Au centre d’une vague d’actions judiciaires, le RN subit depuis le 9 juillet 2025 une perquisition appuyée de son siège à Paris, sur la base d’une enquête du parquet européen pour détournement de fonds. L’enquête – mettant également en cause le rôle du milliardaire Pierre-Édouard Stérin – a été largement relatée par les médias, qui se sont fait le relais des opinions dichotomiques des personnalités politiques.
20 policiers, 2 juges d’instruction
Dans les faits, le 9 juillet, une vingtaine de policiers et deux juges de la Brigade financière anticorruption (BFAC) ont lancé une perquisition à Nanterre en vue de récupérer des mails, des documents comptables et des factures liées aux campagnes du RN de 2022 et 2024, selon les informations du parti. Les sièges sociaux et les domiciles de dirigeants de sociétés liées au parti ont également été perquisitionnés.
L’enquête se penche sur le financement électoral du RN, soupçonnant le groupe d’avoir contourné les règles via des prêts par des particuliers, des surfacturations de prestations ou des prestations fictives incluses dans les demandes de remboursement public.
Acharnement politique et judiciaire ?
Côté RN, aucun doute : Jordan Bardella et les porte-parole du parti dénoncent un acharnement politique et judiciaire. Pour les représentants, le parallèle entre la montée en popularité du mouvement – reflétée dans les sondages – et une mise en cause systématique est net. « Nous n’avons rien à nous reprocher », défend le président du parti dans un enregistrement BFMTV synthétisé par Orange Actualités. Pour Jordan Bardella, la procédure est « parfaitement infondée » et relève de « harcèlement judiciaire, politique et financier ».
Voir aussi : Législatives 2024, les agences de presse contre le RN
Des comptes de campagne déjà validés
Comme le défend l’équipe, « la justice avait déjà accès “à l’intégralité des comptes de campagne” qui avaient déjà été validés par la Commission nationale des comptes de campagne » et le recours à des prêts contractés auprès de personnes privées a eu lieu dans un contexte où « aucune banque n’accepte de prêter au RN. Quelle peut être notre alternative pour financer les campagnes, du coup ? »
Selon les propos de Sébastien Chenu recueillis par BFMTV, il s’agit de « “harcèlement” pour “essayer de porter préjudice” au Rassemblement national ». « Ils veulent que l’on soit coupables, mais on ne sait pas trop de quoi » résume Marine Le Pen. Dans ce cadre, le parti a pris l’initiative de se défendre par le moyen d’une pétition intitulée « Non à l’acharnement judiciaire contre le Rassemblement national – Stop à la persécution du 1ᵉʳ parti de France ».
Le journal suisse Le Temps : un RN trumpiste
Dans un éditorial pour le média suisse Le Temps, Paul Ackermann estime que cet évènement marque la fin de la stratégie de dédiabolisation du RN, pour « virer pour de bon dans le complotisme à la Trump ». Le journaliste défend ouvertement que « le RN a d’évidence décidé de tout miser sur une stratégie de défense agressive, pariant à fond sur la théorie du complot et reléguant au second plan le fond des affaires qui se multiplient. Au risque de décrédibiliser la stratégie de normalisation qui a souri au parti ces dernières années. »
Maurice Bontinck raille lui aussi la défense du RN dans un éditorial pour Charente Libre :
« “Manœuvres”, “harcèlement”, “basses œuvres du Système”, “magouilles”, “acharnement”… Ce ne sont pas les réactions de comptes complotistes mais le lexique des dirigeants du Rassemblement national suite à la perquisition de leur siège ».
Résumant la défense du parti à un discours « c’est pas le RN, c’est le système », le journaliste critique sans vergogne un « système de défense aux inspirations trumpistes, contre un “État profond” et des juges “rouges”. »
Voir aussi : Les médias anti RN sans masques
Xavier Bertrand surenchérit
Moins attendu, Xavier Bertrand s’est lui aussi attaqué aux dénonciations des cadres du RN : Le président du conseil régional des Hauts-de-France a déclaré dans des propos retranscrits par Le Figaro que « les dirigeants du RN ont un problème avec l’argent public » et « ne sont pas aptes à gouverner notre pays, ils ne sont pas dignes de confiance ». L’ancien ministre reproche sur le plateau de BFMTV une position en victimes artificielles :
« Quand est-ce qu’ils vont arrêter de jouer les pleureuses ? Jean-Philippe Tanguy était en train de chouiner sur votre plateau. Tout ça c’est un rideau de fumée, c’est se présenter comme des victimes qu’ils ne sont pas. ».
Quant à l’opinion publique, elle semble défavorable au parti dans cette affaire. Les lecteurs d’Orange Actualité , mobilisés par un sondage : « Selon vous, le RN est-il victime d’un “acharnement” ? » se sont prononcés pour le « Oui » à 28 % et pour le « Non » à 70 %.
Pierre-Édouard Stérin sur le billot
À cette affaire s’ajoutent les accusations à l’égard du milliardaire Pierre-Édouard Stérin, accusé d’avoir apporté des contributions financières illégales au Rassemblement national. Le Monde prend ainsi position sur l’affaire :
« les enquêteurs s’interrogent sur le rôle du milliardaire, fervent soutien d’un projet de société ultralibéral, réactionnaire et xénophobe, dans un système de financement illégal des campagnes électorales du RN en 2020 et en 2021, principalement dans le quart sud-est de la France. »
Décrit comme le « bienfaiteur de l’extrême droite », France 24 avance – ni plus ni moins – que « ce milliardaire s’est donné pour mission de faire triompher ses idées très conservatrices », « ce libertarien et fervent catholique … a choisi de consacrer sa richesse à un combat idéologique ».
Au total, les ennuis judiciaires s’aggravent pour le RN, à l’opposé du contexte de montée en puissance du parti. Si la justice n’en est qu’au début de l’enquête, le processus s’annonce source de complications pour le mouvement au moment – bien choisi – où de nouvelles échéances électorales pourraient s’ouvrir sur fond de possible censure du gouvernement Bayrou. Pour Laurent Jacobelli, député RN de Moselle et porte-parole du parti, le problème est bien plus large, pouvant être qualifié de « véritable scandale démocratique inédit », comme le rapporte Boulevard Voltaire.
Julien Brasseur


















