plus grand silence médiatique. En janvier 2025, le diocèse avertit la paroisse de Maurepas, où le père Exelmans a officié, pour demander des témoignages. En novembre 2025, la presse marocaine publie sa propre enquête, et c’est alors que la presse française se réveille. Ou plutôt, qu’un seul média, Riposte catholique, informe ses lecteurs. Tous les autres sont aux abonnés absents, malgré l’existence de six victimes toutes mineures pendant les faits. La dernière évoque des relations sexuelles subies pendant des mois.
Le silence rompu, la parole reste discrète
C’est seulement après plusieurs jours que d’autres médias plus connus reprendront l’information, sans nécessairement s’étendre sur les convictions du père Exelmans. On peut supposer que s’il avait été de sensibilité traditionaliste ou habitué à donner des conférences dans des milieux proches de la droite, cela aurait été mentionné. Libération présente sobrement le père Exelmans comme « un prêtre français » qui « travaillait » dans « la paroisse de Notre-Dame-de-Lourdes de Casablanca, qui gère le service d’hébergement d’urgence des personnes migrantes ». Le prêtre le dirigeait et avait mis fin à la plupart des processus d’accueil, de sorte que tout, et surtout tous, passaient par lui. On apprend dans l’article qu’il a été « envoyé au diocèse de Rabat en 2016, “à l’encontre de migrants et réfugiés mineurs” durant au moins quatre ans ». France 3 se concentrera également sur les missions du père Exelmans qui, au reste, parlent d’elles-mêmes, en mentionnant notamment la création de Tabitha Solidarité.
Cette récupération de la gauche qui viendra peut-être
Face à cette histoire sordide qui ne dresse pas un portrait bien élogieux de ce qu’on pourrait appeler vulgairement un « catho de gauche », il est possible que les médias trouvent un contrefeu. Il serait simple : accuser tous les prêtres de s’attaquer à des migrants mineurs, fragiles, et inventer un réseau de prêtres français venant chercher de la chair fraîche à des milliers de kilomètres de la justice française, avec à la clé une extradition facile permise par une hiérarchie ecclésiastique au mieux aveugle, au pire complice. On a déjà vu pareil retournement.
Adélaïde Motte


















