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États-Unis : y‑a-t-il un pilote dans l’avion ?

23 juillet 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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États-Unis : y‑a-t-il un pilote dans l’avion ?

Temps de lecture : 8 minutes

États-Unis : y‑a-t-il un pilote dans l’avion ?

Les déc­la­ra­tions à la volée suiv­ies de volte-face, les ater­moiements, les emporte­ments suc­ces­sifs de Don­ald Trump inter­ro­gent les Européens et sans doute aus­si nom­bre d’Américains. Nous avons posé dix ques­tions sur le sujet à notre cor­re­spon­dant en Amérique du Nord.

Les derniers revirements de Trump étonnent : pourquoi un président si brillamment élu ne parvient-il pas à concrétiser ses promesses ?

Réponse : On se le demande. Chaque prési­dent, dans la péri­ode mod­erne, se heurte à ses maires du palais (Barak Oba­ma nom­mait cela le “blob”). Or la sit­u­a­tion s’est dur­cie depuis près de 10 ans. Le Trump du 1ᵉʳ terme avait eu l’excuse de subir un coup d’État latent (aujourd’hui révélé, doc­u­ments à l’appui, par Tul­si Gab­bard). Il ne dis­po­sait alors que de bribes d’autorité, et ses actes majeurs lui furent dic­tés par le blob. Si l’on s’en sou­vient, son pro­jet ini­tial bipar­ti­san de méga-plan d’infrastructures fut rem­placé par un méga-plan mil­i­taire com­plété de baiss­es d’impôts per­ma­nentes pour l’économie finan­cia­risée (et seule­ment tem­po­raires pour les class­es moyennes). Quant à Biden, le récent scan­dale sur le sty­lo automa­tique (Auto-Pen) met en lumière que le cal­ife a été con­trôlé pen­dant qua­tre ans par un club « d’Iznogouds » qui prof­i­tait de sa fatigue cog­ni­tive. Il sem­ble donc que la sou­veraineté du peu­ple ne con­cerne pas réelle­ment le blob.

Comment Trump a‑t-il gagné contre ce blob en 2024 ?

Réponse : Trump a pour par­tie gag­né l’élection à cause de l’implosion de Kamala Har­ris, il a aus­si béné­fi­cié du har­cèle­ment con­stant dont il a été vic­time, qui cul­mi­na avec deux ten­ta­tives d’assassinat. Mais, qu’il le veuille ou non, il a prin­ci­pale­ment gag­né grâce à Elon Musk, grâce à Kennedy, et grâce à Vance. Et à bien d’autres, comme le jour­nal­iste Tuck­er Carl­son ou Char­lie Kirk, chef des jeunes con­ser­va­teurs du mou­ve­ment Turning Point USA. Tous ont ensem­ble su pro­jeter l’espoir d’une coali­tion, d’une équipe, d’un auda­cieux plan à 180 degrés cen­tré sur des réformes struc­turelles fon­da­men­tales. Un plan de ren­verse­ment des idol­es, qui fai­sait appel au courage, à la jeunesse, et à l’innovation. Cela se traduisit le jour de l’élection par la con­quête du vote pop­u­laire, qui alla bien au-delà du vote Maga tra­di­tion­nel, et bien au-delà du vote répub­li­cain traditionnel.

Et cette coalition aujourd’hui se meurt ?

Réponse : Oui, cette coali­tion s’est épuisée : divorce avec Musk, retour en force des caciques par­lemen­taires, échec de la paix en Ukraine, et vic­toire sur­réal­iste du fan club inter­na­tion­al de Zelen­s­ki, cynisme des Russ­es, des Indi­ens et des Chi­nois, aligne­ment sans con­di­tion sur le Pre­mier min­istre israélien, autant de raisons de crain­dre que le pays ne soit dirigé par un prési­dent qui ne sait pas tou­jours ce qu’il fait. Depuis, fort logique­ment, Trump passe « un mau­vais quart d’heure », ain­si que l’explique The Spec­ta­tor.

Mais pourquoi cela va mal maintenant alors que ça avait si bien commencé ? Y a‑t-il eu un fait déclencheur ?

Réponse : dif­fi­cile à dire. On peut par exem­ple com­pren­dre que dans l’affaire Musk, la crise fut la con­séquence d’une dou­ble méprise. Trump a vu dans le DOGE un arti­fice per­me­t­tant d’annoncer à mi-man­dat de colos­sales économies afin de gag­n­er l’élection au Con­grès. Tan­dis que Musk y a vu une stratégie de redresse­ment d’un État en fail­lite. Tant qu’il s’attaquait au wok­isme, Musk avançait et Trump le soute­nait. Mais du jour où Musk a osé met­tre le nez dans les gabe­gies du départe­ment d’État et celles du min­istère de la Guerre, il a été sec­oué, voire blo­qué. Ses cri­tiques sur les choix tech­nologiques de l’armée étaient sac­rilèges. De quoi se mêlait-il ? La dia­boli­sa­tion de Musk et les atten­tats con­tre son busi­ness ont com­mencé impuné­ment. Et l’affaire du « Big Beau­ti­ful Bill » a ulcéré Musk, qui y a vu l’annulation de la rai­son d’être du DOGE, à savoir la réforme de l’État. Puis nous avons assisté au yoyo ukrainien. Les néo­con­ser­va­teurs ont de fac­to déplacé leur cen­tre stratégique mon­di­al à Kiev, dev­enue le nou­veau Vat­i­can de l’Europe. Et le job descrip­tion des élus améri­cains se résumait à embrass­er l’anneau de Volodymyr Zelen­s­ki devant les pho­tographes. Trump n’a pas su met­tre au pas ce Vat­i­can post­mod­erne. Son idée orig­i­nale de décou­pler la Russie de la Chine en s’appuyant sur un vaste plan de coopéra­tion économique améri­cano-russe comme moyen d’une paix eurasi­enne (voire arc­tique) durable a calé au démar­rage. Là-dessus s’ajouta l’affaire irani­enne, dont on ne saura jamais si Trump a floué les Mol­lahs ou s’il s’est fait lui-même flouer par Netanya­hou lorsque ce dernier a bom­bardé l’Iran en pleines négo­ci­a­tions ira­no-améri­caines (dont on dit qu’elles furent facil­itées par Pou­tine). Tout ceci laisse à penser que Trump, qui vit dans l’instant, sem­ble désor­mais se rap­procher de Canos­sa, espérant en échange un prix Nobel de la paix sur recom­man­da­tion de Netanyahou.

Pourtant Trump disposait d’immenses pouvoirs pour dompter le blob. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Est-il capable d’être président ?

Réponse : Trump est physique­ment courageux, mais il est par­fois psy­chique­ment faible, sem­ble-t-il. Il vit dans l’instant, comme dit précédem­ment, et pas dans le temps long des respon­s­ables du BRICS. Il sem­ble tou­jours sur­pris par une riposte dure, et ses capac­ités d’analyse sont exclu­sive­ment fixées sur deux ou trois mod­èles qui sont les siens depuis vingt ans. Fait alar­mant, ce sera tou­jours le dernier qui lui par­le qui obtien­dra gain de cause. Si l’on ajoute au poids de la bal­ance son nar­cis­sisme et sa van­ité, l’on ne sera pas éton­né non plus qu’il oublie sou­vent ses devoirs, ses alliances, ses pro­pres inten­tions. Nous soumet­tons ici la meilleure radio­scopie des défi­ciences fon­da­men­tales du per­son­nage, présen­tées par le colonel McGre­gor. Ajou­tons que le défaut le plus dan­gereux du prési­dent reste bien sa van­ité : elle ira jusqu’à le men­er à pré­ten­dre qu’il a pris lui-même les déci­sions qui lui ont été imposées par le blob. Ses manip­u­la­teurs en usent ad libitum.

Où cela va-t-il mener le pays ?

Réponse : depuis qu’il n’a plus sa cav­a­lerie, à savoir Musk et ses réseaux financiers et soci­aux, Trump sem­ble revenu à la case départ, celle de son pre­mier man­dat, où il était pris­on­nier des néo­con­ser­va­teurs. C’est le « petit Trump » qui pré­vaut sur « le grand Trump ». Trump est rede­venu le mata­more qui ne fait plus peur. Tous les irri­tants que les « nou­veaux électeurs » de sa grande coali­tion pou­vaient ignor­er tant que tenait cette coali­tion, remon­tent désor­mais à la sur­face. Rien ne dit que Kennedy ne va pas ruer dans les bran­car­ds dans la crise ukraini­enne, ou que le vice-prési­dent Vance lui-même ne se désol­i­darise au moment oppor­tun. Et, surtout, rien ne dit que l’affaire Epstein qui refait les manchettes puisse être enterrée.

Parlons justement d’Epstein. À quoi bon discuter de vieilles affaires de détournement de mineurs ?

Réponse : il y a deux affaires Epstein. Celle que les médias adorent, la salace ; et puis celle que les médias ignorent (en voir ici le résumé fait par la chaine turque TRT Glob­al). Les médias vont ten­ter de « mouiller » Trump. Côté salace, des jour­nal­istes dits d’investigation comme Michael Wolff pré­par­ent l’opinion. Ou encore le groupe Mur­doch (Fox News et le WSJ) aigu­ise ses lames. Le Wall Street Jour­nal a ain­si pub­lié une let­tre imag­i­naire de Trump à Epstein sur fond de femme nue. Ces pre­mières attaques pour l’instant ne por­tent pas à con­séquence. Con­traire­ment à la « deux­ième » affaire Epstein.

La deuxième affaire Epstein ?

Réponse : Oui. celle, non prou­vée, mais établie sur des pré­somp­tions « cir­con­stan­cielles » qui pour­raient laiss­er penser que le « phil­an­thrope » avait con­sti­tué une machine à faire chanter ses rela­tions de la haute société mondaine ou poli­tique, pos­si­ble­ment au prof­it d’agences gou­verne­men­tales améri­caines ou étrangères. Cer­tains jour­nal­istes, comme Meg­yn Kel­ly, pensent que cela mérite inves­ti­ga­tion, ne serait-ce que pour exonér­er ces agences, mais aus­si afin de faire la lumière sur la mort d’Epstein dans sa cel­lule. D’autres, comme Tuck­er Carl­son, vont plus loin dans le raison­nement, par­tant du principe que si ces allé­ga­tions sont fauss­es, la façon dont elles sont traitées et con­tred­ites rend sus­pecte la con­duite des autorités. Il faut donc inves­tiguer, quitte à ce que des États tra­di­tion­nelle­ment alliés des États-Unis soient dans le col­li­ma­teur. Ce qui reviendrait peut-être à jeter un regard neuf sur les déci­sions inter­na­tionales de la classe poli­tique américaine.

La révolte d’America First : on parle d’un troisième parti. Vraiment ?

Réponse : Musk en a lancé l’idée et Carl­son et d’autres artic­u­lent une vision pré­cise d’un « trump­isme sans Trump ». Il sem­ble que l’objectif ne soit pas de répéter les erreurs de précé­dents mil­liar­daires qui cher­chaient à pren­dre la prési­dence, comme Ross Per­ot. Ce serait plutôt un pro­jet con­cret d’installer au con­grès (Cham­bre et Sénat) une quin­zaine d’élus. De quoi con­stituer une minorité de blocage con­sti­tuée de cen­tristes lib­er­tariens, ou mieux encore un mou­ve­ment charnière de « faiseurs de rois » qui puisse stop­per les caciques fidèles au blob. À suivre.

Et les médias ?

Réponse : les médias offi­ciels, en déclin, ont traité avec beau­coup de scep­ti­cisme l’idée de créer un nou­veau par­ti. Et, sur l’affaire Epstein, peu d’entre eux con­sid­èrent l’affaire sous l’angle des agences de ren­seigne­ment, si ce n’est pour sig­naler qu’il n’y a rien à sus­pecter, et que ceci relève du sim­ple com­plo­tisme. N’est pas du com­plo­tisme, en revanche, le fait que les médias (tous con­fon­dus) ne ral­lient plus guère la con­fi­ance du public.

Mimar Sinan 

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